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Hélène Rioux (Traducteur)
EAN : 9782841720590
539 pages
L’Atalante (19/06/1998)
4.39/5   117 notes
Résumé :
Au pays d’Arbonne le soleil mûrit les vignes et fait éclore les chansons des troubadours qui célèbrent l’amour courtois.
Au Gorhaut, terre austère du Nord où l’on adore le dieu mâle Corannos, règne le brutal Adémar, sous l’influence du primat fanatique du clergé.

« Jusqu’à ce que meure le soleil et que tombent les lunes, l’Arbonne et le Gorhaut ne vivront pas en harmonie côte à côte. »

Gouvernée par une femme, minée par la rival... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Le vent glacial contre le soleil qui murit doucement la vigne. La bestialité contre la grâce. Les rictus de haine contre les sourires bienveillants. La force brutale contre la ruse subtile. Les vociférations des fanatiques contre les doux refrains des élégants troubadours. L'exécration contre l'amour courtois qui célèbre la beauté féminine. Un Dieu guerrier plein de certitudes contre une Déesse aimante pétrie de doutes.
Quatre saisons, quatre petites saisons, pour sauver le pays d'Arbonne du feu, de l'épée et de la hache.
J'ai beaucoup aimé ce long roman. On y rit, on y boit, on y chante… On y célèbre la beauté des corps et des sentiments… On ressent cette douce mélancolie qui s'empare des fêtards et des amants arrivés au bout de la nuit. On s'attarde, assis à l'ombre, sur de vieux bancs en pierre…
Tout serait tellement formidable s'il n'y avait pas au nord la folie destructrice du pays du Gorhaut dont les légions vont bientôt se ruer au coeur du pays d'Arbonne.
Je n'oublierai pas tous ces personnages généreux au rire clair qui, par pudeur, savent si bien dissimuler leurs blessures. le roi brutal du Gorhaut aura fort à faire pour parvenir à vaincre de tels caractères.
Le talentueux duc troubadour de Talair, provocateur, charmeur et sensuel, qui perd ses nuits à essayer de retrouver un amour perdu ; la fragile Cygne de Barbentain, comtesse d'Arbonne, maîtresse du temps ; Blaise ! Blaise le rustre, Blaise le nordique qui se révolte contre l'inéluctable ; le spadassin Rudel, la douce Lisseut et le fidèle Valéry… Tant d'autres encore aux vies fracassées mais qui vont se retrouver pour défendre leur pays.
Jusqu'à l'ultime bataille, la mère des batailles qui décidera de leur sort.
J'aurais bien aimé vivre en pays d'Arbonne.
Superbe roman.

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Il y a très peu d'auteurs qui parviennent à me faire entrer en résonance avec leurs romans, pour lesquels chaque chapitre m'atteint avec la joie ou la force d'un mouvement parfait d'une symphonie de Beethoven ou d'un quatuor de Schubert.
David Gemmell y parvient, Poul Anderson aussi à un niveau un peu moindre.
Après avoir lu les Lions d'Al-Rassan il y a deux ans et la Chanson d'Arbonne aujourd'hui, je peux ajouter Guy Gavriel Kay à la liste.

J'ai pourtant failli me fourvoyer dans mon angle d'attaque au début. L'auteur a pour marque de fabrique de déployer des fantasy qui s'appuient sur un socle historique solide mais dont les détails détournés, fantasmés, diffèrent de l'original. Cela lui donne une grande marge de liberté dans la chanson qu'il nous écrit.
Et au début donc, je voulais à tout prix retrouver le détail de l'original. Je voyais bien percer le 13ème siècle médiéval en France, le Midi et sa civilisation riche et chantante, où les femmes pouvaient gouverner à l'instar d'une Aliénor d'Aquitaine, où les troubadours apportaient leurs lettres de civilisation et où l'amour chanté avait droit de cité. Je voyais bien l'écho du catharisme organiser la vie d'une partie de ses habitants ; je voyais bien le Nord se préparer à la croisade, prêt à étouffer l'hérésie dans son sang et à s'emparer de ses terres aux dépends des seigneurs dévoyés du Sud.
Mais les détails n'étaient pas là, ou ils étaient là trop déformés. le Gorhaut faisait un royaume de France beaucoup trop excessif dans sa folie religieuse, dans son animosité pour les femmes, dans sa description d'un roi Adémar trop infâme et vulgaire pour ressembler à quelqu'un de connu. Arbonne de son côté exacerbait les qualités du Midi à un point extrême. Il était tout simplement trop beau pour être réel.

Mais rapidement, j'ai cessé de chercher la musique que j'attendais pour écouter celle que l'on me donnait à entendre.
Et c'était magnifique.
Tout comme son Al-Rassan, Guy Gavriel Kay fait vivre l'Arbonne. Il nous offre ce qu'un pays presque utopique a de mieux à offrir dans les temps de paix : les carnavals où le ménestrel a plus de poids que le seigneur, les jeux amusants et bêtes de taverne, les concours d'agilité sur le fleuve et sur la mer qui n'ont pas été sans me rappeler les joutes sétoises.
Et les chansons.
Et les poèmes.
Qu'il est triste de n'avoir que le texte et pas la musique qui l'accompagne. Certaines scènes de chants sont de pures merveilles profondément émouvantes.

Ce sont les personnages de l'auteur qui font rayonner l'Arbonne. Ils ont une substance indéniable composée de beaucoup de courage, de l'honneur, de l'éthique, de l'intelligence et d'un peu de manichéisme. Composée surtout de beaucoup d'amour, d'un peu de colère, et de regrets. Blaise, Bertran, Cygne, Lisseut, Valéry, Ariane, Rudel, les nommer ne vous apportera rien mais participe à la mélodie. Il faut les lire pour les voir vivre et interagir.
Par contraste, les quelques « méchants » sont sans nuances, ce qui ne veut pas dire sans intelligence.
Même chez eux, la rédemption est possible.

Je l'ai dit au début de ce billet, chaque chapitre est d'une richesse émotionnelle confondante, au point que je ne pouvais en avaler plus de deux en une journée, de peur de saturer. Certains changent d'émotion en cours de route, commençant gaiement, se poursuivant dans une tension d'inimitié choquante par contraste, s'atténuant dans la poésie pour repartir en point d'orgue violent. Certains sont dignes de comédie de boulevard tant les personnages surjouent diplomatiquement. Certains sont aussi de l'action pure, car la bataille s'invite après la chanson.
Les rebondissements permanents font penser à une partie de squash. Les coups de théâtre ne cessent jamais, étonnent, foudroient, ou amusent.
Font pleurer parfois.

Je ne sais pas quoi dire de plus. Plutôt que des faits, je voulais vous faire entendre la musique de ce roman.

La lecture, je l'ai réalisée en association avec Fifrildi qui a de l'oreille. Nous avons partagé nos émotions à chaque chapitre. Elle a dû ralentir son rythme de lecture pour m'accompagner. Ce n'est pas un mince sacrifice. Grands mercis à elle.
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J'ai commencé l'année avec un gros coup de coeur : Les Lions d'Al-Rassan de Guy Gavriel Kay. Pour cette deuxième incursion dans l'univers de l'auteur, je dois reconnaître que je n'ai pas été déçue : quel roman captivant ! À nouveau, j'ai eu l'impression de lire une symphonie. C'est certain, j'ai bien l'intention de lire tous ses autres livres.

L'auteur s'est vraisemblablement inspiré de l'histoire des troubadours de la Provence moyenâgeuse. Je ne l'aurai pas deviné, c'est BazaR qui me l'a dit. Je le remercie au passage pour cette LC épatante.

Au sud, Arbonne, une société matriarcale avec au centre de leur religion une déesse. Au nord, il y a Gorhaut, une société patriarcale avec bien entendu un dieu mâle, Corannos. Les femmes y sont plus bas que terre. le contraste entre les deux est un peu trop marqué à mon goût, on ne risque pas de se tromper entre les gentils et les méchants. le roi Adémar est ignoble et en ce qui concerne son primat… le mot reste à inventer.

Quoi qu'il en soit, tout n'est pas rose dans le sud. Une querelle, que l'on pourrait qualifier de légendaire, oppose depuis plus de vingt ans Bertran de Talair et Urté de Miraval. Elle pourrait bien causer leur perte à tous.

Blaise est un mercenaire originaire du Gorhaut (bien bâti et roux, mais sans kilt ^_^ ). Il s'est exilé dans le sud dégoûté par ce qui se passe chez lui. Il va se lier avec Bertran de Talair et son cousin Valéry. C'est un homme d'honneur comme je les aime.

La guerre gronde… les femmes du sud constituent un affront intolérable pour le nord. Ils ne rêvent que de les faire périr par le feu ! C'est que les femmes ne sont pas laissée derrière… Kay nous offre une belle brochette de personnages féminins comme Aëlis, Rosala, Ariane, Lisseut et Lucianna Delonghi (pour ne citer qu'elles).

Que d'émotion avec ces scènes aux rebondissements à faire s'arrêter le coeur, des moments très forts. Quelques mouchoirs ne sont pas superflus.

Un roman puissant. Je ne me trompe pas en disant qu'avec BazaR, nous l'avons trouvé vraiment excellent.



Challenge pavés 2019
Challenge multi-défis 2019
Challenge défis de l'imaginaire 2019
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Si j'étais un livre, je serais un roman de Guy Gavriel Kay ...

Je crois que ma critique va commencer un peu comme celle de Bazar. Désolée, mais je ne peux absolument pas nier l'évidence...

C'est la première fois que je lis un roman de Guy Gavriel Kay et pourtant, il m'a paru si familier...Bazar dit ( je lui dois bien de le citer car c'est sa critique qui m'a donné envie de lire ce livre) que "très peu d'auteurs parviennent à le faire rentrer en résonance avec leurs romans" et que Kay en fait désormais partie.

Ben, pour moi...Tout pareil !
A tel point que je me suis demandée à certains moments si cet auteur ne lisait pas dans ma tête. Si je devais écrire un roman un jour, il est fort à parier qu'il ressemblerait en de nombreux points à un roman de Guy Gavriel Kay. J'ai trouvé fort déroutant d'ailleurs de découvrir qu'un auteur, à des milliers de kilomètres de moi, puisse avoir un imaginaire aussi proche du mien.

je vais essayer de me procurer "Le dernier rayon du soleil" car rien qu'en lisant le résumé, je suis persuadée que ce roman "résonnera en moi" tout autant que La chanson d'Arbonne, voire plus.

Bon, je parle beaucoup de moi et très peu de l'histoire...

La chanson d'Arbonne me fait beaucoup penser à une série historique que j'ai adoré il y a quelques années " La malédiction des Trencavel" de Bernard Mahoux qui est une magnifique biographie très romancée de Roger Trencavel, vicomte d'Albi, Carcassonne et Béziers, seigneur un peu rustre et peu scrupuleux et de son épouse Adélaïs, comtesse de Toulouse amoureuse passionnée d'un chevalier troubadour...
Pour ceux qui ont lu La chanson d'Arbonne, je pense que vous comprendrez aisément le rapprochement.
Peut-être cette histoire a t-elle inspiré Guy Gavriel Kay.
Sans nul doute, les Cours d'amour qui avaient lieu en territoire occitan puis en vogue sur tout le territoire français sous l'influence d'Aliénor d'Aquitaine l'inspirèrent également.

La chanson d'Arbonne, telle une chanson de geste, déroule sous nos yeux tout le lyrisme médiéval des épopées chevaleresques mais ce n'est pas que cela.

C'est surtout un roman de fantasy. Car si Guy Gavriel Kay prend pour toile de fond le clivage entre pays d'Oc et pays d'Oïl, il n'en reste pas moins qu'il y tisse un univers propre. Il y réinvente des dieux, des coutumes, des traditions, des lieux imaginaires...où ses personnages vont évoluer de la manière la plus cohérente qui soit.
Oui, parlons-en des personnages ; car c'est aussi ce que j'ai beaucoup apprécié dans ce roman. Chaque personnage est investi et approfondi. Guy Gavriel Kay permet à ses lecteurs de s'identifier et d'être en osmose avec chacun des personnages. Il prend le temps de nous dire ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent, ce qui les a façonnés..tout en préservant bien sûr des zones d'ombre qui entretiennent certains mystères et attisent l'envie d'en savoir plus.
Même si le dénouement ressemblait beaucoup à celui que j'imaginais, il m'a tout de même un peu surprise et même laissé un peu sur ma ...FIN.
Et c'est aussi ce que j'aime. Que l'auteur laisse aux lecteurs la liberté de faire vivre ses personnages à leur propre fantaisie. On pourrait même dire à leur propre fantasy...


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S'il y a bien un auteur qui fait aujourd'hui figure de référence dans le domaine de la fantasy historique, c'est incontestablement Guy Gavriel Kay. Outre la Chine des Tang puis celle des Song revisitée dans ses deux derniers romans, l'auteur s'est également penché sur cinq autres périodes allant de l'Empire romain sous Justinien à l'Espagne de la Reconquista en passant par l'Angleterre du IXe siècle ou encore l'Italie de la Renaissance. Parmi tous ces ouvrages il en est toutefois un qui manquait à ma collection, et pour cause, puisqu'il se révèle aujourd'hui impossible à trouver en librairie et même difficile à trouver d'occasion (ou en tout cas à un prix raisonnable). Quel dommage, pourtant, de passer à côté d'une telle oeuvre, car « La chanson d'Arbonne » figure sans aucun doute parmi les meilleurs ouvrages de l'auteur et vaut certainement un « Tigane » ou un « Lions d'Al-Rassan ». C'est du côté de la France que Guy Gavriel Kay vient ici chercher son inspiration, et plus spécifiquement du sud de l'hexagone. Nous voici donc transportés dans une Occitanie du XIIIe siècle fantasmée, paradis des troubadours et des musiciens vantant dans de magnifiques poèmes les charmes des nobles dames des cours d'amour. Au Nord, le royaume de Gorhaut considère toutefois d'un mauvais oeil la place récurrente accordée aux femmes et à la musique dans la culture arabonnaise et entend bien profiter de cette « faiblesse » pour accaparer les terres de son voisin (et, accessoirement, mettre fin au culte de la déesse Rian, considéré par les adorateurs de Coranos comme une hérésie). le contexte fait assez clairement référence au conflit qui opposa au cours du XIIIe siècle le royaume de France (Gorhaut) aux régions méridionales (Arbonne), annexées à la couronne à l'occasion de la croisade des Albigeois.

Les références à l'histoire ne s'arrêtent pas là, certains protagonistes faisant distinctement écho à des personnalités historiques plus ou moins connues parmi lesquelles on peut notamment citer Alinéor d'Aquitaine (les lecteurs plus érudits que moi reconnaîtront certainement bien d'autres mentions à des troubadours ou souverains de l'époque mais j'avoue avoir des lacunes sur cette période). Mais ce qui est surtout remarquable ici (et c'est un aspect que l'on retrouve dans la totalité des romans de Guy Gavriel Kay), c'est sa volonté de rendre compte de la complexité et de la richesse de la civilisation qu'il met en scène. Loin de se contenter d'évoquer l'Occitanie médiévale par le biais d'un simple décor, l'auteur a recueilli une vaste documentation sur la culture de l'époque, mettant ainsi en lumière ses particularités et ses caractéristiques les plus admirables. La musique occupe ainsi une place centrale dans le récit, troubadours et ménestrels ayant trouvé sur ces terres ensoleillées un environnement favorable au développement de leur art que le lecteur aura à plusieurs reprises l'occasion d'admirer. La place de la femme dans cette société arabonnaise se trouve également au coeur du récit qui fait la part belle à l'amour courtois, cette manière ritualisée de courtiser une femme sans l'offenser ni elle ni son mari au moyen de poèmes et chansons. Ce respect mâtiné d'admiration dont font preuve une partie des personnages masculins pour leurs homologues féminins renforce évidemment la sympathie du lecteur pour cette culture capable d'envisager les relations hommes/femmes d'une autre manière que celle du rapport dominant/dominée qu'on imagine pourtant prévaloir à cette époque (et qu'on retrouve effectivement chez leurs voisins du Gorhaut).

En terme de construction narrative, on retrouve ici la patte de l'auteur qui opte pour un nombre de scènes finalement assez limité (une quinzaine pour un roman de plus de trois cent pages) mais toutes soignées et ciselées avec une patience et un talent difficiles à égaler. Chez Guy Gavriel Kay chaque mot compte, chaque phrase prononcée par les personnages aura des répercussions par la suite, de même que chaque silence. Il en résulte des scènes d'une intensité dramatique bouleversante et qui resteront vivaces dans l'esprit du lecteur bien après la dernière page refermée (un aspect que l'on retrouve aussi dans la majorité de ses autres romans mais sans doute pas avec la même force). Difficile ainsi d'oublier le magistral duel opposant Blaise et l'Arabonnais, ou l'épreuve remportée par Valéry lors de la grande foire, ou le combat de Rosala pour préserver sa liberté et celle de son fils, ni, bien sûr, le troubadour de Bertrand de Talair chantant son amour pour son pays dans une auberge pleine de poètes et de musiciens émus aux larmes par la prestation du vieil homme (« Lisseut entendit alors Ramir de Talair dire, avec une tristesse douce et voilée, ces paroles qu'elle n'oublierait jamais : Voulez-vous me permettre de corriger une chose que j'ai dite tout à l'heure ? Je vous avais annoncé que je ne chanterais pas une chanson d'amour d'Anselme. En y repensant, je m'aperçois que je me suis trompé. Tout compte fait, c'était une chanson d'amour »). Si la plupart des échanges entre les personnages se déroulent dans un cadre intimiste, le roman comporte malgré tout son lot de scènes spectaculaires lors desquelles l'auteur peut là encore faire la démonstration de l'étendue de son talent, celui-ci excellant tout autant à dépeindre les affres de l'amour que ceux de la guerre.


Difficile, donc, de ne pas se montrer admiratif de l'art et la manière dont Guy Gavriel Kay fait preuve pour construire son récit dont la fin fait brillamment et tragiquement écho au début, preuve s'il en fallait que, dans les romans de l'auteur, le moindre détail a son intérêt. En dépit de toutes les qualités déjà évoquées tant au niveau de la construction de l'histoire que de la reconstitution historique, il reste encore à aborder le principal point fort de ce roman : les personnages. Qu'ils soient chefs de guerre ou musiciennes, nobles dames ou chevaliers, femmes en détresse ou mercenaires accomplis, tous révèlent une complexité et une humanité qui ne pourra qu'aller droit au coeur du lecteur Chez Guy Gavriel Kay rien n'est jamais tout noir ou tout blanc : tous doutent, se trompent, tentent de se convaincre qu'ils ont fait les bons choix et surtout tous révèlent une force insoupçonnée quand vient le temps des épreuves. On l'a souligné plus tôt, les personnages féminins occupent une place de premier plan dans le drame qui se joue alors en Arbonne ce qui n'empêche pas l'auteur de proposer de très beaux portraits d'hommes. Il y a bien sûr Blaise, hanté par la défaite de son peuple et par le conflit qui l'oppose à sa famille. Il y a aussi Bertrand de Talair et Urté de Miraval, unis tant par la haine qu'ils se portent que par l'amour qu'ils éprouvaient pour la belle et défunte Aelis. Et puis il y a Cygne, dirigeante capable et sensible s'efforçant de faire le deuil de son amour, ou encore Lisseut, la troubadour au talent sur le point d'éclore. Et puis il y a tous ces personnages secondaires auxquels l'auteur parvient à donner une véritable consistance et pour lesquels on se prend aussitôt d'affection : le sage et fidèle Valéry, l'espiègle Rudel, les troubadours Rémy, Alain et Aurélien, le triste frère de Blaise... Autant de figures que l'on oublie pas.

Écrit en 1993, « La chanson d'Arbonne » est l'un des premiers romans de Guy Gavriel Kay et, à mon humble avis, l'un des meilleurs. Vibrant hommage à la beauté et la subtilité de la culture occitane du Moyen-age, l'ouvrage bouleverse par la profondeur de ses personnages et surtout par la qualité de la plume de l'auteur, capable de donner vie à des scènes d'une puissance à couper le souffle que le lecteur gardera en mémoire bien après sa lecture achevée.
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critiques presse (2)
Elbakin.net
22 février 2019
Récit fortement empreint de poésie et de musique, La chanson d’Arbonne est parsemé de poèmes nous permettant de mieux appréhender la culture et la mentalité de ce pays. Plongeant le lecteur au cœur de l’Arbonne, de ses coutumes et de son atmosphère, Guy Gavriel Kay réussit le tour de force de rendre l’Arbonne vivante [...] Loin des sentiers battus de la fantasy, Guy Gavriel Kay nous livre ici un roman fort, intense et réussi.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Elbakin.net
23 mai 2016
Loin des sentiers battus de la fantasy, Guy Gavriel Kay nous livre ici un roman fort, intense et réussi. On repensera encore longtemps à Bertran, Ariane, Blaise ou Rosala une fois le livre reposé.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Honte alors au printemps pour l'orgueilleux Gorhaut,
Trahi par un jeune souverain et son conseiller.
Douleur pour ceux dont les fils étaient morts,
Amertume pour les guerriers qui avaient combattu et vaincu
Dans le seul but de voir le butin auquel leur courage donnait droit
Rejeté comme du vin mêlé d'eau.

Honte sur le traité, la paix avilissante
Qu'Adémar accorda aux Valaisins vaincus.
Où donc se tenaient les vrais héritiers des soldats tombés
Pour la gloire du Gorhaut sur ce champ de glace ?
Comment pourraient-ils cacher leurs épées rutilantes
Quand, la victoire acquise, on y avait renoncé ?

Quelle sorte d'homme, dont le père venait de tomber,
Pouvait anéantir d'un trait de plume un long rêve de gloire ?
Et quel genre de roi déshonoré comme le lâche Daufridi
Pouvait quitter ce champ gelé sans espoir de retour ?
Où donc étaient les hommes du Gorhaut et de Valensa
Quand de faibles monarques et leurs fils indignes du lignage
Mirent fin à la guerre et achetèrent cette paix livide ?
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Le temps des homme était venu, se dit-elle avec amertume. L'ironie éclatait. L'Arbonne allait être détruite à cause de ses femmes, à cause des symboles et de la musique de la Cour d'amour et des modèles de grâce établis par des femmes comme Cygne et Ariane, parce qu'elle était présentement gouvernée par une femme. Et maintenant que la ruine fondait sur le pays sous la forme d'une armée et d'épées, de haches et de brandons, maintenant que les images de viols et de brasiers allaient danser derrière les paupières closes de toutes les femmes arabonnaises, c'était en fin de compte par les hommes qu'il fallait qu'il fût sauvé.
Commenter  J’apprécie          170
La nouvelle mode chez les jeunes troubadours et les nobles - Cygne pensait même qu'Ariane pourrait l'approuver - consistait à écrire et affirmer qu'il était vulgaire, de mauvais goût sinon réellement impossible pour une femme d'aimer son mari. L'amour véritable devait découler de choix faits librement et, dans leur société, le mariage n'avait rien à voir avec la liberté.
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Elle regarda sa cousine aux yeux vifs et expressifs, aux longs cheveux noirs tombant sur ses épaules. Bien entendu, sa propre chevelure était désormais soigneusement attachée et couverte ; elle était une femme mariée, non plus une jeune fille et, comme chacun le savait - tous les troubadours l'ayant écrit, tous les ménestrels l'ayant chanté - les cheveux dénoués ne pouvaient que provoquer le désir. Les femmes mariées de haut rang ne devaient pas susciter le désir, songea Aëlis, amère.
Commenter  J’apprécie          140
Un poète de ma connaissance est allé jusqu'à dire que tout ce que les hommes font aujourd'hui, tout ce qui se produit, qu'il s'agisse de gloire, de beauté ou de douleur, ne sert qu'à fournir de la matière aux chansons destinées à ceux qui nous succèderont. Nous vivons nos vies pour qu'elles deviennent leur musique.
Commenter  J’apprécie          220

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