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Pierre Guglielmina (Traducteur)
EAN : 9782207245323
527 pages
Denoël (23/01/1998)
4.19/5   16 notes
Résumé :
«Anges de la Désolation, je l'ai écrit à la lueur des bougies... C'est comme une cérémonie religieuse...» Ainsi Jack Kerouac décrit-il le recueillement qui a présidé à la rédaction de ce singulier épisode de la «légende de Duluoz», marqué par un réveil et le commencement d'une vie nouvelle à travers une langue nouvelle. Au cours de l'année qui a précédé la parution du légendaire Sur la route.
Kerouac raconte comment son double biographique, vigie accrochée à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Anges de la Désolation ne figure sur aucune liste de livres qu'on doit avoir absolument lus. C'est pourtant un livre fort intéressant. Kerouac s'y livre plus librement que dans ses autres romans et sa prose est magnifique.

La première partie se passe sur Desolation peak où il passe deux mois comme garde forestier à surveiller les incendies. Comme il n'a pas grand-chose à faire, ça ressemble un peu à une retraite de méditation. En parfaite communion avec les éléments, Kerouac s'extasie devant les «créatures de Dieu». Ce moment sur Desolation peak a déjà fait l'objet d'un récit à la fin du livre Les clochards célestes et aussi d'une nouvelle dans le vagabond solitaire. Alors ce n'est pas le passage le plus captivant du livre. C'est même un peu lassant. Et ça dure un peu plus de cent pages (sur cinq cent-vingt)… Mais ce passage est essentiel pour comprendre la nature contemplative de Kerouac et son besoin de solitude.

Le livre démarre vraiment lorsqu'il part de Desolation peak et arrive à Seattle, puis à San Francisco où il est plongé dans l'effervescence beat. Avec Ginsberg (Irwin dans le livre), Cassady (Cody) et une poignée d'autres, il passe un moment à vivre de façon éclatée : boîte de jazz, alcool, poésie déjantée… Il se rend ensuite au Mexique rejoindre un de ses potes junkie. Kerouac vit dans une chambre sur le toit d'une maison et passe ses journées à écrire. de temps en temps, il va chercher de la came pour son ami toxicomane qui est aussi un érudit en histoire. Loin de la scène beat, Kerouac retrouve la quiétude dont il a besoin pour s'émerveiller et écrire. Mais cette tranquillité est bientôt rompue par Ginsberg qui arrive avec les autres. L'énergie extravertie de Ginsberg est peu compatible avec le tempérament zen de Kerouac qui a besoin de calme et surtout de distance pour arriver à laisser sa conscience s'imprégner de l'instant. Sous la pression de Ginsberg, il quitte le Mexique avec les autres et fait le trajet en voiture jusqu'à New York où il retombe dans la scène beat. de fêtes en beuveries, Kerouac finit par rencontrer une amie de Ginsberg, une juive ayant des prétentions littéraires. Il aménage chez elle mais cette vie routinière lui pèse et il s'embarque sur un cargo qui part pour l'Afrique. Un des moments intéressants est sa rencontre à Tanger avec Burroughs (Hubbard dans le livre). Pour une fois, Burroughs est en forme. Kerouac se laisse entièrement absorber par ce qu'il appelle «l'instant», les odeurs et la nuit Africaine, jusqu'à ce que Ginsberg et sa bande le rejoignent à nouveau. le party reprend mais au milieu des festivités, Kerouac semble avoir perdu ses illusions. Il laisse ses amis et, après une courte traversée de la France et un séjour à Londres où il va quémander de l'argent à son éditeur, il retourne en Amérique et entreprend la traversée du continent en autobus avec «mémère» (sa mère). Ils arrivent en Californie mais sitôt arrivée, elle s'ennuie et souhaite retourner vivre en Floride chez sa fille.

Au-delà de l'aventure et des voyages qui servent de prétexte à l'écriture, il y a la voix de Kerouac. Plus on avance dans le livre, plus on a l'impression d'être avec lui. Il nous parle de son besoin de solitude, de sa quête existentielle et de sa désillusion envers le milieu beat. Kerouac s'avère profondément humain et exprime ouvertement les doutes qui assaillent le jeune écrivain. Il n'a pas de réponse à nous donner mais pose beaucoup de questions. Et c'est un humain vulnérable et à fleur de peau qui laisse couler ses émotions sur la page. Au fond Kerouac pose la question suivante : Qu'est-ce qu'un écrivain? Tout au long du livre, ce sous-thème refait surface. Et l'on finit par comprendre que sa façon étrange de vivre, de ne jamais s'attacher nul part ni à quiconque et de vivre dans l'instant présent… sont pour lui les aspects les plus importants de l'écrivain. Vivre au présent et dans les éléments —quitte à recevoir des coups sur la gueule— pour que la prose sente le vécu.

Anges de la Désolation est un livre moins spectaculaire que ses romans plus connus mais il est plus révélateur de l'intériorité de Kerouac. Ce n'est pas un must mais c'est un livre fascinant pour quiconque veut comprendre celui qui fut la tête d'affiche de la génération beat.
Lien : https://alaincliche.wordpres..
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Lorsqu'un un roman ou même un essai ou tout autre ouvrage vous a impressionné, séduit, il est périlleux d'en faire un commentaire sans négliger toutes les idées, les impressions de l'auteur. Déjà le titre « Anges de la Désolation » interroge et nécessite une définition de la scène de crime.
Jack Duluoz, le double de Kerouac se définit et définit ses amis comme des Anges de la Désolation. Il a 34 ans. Il se trouve dans le parc national de mont Baker, plus précisément sur le mont Hozomeen dans la vallée du Skagit dans le nord-ouest de l'Etat de Washington pour surveiller et alerter en cas d'incendie. Dans ce paysage grandiose il fait le vide dans un temps qui s'étire vers l'éternité. Dans ce lieu de contemplation, on s'y retrouve comme dans une église faite de montagnes, de vallées, d'arbres centenaires, d'oiseaux multicolores et d'une lune à la triste figure. Il est bon de s'y ennuyer. On se fond dans l'humanité dans une existence ignorante à côté d'une inexistence éclairée. La solitude permet de se souvenir ; du jour de sa naissance, une nuit d'orage pendant l'été 1922, des champs de courses, de ses études à Columbia inachevées. Deux mois d'introspection, presque semblable à ces ermites du désert, à la recherche de Dieu, à la recherche de ses présages, à la recherche de la source de la mort.
Puis, c'est le retour à la vie urbaine, dans cet enfer bétonné et bruyant, accouché d'hallucinations. Il y a des gens poursuivant le rêve américain. Il y a des gens qui crient en plein coeur de l'Amérique industrialisée. Il y retrouve ses amis, l'empreinte des filles, la circulation infernale, la musique aussi, surtout. Comme Jack, je ne peux pas me passer d'une journée sans musique. Sa couleur riche, ses rythmes. Un mélomane sommeille en nous. Des amis, artistes, qui expérimentent l'alcool, les drogues, le sexe sans inhibition. D'argent aussi. D'une certaine façon, la société, cette agitation mondaine, se construit sur l'exploitation humaine, sur l'exploitation de la nature. Toujours plus d'argent.
« Mais je n'ai jamais rêvé, et même en dépit de ma grande détermination, de mon expérience dans les arts de la solitude et de ma liberté dans la pauvreté – je n'ai jamais rêvé que je serais aussi embarqué dans l'action du monde » Ces propos, Jack Duluoz les tient lors de son escapade au Mexique. Cet intermède, il en profite pour écrire et délirer avec son ami Bull Gaines.
Dans le dernier tiers, nous découvrons enfin le Jack Duluoz, après sa mue et la révélation de son expérience du monde entre Tanger, la France et Londres.
Ce voyage en compagnie de Duluoz m'a laissé entrevoir un homme complexe, angoissé et talentueux. Même si nous sommes fauchés, la vie peut-être intense et riche, bien que j'en doute cinquante ans plus tard. C'est un roman solaire qui résonne en moi comme une invitation à explorer le monde mais aussi à lire et à écrire tranquillement dans l'intimité de ma chambre.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Mon argent est arrivé et il était temps de partir, mais voici que ce pauvre Irwin m'appelle à minuit depuis le jardin. "Descends, Jack-Kii, il y a toute une bande de mecs et de nanas de Paris dans la chambre de Bull." Et tout comme à New York ou à San Francisco ou n'importe où, ils sont tous là entassés dans la fumée de marijuana, les filles très bien en pantalon avec de longues jambes fines, les hommes avec des barbichettes, le tout d'un ennui terrible après tout et à ce moment-là (1957) pas encore même baptisé du nom de "Beat Generation". Penser que j'ai été tellement mêlé à cette affaire, en fait à ce moment précis le manuscrit de "La Route" était en cours d'impression pour une publication imminente, et tout le truc me fatiguait déjà. Il n'y a rien de plus sinistre que les gens à la coule (pas comme Irwin, ou Bull ou Simon, chez qui c'est une tranquillité naturelle) mais ceux qui posent, en réalité c'est une décontraction secrètement rigide qui dissimule le fait que l'individu est incapable d'exprimer le moindre intérêt ou la moindre force, une sorte de décontraction de nature sociologique qui allait bientôt devenir un engouement de masse dans la jeunesse des classes moyennes. Il y a même quelque chose d'insultant là-dedans [...]. [T]out ce que j'étais capable de faire, c'était de rester assis au bord du lit, désespéré comme Lazarus, à écouter leurs atroces "genre" et "je veux dire" et "oh, dément", et "éclatant, mec" et "le vrai délire" - Tout cela allait germer dans toute l'Amérique, jusque dans les lycées, et m'être en partie attribué.
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Il est assez facile de comprendre qu'en tant qu'artiste j'ai besoin de solitude et d'une sorte de philosophie du "ne rien faire" qui permet de rêver toute la journée et de concevoir des chapitres au cours de rêveries oubliées qui émergeront des années plus tard sous la forme d'une histoire - En ce sens, il est impossible, puisqu'il est impossible que tout le monde soit artiste, de recommander mon mode de vie comme une philosophie convenant à tout le monde - En ce sens, je suis un excentrique comme Rembrandt -
(Le Mexique en passant
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Ce que j'avais appris sur la montagne solitaire tout l'été, la Vision du pic de la Désolation, j'ai essayé de l'emporter dans le monde et chez mes amis à San Francisco, mais eux, pris dans les boyaux du temps et de la vie, plutôt que dans l'éternité et la solitude d'une montagne de rochers enneigés, avaient une autre leçon à m'enseigner.
(Début de la seconde partie - Désolation dans le monde)
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En 1959, Jack Kerouac parle de littérature et de la «Beat Generation»
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