Je viens de terminer ce roman très dur et bouleversant qui se déroule principalement dans un train, train de déportés coréens de l'extrême orient russe que Staline veut transférer dans des territoires ingrats et dépeuplés pour que soit fait la distinction entre Coréens et espions japonais. Après avoir été chassés de leurs maisons, souvent séparés de leurs proches, ces voyageurs entassés dans ce train qui les emmène ils ne savent où, tentent de survivre. Un des enfants demande à sa mère : "est-ce qu'on va devenir des chiens errants ?" et sa question exprime ce que chacun ressent sans forcément le dire. Une femme enceinte, une femme avec un bébé, des personnes âgées, d'autres plus jeunes, des couples, des femmes séparées de leurs conjoints, des célibataires, des enfants et le couple à la pendule, anonyme et métaphorique : il faut remonter la pendule, tant qu'elle fonctionne le temps passe et il y a de la vie. Où va s'arrêter cette errance de personnes transportant avec leurs bagages, leur terre natale et leurs souvenirs ?
Je me souviens d'un homme auquel je me suis adressé en coréen pour lui demander un renseignement. Il m'a répondu qu'il était russe. En lisant ce roman j'ai pensé à lui. Sur le moment, j'ignorais tout de ces Coréens devenus russes.
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Cet ouvrage m'a fait découvrir un terrible fait historique que j'ignorais totalement : fin des années 30, Staline ordonne la déportation de milliers de coréens de l'extrême orient russe vers des terres inhospitalières du Kazakhstan. Compte tenu des conditions (wagons à bestiaux, faim, froid, entassement) il me semble plus exact de parler de déportation que de "transfert". La justification des russes est qu'ils veulent ainsi pouvoir distinguer les coréens de leurs ennemis japonais.
L'originalité de ce livre est qu'il est construit de dialogues entre les occupants d'un wagon, de bribes de leurs souvenirs, de leurs pensées qui nous font découvrir leurs vies passées, le statut particulier de ces coréens émigrés en Russie parfois de longue date.
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" En partant de chez nous, mon mari m'a dit d'un ton ferme : " Ne te retourne jamais ! Non, jamais, même si Kamdung-i hurle à nous fendre le cœur !"
— Kamdung-i?
— C'est le chien que nous avons élevé depuis qu'il est tout petit. On nous a dit qu'il était interdit d'emmener les animaux, alors je lui ai donné un bol de riz dans une soupe d'algues. Il avait un tel appétit que, le museau enfoncé dans sa gamelle, il ne faisait que se concentrer sur sa nourriture pendant que nous, on l'abandonnait pour partir au loin. Alors j'ai dit : "Un chien sera toujours un chien !" Arrivés aux abords des champs, mon mari m'a avertie : "Tania, il faut traverser ces champs le c—ur résolu à franchir les flammes de l'enfer !"