Quand je commence un livre, s'il y a un truc que je ne fais jamais, c'est bien lire des critiques dudit livre sur ce merveilleux-site-de-partage-et-d'information-totalement-bienveillant.
Mais là, par un hasard hasardeux, je suis tombée sur quelques critiques de ce bouquin.
Quelle ne fut pas ma surprise de constater à quel point les avis divergeaient !
Les uns psalmodiant la poésie du texte, les autres le dézinguant bien comme il faut.
- Et pourquoi ? me demandes-tu.
Sous prétexte que
Les Belles Endormies fait l'éloge de la pédophilie. Rien que ça.
Là, en toute légitimité, on peut se demander :
- Mais à quel moment un livre peut-il être considéré comme poétique quand d'autres le condamnent pour des faits absolument scandaleux ?
Bonne question, je me remercie de l'avoir posée.
Avant d'y répondre, petit rappel de l'histoire :
Ça se passe à
Kyoto. Les vieillards appartenant à la haute bourgeoisie paient des sommes pharamineuses pour pouvoir contempler le sommeil de jeunes filles nues et droguées, pendant qu'ils agonisent d'amour dans le même lit.
Ah, bien sûr, ils se heurtent à des règles. Ils n'ont pas le droit de les éveiller, ou simplement de le tenter, et, évidemment, ils ne peuvent pas leur faire l'amour. Déjà parce qu'elles dorment, et qu'avoir des relations sexuelles avec quelqu'un qui dort, ça s'appelle un viol et c'est pas tellement génial, et surtout parce que l'essence même du plaisir de ces vieux caducs vient de la contemplation d'une jeune beauté et de leurs phantasmes sur un passé révolu, peuplé d'amours d'antan et de regrets, et de plein d'autres trucs qui font qu'à la fin, quand tu meurs, on dit que tu as eu une vie « bien remplie ».
Le truc qui divise les lecteurs – tu ne me verras jamais écrire « lecteur.rice.s, t'es bien gentil, mais ton orthographe inclusive tu te la fous où j'pense –, le truc qui divise les lecteurs, dis-je, c'est justement ce principe de vieillards qui couchent avec des jeunes filles.
Moi, autant mettre les choses à plat, s'il y a bien un truc dont je m'en flagelle allègrement les amygdales, c'est bien la différence d'âge.
Arrête de sauter sur ta chaise. Je m'explique.
Quand je vois un vieux monsieur embrasser une jeune femme, ou une vieille dame embrasser un jeune homme, contrairement à certains qui s'insurgent et crient au détournement de mineur – ou de majeur, va comprendre... –, moi, je m'en fous.
Elle n'accepte ses caresses que parce qu'il a de l'argent ? Il est naïf parce qu'il la croit amoureuse ?
Hé ! Considérons qu'à partir d'un certain âge, les gens sont assez grandinets pour faire ce qu'ils veulent de leurs fesses. Si Bonhomme est heureux avec une femme vénale, c'est son problème. S'il est assez con pour croire qu'elle est moins dans ses bras pour sa thune que pour ses vieilles moustaches toutes blanches, c'est son problème aussi.
Je t'avouerai cependant que ce livre m'a mise mal à l'aise. D'où cette note pas folichonne.
Car oui. Même si je m'en fous des différences d'âge – libre à toi de trouver ton plaisir où tu le veux, tant que tu ne fais de mal à personne, merde – mais j'ai quand même des limites.
Avec des mineures, par exemple, c'est non.
- Elles sont consentantes, puisqu'elles acceptent d'être payées pour dormir avec des vieux, me dis-tu.
J'entends, j'entends. Mais ça me chiffonne quand même.
Autant, j'aime beaucoup lire les descriptions élogieuses sur la beauté d'une femme, ses cheveux, ses yeux, ses hanches, tu m'as compris tu m'as. Autant, lire des descriptions tout aussi élogieuses sur une beauté juvénile, en insistant bien sur le fait que l'essence de sa beauté se trouve dans ses petits seins à peine sortis de l'adolescence, eh bien, je sais pas, mais un truc me déplaît.
- C'est parce ta morale puritaine est heurtée dans ses principes, petite Galette. C'est marrant, toi qui, il y a encore trois jours, gueulait contre les vieux barbons qui avaient condamné
Hardellet... Ah, tu changes bien vite...
Que nenni ! Absolument pas. Je ne suis ni puritaine, ni morale, d'abord. Alors, rien à heurter.
En fait, cette note pas géniale s'explique par le fait que, contrairement à d'autres lecteurs dont je tairai le nom, je ne note pas à la tête de l'auteur, et aussi parce que je n'ai tout simplement pas compris la morale de l'histoire.
Arrivée à la dernière ligne du livre, je me suis demandée s'il ne manquait pas des pages, tant je n'étais pas éclairée sur la conclusion.
Bah oui, que dire, finalement ?
La décrépitude, c'est un concept pas ouf ?
Les femmes, plus elles sont jeunes, mieux c'est ?
Faire l'amour, c'est surfait, le plus rigolo c'est regarder l'autre dormir ?
Je suis mitigée. Je ne sais que dire. D'où cette critique absolument pas construite et qui n'enrichit absolument pas le débat.
Je sais, je t'ai habitué à mieux.
- Bon, alors, est-ce que ça vaut le coup de lire
Les Belles Endormies de
Yasunari Kawabata ?
Bonne question, Camarade. Bonne question. J'ai envie de te répondre oui, car, comme ça, avec un peu de chance, tu écriras une jolie critique qui pourra ainsi m'éclairer sur la visée morale de ce texte.
Allez, je dois y aller, je vais observer mon hamster pendant qu'il pionce.