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sur 116 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lorsque j'ai aperçu « Issa Elohim » dans une petite librairie montmartroise, j'ai immédiatement été attiré par son titre énigmatique, qui mêle Issa, le nom donné à Jesus dans le Coran et Elohim le nom donné à Dieu dans la Torah. J'avais déjà découvert la superbe collection « Une heure-Lumière » qui s'attache à publier des pépites méconnues de Science-Fiction, à travers le très beau roman de Ian McDonald, « Le temps fut », qui explore habilement le thème du voyage temporel.

« Issa Elohim » nous conduit dans un futur proche, où le dérèglement climatique, le terrorisme et les guerres de religion ont bouleversé l'ordre mondial et jeté des millions de réfugiés sur les routes qui mènent à une Europe qui a fermé ses portes. L'agence européenne « Frontex » est ainsi devenue une véritable armée chargée de veiller à l'imperméabilité des frontières européennes.

Dans ce monde menacé par le chaos, des êtres étranges, possiblement extra-terrestres, appelés les Elohim ont fait leur apparition. La secte d'Aion regroupe les croyants pour qui les Elohim sont les nouveaux élus porteurs d'un espoir de rédemption. Les Elohim sont de jeunes hommes dont l'apparition soudaine en tenue d'Adam provoque des troubles électromagnétiques de courte durée, qu'il est impossible de photographier. Ils ont la faculté de disparaître soudainement pour réapparaitre quelques minutes plus tard à quelques dizaines de mètres du lieu de leur disparition, un phénomène appelé le « swap ». le plus célèbre d'entre eux, dénommé Noïm, a provoqué plusieurs milliers d'accidents cardiaques et au moins trois cents morts, lors d'un show gigantesque organisé à Rio au stade Maracanã.

La narratrice Valentine Ziegler est journaliste dans sa Suisse natale, aussi préservée que sécurisée. Elle entend parler de la présence potentielle d'un Elohim prénommé Issa, dans un camp de réfugiés tunisiens géré par Frontex. La jeune mère de famille, plutôt sceptique face à ce phénomène que de nombreux « croyants » qualifient de nouvelle épiphanie, entreprend le voyage jusqu'au camp où est censé se trouver Issa dans l'espoir de réaliser un reportage digne d'intérêt.

Elle va effectivement rencontrer le nouvel Elohim, dans le camp Frontex d'Araies, accompagné de Wissam, Joseph et Medhi, ses trois inséparables amis qui l'ont découvert, entièrement nu, dans une sorte de cratère au milieu du désert, tel un ange venu des étoiles. le jeune homme au physique délicat porte la robe traditionnelle islamique, la Jubba, et semble doté d'une sensibilité exacerbée. Et il n'apparaît effectivement pas sur les photographies que tente de prendre Valentine, qui va publier « Un Elohim au camp Frontex d'Araies ? » sur son flux d'information.

Cette rencontre avec Issa va bouleverser les certitudes de la narratrice et remettre en cause sa vision du monde. Elle va également chambouler son existence lorsqu'elle décidera de tenter d'aider le jeune homme à rejoindre la « forteresse » qu'est devenue la Suisse en compagnie de ses amis.

En imaginant une Europe recroquevillée sur elle-même et veillant à rester étanche à l'afflux potentiel de milliers de migrants parqués dans des camps situés à sa périphérie, le court roman dystopique de Laurent Kloetzer questionne sans manichéisme la question migratoire.

En évoquant l'apparition inexpliquée des Elohim, l'auteur interroge la recherche de sens de notre société qui a abandonné toute transcendance, et questionne la possibilité d'une épiphanie qui viendrait bouleverser l'ordre matérialiste établi.

« Issa Elohim » est un récit métaphorique qui soulève de nombreuses questions auxquelles il ne répond que partiellement. le surgissement d'un « Jesus » musulman évanescent, qui n'a de cesse de disparaître pour réapparaître quelques instants plus tard, garde sa part de mystère et évoque davantage un conte qu'un récit de Science-Fiction « classique ».

Si le parti de pris de ne jamais dissiper tout à fait le halo d'incertitude qui entoure Issa fait le charme du roman, il est en aussi sa limite. Qui est cet Elohim au coeur pur, qui ne semble garder aucun souvenir de sa vie antérieure ? Un extra-terrestre ? Un imposteur ? Un prophète ? le sauveur d'un monde à la dérive ? Est-il le véritable Jesus dont l'Apocalypse annonce le retour ?

« Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi » (Apocalypse 3:20)
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Un extra-terrestre ou un prophète, est-ce la même chose ?
Et dans ce cas, qu'est-ce qui les différencient vraiment des humains "normaux" ?
Voilà la question que pose ce court roman.
Nous allons suivre une journaliste qui enquête sur la présence éventuelle d'un Elohim, un être venu de l'espace, qui se trouverait dans un camp de réfugiés en Tunisie.
Un roman étrange qui permet de s'interroger sur ce qui fait de nous des humains, des êtres doués de sensibilité et de compassion ou pas.
A mi chemin de la science-fiction et de la religion, ce roman m'a tenu en haleine et j'ai été très touchée par Issa, le héros, et par le destin de tous ceux qui sont loin de chez eux qu'elle qu'en soit la raison.
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En Résumé : J'ai passé un très bon moment de lecture avec cette novella qui nous offre un texte qui ne laisse pas indifférent dans les questions qu'il pose, mais aussi dans l'image qu'elle dévoile. le premier point captivant à découvrir vient de cet aspect sur l'immigration que développe l'auteur. Dans un monde en crise, sombre, où l'Europe s'en sort mieux que les autres, mais doit faire face à un flot d'immigration et c'est ce que retranscrit ce roman. La peur des uns et des autres, les changements que cela occasionne, la lente machine diplomatique ou bien encore la survie et les trafics que ce genre de drames occasionnent obligatoirement. le second point de réflexion soulevé vient de la notion de foi avec cette idée des Elohim, des êtres mystérieux qui apparaissent de façon mystérieuses, et qui va cliver les gens. Il nous fait ainsi nous questionner sur le clivage présent entre croyance et mensonge. La grande force est surtout de ne jamais forcer la main au lecteur. Il n'y a jamais de parti pris, restant toujours ambigu dans les messages qu'il transmet, ou neutre, pour permettre à chaque lecteur de se faire son propre avis. L'autre point fort vient du côté humain, bien porté par des protagonistes intéressants, denses et complexes. Alors après je regretterai peut-être un léger manque d'émotion, mais rien de non plus très dérangeant ou bloquant. La plume de l'auteur est efficace, vivante et entraînante et je lirai sans soucis d'autres écrits de l'auteur.


Retrouvez la chronique complète sur le blog.
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Le monde voit apparaître une nouvelle forme de vie, les "Elohim" qui naissent déjà adultes et cultivés et ressemblent à s'y méprendre à des anges, et qui "swap" c'est à dire disparaissent et réapparaissent. Enquête de la journaliste Valentine.
Un livre à fort potentiel hélas très court!:( (121 pages). C'est vrai que le livre ne raconte pas grand chose, à part des histoires sur les réfugiés, c'est surtout le chemin qui est important davantage que la destination.
J'aime bien le fait que la nature divine des Elohim soit laissée à l'appréciation du lecteur, voilà pas grand chose à dire sur ce livre qui n'est ni un très bon page runner ni un livre à jeter. Merci pour votre attention.
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Dans un futur très proche, quasiment demain (voire aujourd'hui soir), la situation ne s'est guère améliorée, entre dérèglements climatiques, guerres de religion, terrorisme et réfugiés. Mais, depuis quelques temps, apparaissent des êtres étranges, les Elohim. Qui sont-ils ? Des anges ? Des extraterrestres ? Des mystificateurs ? Valentine Zeigler, journaliste suisse, apprend qu'un de ces êtres, Issa, est apparu en Tunisie, dans un camp de réfugiés géré par Frontex. Espérant une bonne histoire, Valentine part à la rencontre d'Issa et de ses amis.
Laurent Kloetzer élabore ici un court roman où l'aspect politique n'élimine pas le côté merveilleux du récit et qui évite le manichéisme en confrontant les points de vue d'une journaliste de gauche et d'un politicien de droite. Nous suivons donc les aventures d'Issa (autre nom de Jésus), être magique (ou prétendu tel car l'auteur ne règle pas véritablement la question…et c'est tant mieux !) pour ne pas dire Christique puisqu'il effectue un périple semé d'embûches en compagnie de ses amis / disciples / apôtres. Issa est-il réellement un Elohim (à supposer que ces derniers existent réellement), la question reste donc posée : de nombreux affabulateurs ont, en effet, tentés de se faire passer comme tels pour échapper à leur quotidien. Ici, avec ses amis, il émigre dans la très protectrice Suisse, et accomplit certes quelques miracles mais ceux-ci auraient été possibles à mettre en scène par un habile prestidigitateur.
Avec cette novella nuancée et bien écrite, qui se lit avec plaisir en deux petites heures (lumière !), Kloetzer offre un regard pertinent et sans parti-pris sur les problèmes actuels, notamment le retour du religieux et le besoin de croire. Au final, et c'est tout à son honneur, l'auteur ne tranche pas : entre le politicien et la journaliste qui est le (la) plus honnête ?, entre l'hypothèse surnaturelle et la mystification quelle est la plus plausible ? Au lecteur de réaliser sa propre opinion dans un texte réussi qui, en peu de pages, en dit beaucoup plus (et mieux !) que d'indigestes pavés. Recommandé.

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Crise climatique, camps de réfugiés, repli de l'Europe, perte de repères idéologiques et politiques, questionnements religieux… Non, il ne s'agit pas des thématiques du dernier bulletin d'actualités, mais des sujets abordés par Laurent Kloetzer dans « Issa Elohim ». Et il est bien difficile de se convaincre que nous sommes encore ici dans le champ de la SF, tant la réalité a rattrapé les récits fictifs des auteurs du genre.
On pourrait, à tord, éviter cette novella pour des raisons conjoncturelles : le monde est déjà assez plombant, angoissant, injuste, sans s'en rajouter une couche.
On passerait alors à côté d'un texte juste, sensible et humain.
Qui sont les Elohim ? Des extraterrestres ? Des dieux ? Que révèle cette volonté de catégorisation sur notre humanité ? L. Kloetzer donne une autre version de la célèbre citation de A. C. Clarke, qui devient : « Toute entité suffisamment avancée est indiscernable de Dieu », pour non pas polémiquer sur la foi et ses « preuves », mais amener le lecteur à beaucoup de réflexion.
Délicat et subtil, le texte de L. Kloetzer, volontairement ouvert, est un hommage à l'espoir.
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Douzième titre de la chouette collection « Une heure-lumière » des éditions du Bélial', Issa Elohim de Laurent Kloetzer en est aussi le second titre francophone (après Dragon de Thomas Day… qui avait inauguré la collection !). C'est aussi, pour l'auteur, l'occasion d'approfondir un univers dont il nous avais déjà donné plusieurs aperçus, dans les romans Anamnèse de Lady Star (signé L.L. Kloetzer, et le seul de ces textes que j'ai lu) et Vostok, ainsi que dans plusieurs nouvelles. le format novella « Une heure-lumière » permet à l'auteur de creuser davantage cet imaginaire personnel, dans un texte qui ne peut se permettre de délayer l'information.



C'est aussi, de manière assez marquée, un récit qui entre en résonance avec le monde d'ici et maintenant, en prenant place dans un futur proche censément indéterminé, mais technologiquement identique au nôtre, et lourd de crises et de débats affectant déjà nos sociétés. En l'espèce, ici, Laurent Kloetzer va prendre pour point de départ la crise des migrants/réfugiés, en illustrant les difficultés rencontrées par ceux qui fuient la guerre, l'oppression ou la misère pour se rendre en Europe… et se heurtent alors aux murs pas toujours si métaphoriques que leur opposent les pays européens – pas seulement ceux de l'Union, puisque, en l'espèce, c'est essentiellement la Suisse qui va nous intéresser, sans doute pas le plus accueillant des havres…



Valentine Ziegler est une journaliste free-lance, et elle est amenée à s'intéresser à ce qui se produit dans un camp de réfugiés en Tunisie. À vrai dire, ce n'est pas forcément tant la misère des migrants qui l'attire, dans un monde où celle-ci n'est jamais qu'une banalité de plus, aussi triste soit-elle, mais la rumeur voulant qu'un Elohim y ait fait son apparition. Les Elohim, pour ce que j'en sais, sont le trait d'union des divers textes cités plus hauts – des extraterrestres dont le nom même est chargé de connotations religieuses ; à vrai dire, le mystère les concernant est tel que leur statut même demeure irrémédiablement ambigu – le camp de la science y verra des extraterrestres, celui de la foi, des anges ou des messies ou des dieux. Ces êtres étranges apparaissent du jour au lendemain, et nouent alors un lien particulier avec les premiers hommes à les voir – autant d'apôtres, en fin de compte, mais il me faudra y revenir. Toutefois, leur statut surnaturel ou résolument aliène implique des manifestations d'un autre ordre, deux surtout : leur tendance à ne pas figurer sur les photographies ou les vidéos (sauf en cas de direct), situation qui peut avoir des conséquences fatales pour les spectateurs, et, surtout, le swap, c'est-à-dire le fait qu'ils disparaissent régulièrement, aussi soudainement qu'ils sont apparus, pour réapparaître presque aussitôt dans le voisinage.



Valentine Ziegler est fascinée par les Elohim – mais elle n'est pas bien certaine de ses convictions les regardant ; sceptique par profession, elle fait aussi preuve d'un besoin de croire autrement caractéristique, et qui peut affecter des personnages autrement en tous points opposés à elle, tel le politicien populiste suisse Boris Derivaz, d'une droite tellement dure qu'on devrait la dire extrême, dans un monde un peu moins « pudique » au regard des idées politiques. Tous deux se retrouvent associés dans l'entreprise visant à accueillir Issa en Suisse – car, de toute évidence, il est plus facile d'accorder l'asile à un extraterrestre qu'à un humain ; va pour ses trois compagnons, qui doivent rester auprès de lui – les autres resteront dans les camps, à attendre en vain, et bien trop longtemps.



Le désir de croire est pugnace – mais il n'est pas sans ambiguïtés ; Derivaz attend d'Issa une preuve que celui-ci prétend ne pouvoir lui accorder consciemment (qu'un swap se produise sous ses yeux) ; Ziegler, elle, doit bien faire avec les enquêtes contradictoires d'un journaliste américain très « fake news », et envisager la possibilité d'une imposture… que celle-ci implique tous les prétendus Elohim, ou, à une tout autre échelle et peut-être plus raisonnablement, le seul cas d'Issa, qui lui tient plus particulièrement à coeur. Auquel cas Issa, réfugié, puis messie, puis magicien ou plutôt illusionniste, ne serait jamais que la projection plus ou moins avouée des fantasmes, des désirs et des craintes de la journaliste, sur un corps étranger mais pas moins humain qui n'a guère d'autres ressources pour se sauver à défaut de sauver les autres, dans un monde qui ne prend de toute façon pas la peine de s'attarder sur les humains derrière les statistiques des réfugiés.



Des critiques lues çà et là ont pu regretter que la question des migrants ne soit qu'un point de départ, et que le point de vue la concernant soit celui des Européens, Valentine Ziegler au premier chef (car à la première personne), mais aussi Boris Derivaz, que son statut devrait en outre rendre détestable, et qui pourtant ne l'est pas tant que cela. Cette approche, au contraire, me paraît la plus pertinente, et la plus honnête. Et elle participe à n'en pas douter de la dimension essentielle de la novella (même si pas au point d'étouffer tout le reste en ce qui me concerne, donc), dimension qui a pu agacer (dans les mêmes papiers), à savoir une réflexion ambiguë sur le besoin de croire, de la part d'un auteur qui n'a pas fait mystère (si j'ose dire) de son sentiment religieux.



Ce sentiment, je ne le partage pas – si la possibilité d'une foi « abstraite », sur un mode disons déiste ou panthéiste, m'apparaît encore compréhensible (sans me convaincre pour autant, car, si je ne suis pas étranger aux troubles métaphysiques, loin de là même, et ça me torture plus qu'à mon tour, j'ai toujours eu la conviction que la foi ne faisait que décaler les difficultés sans les résoudre), la religion révélée et le culte m'ont toujours dépassé. Cependant, il serait trop simple d'évacuer tous ces questionnements sous trois quolibets de circonstances, et le traitement de cette thématique par Laurent Kloetzer me paraît très pertinent, et absolument tout sauf bigot ou niais.



Au-delà de la figure messianique qu'est censément Issa, cette novella me paraît au fond parler bien davantage des apôtres – témoins et fondateurs de cultes. Ce qui justifie d'ailleurs le point de vue « européen » de la novella, qui connaît un ultime et nécessaire bémol dans les toutes dernières pages : si Issa est bien un Elohim, sans même prendre en compte son caractère messianique qui en rajouterait alors une sacrée couche, il doit demeurer incompréhensible – ce qui est le cas de tous les Elohim, et ressort notamment de leur incapacité à communiquer ce qu'est au juste « l'Arcadie » dont ils sont censément issus (ce qui, en même temps, constitue une métaphore du caractère incommunicable de l'expérience des réfugiés, ou des difficultés qu'ils éprouvent à dire exactement d'où ils viennent, tant cette société et ce contexte, d'une certaine manière « naturels » pour eux, sont dès lors rétifs à la communication) ; d'ailleurs, la novella pousse l'incertitude à cet égard jusqu'à son terme, et c'est très bien ainsi. Mais si Issa n'est pas un Elohim, son point de vue reviendrait, pour un illusionniste, à rompre lui-même sa propre illusion…



Mais il y a donc les apôtres, plus ou moins conscients. Les trois compagnons d'Issa pourraient en être – mais de ces apôtres discrets, qui ne parlent que peu et n'écrivent pas ; car on ne le leur demande pas, peut-être – sauf dans les toutes dernières pages de la novella, très fortes, d'autant plus fortes à vrai dire. Leur indétermination (parce que Valentine Ziegler et Boris Derivaz ne s'intéressent au fond pas à eux, ils ne sont que les silhouettes vagues qui accompagnent par la force des choses le mystérieux et charismatique Issa), leur indétermination donc pourrait tout aussi bien en faire des larrons sur le Golgotha (d'autant que de trois ils sont bien vite deux) : ils appartiennent nécessairement à l'image, ou à l'icône, devrait-on dire, sans que l'on ne sache rien d'eux.



Mais la journaliste et le politicien ont un autre rapport à Issa, qui relève bien davantage de la foi, mais en même temps accompagnée d'un nécessaire discours de justification qui se doit d'envisager la possibilité de la remise en cause, et qui pourtant à bien du mal à s'en dépêtrer – cela va au-delà de ce Thomas proverbialement sceptique (et si peu convaincant), plutôt du côté du fondateur d'Église Paul… ou, davantage encore je le crois, plus tard, d'un père de l'Église non canonisé, d'une figure plus ambiguë au-delà des figurations canoniques des évangélistes ou de Paul : ce Tertullien qui croyait parce que c'était impossible.



Je raconte peut-être (probablement ?) des bêtises. Mon incompréhension du sentiment religieux, de manière générale, et ma culture religieuse plus que limitée, du coup, ne me facilitent pas la tâche – peut-être m'interdisent-elles même de vraiment appréhender le propos de cette novella, qui cultive de toute façon l'ambiguïté, de manière assez subtile, bien plus en tout cas qu'on ne l'a parfois dit. Quoi qu'il en soit, je compte cette approche, dans le fond comme dans la forme, parmi les qualités de cette novella que j'ai beaucoup aimée.



Elle a cependant un défaut, je crois, mais que je vais avoir du mal à expliquer… Un sentiment pas si fréquent chez moi m'a en effet saisi en retournant la dernière page : un goût de trop peu… Qui n'a rien à voir avec cette ambiguïté dont je parlais à l'instant, ou plus globalement au fait que nous ne savons rien de plus, concernant les Elohim, après la lecture du livre qu'au moment où nous l'avons entamé. Ceci, ça fait partie du propos, et c'est pertinent. Mais je ne peux pas me départir de ce sentiment qu'il manque quelque chose, ici… Quoi ? Je n'en ai franchement aucune idée. Mais, pour le coup, je me suis demandé si ce format de la novella, légitimement prisé par l'auteur, comme par beaucoup d'autres en science-fictionnie, était vraiment pertinent ici. Critique qui ne porte guère ses fruits, puisque je suis dans l'incapacité la plus totale de déterminer ce qui manque au juste.



Dès lors, même en prenant en compte ce vague sentiment d'insatisfaction pour ce qu'il est, le fait demeure : avec Issa Elohim, Laurent Kloetzer a livré une très bonne novella, qui fait honneur à cette collection riche d'excellents textes. Sans aller jusqu'à le hisser au niveau de mes « Une heure-lumière » préférés (L'Homme qui mit fin à l'histoire, de Ken Liu, Cérès et Vesta, de Greg Egan, 24 vues du Mont Fuji, par Hokusai, de Roger Zelazny…), ce récit bien conçu, bien écrit, riche et subtil, m'a largement convaincu (et, disons-le, constitue un titre autrement satisfaisant que le seul texte francophone précédent de la collection, le Dragon de Thomas Day).
Lien : http://nebalestuncon.over-bl..
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Je poursuis la lecture de cette série, un peu dans le désordre il est vrai.
Ce livre m'a surpris. J'étais content de retrouver un auteur français et m'apprêtais à partir dans les étoiles. Et bien pas du tout.
On se retrouve en Europe, notamment en Suisse, dans un contexte politique proche de ce que nous vivons actuellement.
Le livre est assez fin et poétique. Les chapitres très courts sont très utiles pour donner un rythme parce que finalement, il ne se passe pas grand chose dans l'intrigue même. Il y a beaucoup de descriptions, de travail sur les personnages, de réflexions. L'ensemble est équilibré et me laisse une goût agréable.
Le format collait parfaitement à ce texte. Beau travail. Laurent Kloetzer a réussi à me sortir de ma zone de confort et c'est bien agréable.
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"Issa Elohim" garnit la magnifique collection "Une Heure-Lumière" du Bélial'. Autant dire que malgré ma bonne volonté, je m'en étais un peu écarté puisque je n'ai lu finalement que les deux premiers tomes. Mais loin de l'oublier, je regardais les tomes défiler en les mémorisant consciencieusement. Et voilà que, pour faire une halte lors de ma lecture passionnante mais riche du "Lilliputia" de Mauméjean, j'y suis retourné avec cette novella au nom bien mystérieux.

Autant dire que l'expérience fut, comme les fois précédentes, très agréable. On retrouve encore une fois tout ce que j'avais aimé avec "Dragon" et "Le Nexus du Dr Erdmann": une histoire riche dépassant bien aisément les limites textuelles de la novella, une écriture stylisée et immergeant rapidement et efficacement le lecteur et évidemment des pistes de réflexion très nombreuses.
Ici, autant dire qu'il y a du travail, tant les thèmes sont vastes et explorés finement.
Que dire de cette histoire? le monde dépeint ressemble finalement au nôtre, du moins sur un plan technologique, puisque géopolitiquement, disons que ça s'est corsé. L'immigration est devenue intensive, avec des vagues de population s'étant déversé sur une Europe qui a décidé de se replier et donc d'ériger des "frontières" qui ne sont elles plus du tout métaphoriques. On a donc, à divers endroits stratégiques, des camps "FRONTEX", sorte d'organisme régent tout ce qui se trouve entre deux pays. Et globalement, ce sont des camps de réfugiés immobiles, où l'on maintient les populations.
Dans ce contexte un peu chaud, rajoutons donc les Elohim. On y croit ou pas, c'est tout le débat de cette époque: des êtres qui soi-disant apparaîtraient aléatoirement au milieu d'un groupe, souvent de migrants d'ailleurs. Des êtres extra-terrestres ou religieux, selon le point de vue: on en sait peu sur eux. Ils restent volontairement évasifs sur leurs origines et restent étrangement proches de leurs "frères", c'est-à-dire les gens près desquels ils sont apparus.
Issa est un elohim que la narratrice, journaliste passionnée par le sujet, aura l'occasion de rencontrer et d'accompagner à différents moments de sa vie...

Très honnêtement, le livre est d'une intelligence rare et multiplie les questions. Tout est construit comme une cascade de questionnement, devenant plus furieuse au fur et à mesure de la chute. Les Elohim sont-ils extra-humains, ou bien des imposteurs cherchant l'asile? S'ils ne sont pas humains, sont-ils une manifestations divines ou scientifiques? Une divinité est-elle vraiment, si elle-même n'a pas conscience de son statut?
C'est passionnant, et Kloetzer a le mérite, au même titre que sa narratrice, de nous balader jusqu'à la fin, entre les différents domaines que les elohims subjuguent. Et ainsi donc de multiplier les métaphores/allégories (après tout, on peut quand même se questionner sur cette époque où, pour rentrer en Europe, il faille frôler le divin).
L'écriture est efficace, agréable à suivre. Et bien sûr, la brièveté du récit aide à notre adhésion: l'univers semble vaste, plein de ramifications, et le récit avance tambours battant.

Lisez donc "Issa Elohim", récit intelligent, intense et bref.
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Les petits livres de la collection Une heure lumière du Bélial' m'ont tapé dans l'oeil depuis un petit moment grâce à leurs magnifiques couvertures d'Aurélien Police mais Issa Elohim est le premier que je lis et j'ai beaucoup aimé cette découverte de cet univers un peu hybride.

On se trouve dans un futur très proche, où la crise des migrants est loin d'être résolue mais où d'étranges individus ont fait leur apparition, les Elohim. Certains les voient comme des extraterrestres, des anges ou des messies, et ils fédèrent autour d'eux des communautés semblables à des sectes ou à des communautés religieuses.

C'est pour rencontrer un présumé Elohim, que Valentine, blogueuse journaliste, se rend en Tunisie. C'est là qu'elle y fera la connaissance de Issa, qu'elle croisera un politicien populiste et qu'elle assistera à un miracle.
Issa est un personnage intéressant mais presque abstrait qui vient nous parler de paix et d'amour inconditionnel, alors que ses amis sont plus réels et plus physiques.

On est dans un récit qui frôle à tout instant le surnaturel sans vouloir y rentrer à fond. En restant à la marge, Laurent Kloetzer nous parle plus de philosophie de vie.
Chacun peut se faire une opinion sur ce qu'il s'est réellement passe, sur la réalité de ces Elohim. Mais, dans tous les cas, ils forcent à repenser le monde sans poser aucun jugement, dans un récit très actuel qui questionne les notions de croyance et de vérité.

A noter que si vous êtes intéressés par le concept d'Elohim (que j'ai trouvé pour ma part fascinant), l'univers est partagé dans plusieurs récits précédents de l'auteur même si cette novella peut se lire de manière tout à fait indépendante.
Lien : https://yodabor.wordpress.co..
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