Voilà un livre dont il faudrait arracher toutes les pages. D'une part parce qu'il fait sûrement partie des textes de la Réserve de la bibliothèque de l'Université de Miskatonic et que ses effets sont au moins aussi dérangeants. A côté le "De Vermis Mysteriis" est un affreux pensum, malgré mon amour pour les vers et pour le mystère. Vraiment. Même les nécromancien.ne.s s'ennuient à le lire celui-ci. Tandis que "
Le Mont Arafat" explose d'un rire d'une noirceur cosmique à chaque page. Les formules sont simples, insensées, jubilatoires. D'ailleurs j'ai lu sur 4chan que des zélateurs punaisaient les pages arrachées sur un plan d'ombre selon un plan très précis qui permet de voir se dessiner entre elles, en creux, la silhouette monstrueuse, ineffable, du Mont Arafat, horreur cosmique et matrice du « surréalisme géodésique » qui hante ce texte.
« le paradis est
le mont Arafat », est-il écrit. Doutons (on m'a dit que c'était Miami). Bon il y est écrit que c'est aussi l'enfer.
le Mont Arafat a cette qualité d'absolu, et d'absolue contradiction.
Ce texte, disais-je. Ces textes. Car "
Le Mont Arafat" est définitivement un plurivers agençant des textes n'appartenant pas tous à la même réalité, le seul point de convergence étant cette référence lointaine du Mont Arafat, son château, et les dieux improbables qui les hantent, empruntés à une cosmogonie lovecraftienne dégénérée mêlée de branding (n'appartiennent-ils pas tous deux à la même horreur cosmétique ?). On y aperçoit notamment :
- Shamraat'Dean, dieu des suicides et de la violence cosmique
- Khonsu-Ma'an-Taap, dieu de la Lune
- Bes-Ta'am-Riip, dieu du cosmos
- Al-Sham'raat-Al'Dean, dieu de la téléportation et de l'intégrité cosmique (se désintègre au moment où il est évoqué dans le récit)
- Haruubi-Ma'an Taap
- Elajou-An-Inkh-Tah, dieu de la tromperie et de la cupidité
- Muut'Alal-Piil
- Tekhrit-Al)Ma'arh, dieu des morts montagneuses
- Graam'Al-Faseeque, dieu de la force d'âme et de l'espoir existentiel
- Ra'ammul-Tamp-lin, dieu du noir
- Setesh-Apep)Sekh, dieu des tempêtes du désert et de la violence envers les étrangers
...
- Un petit short Pojagi Jacquard Opening
- Un pantalon minimaliste gris charbon Marc by Marc Jacob
- Une valise
Louis Vuitton
- Des sacs Dior-Gucci-Prada-CalvinKlein-Gosha Rubchinsiy
- Des Nike Spike Lee
...
Le ravissement de ce récit n'est pas cette seule manière de pervertir les références, les attendus, mais de constituer réellement l'hyperréel fracturé qui est le nôtre sous forme de fiction, postmodernisme à la pop noire et grinçante qui sait transformer les cultes, les peurs, les désirs du contemporain en des images lointaines, féroces et troublantes, annihilant le récit-univers pour en restituer la violence du multivers derrière lequel plane l'ombre (toujours) de l'Unique du Mont Arafat.