Ado, j'ai eu une période métal. J'avais trouvé dans cette musique le média pour exprimer ma rébellion, pour exister, moi qui était si timide et si réservée. D'ailleurs, ma révolte je ne l'ai exprimée que par le biais de mes goûts musicaux (je suis restée la gentille fille qui ne parle pas fort, qui ne dit jamais non ou merde à ses parents, y'avait pas intérêt). C'était en fait mon seul espace de liberté.
Au lycée, j'écoutais du métal progressif, ces groupes qui produisaient des morceaux hyper techniques, hyper alambiqués, hyper chiants, que je faisais semblant d'aimer (exemple : Dream theater, désolée pour les fans). Parce qu'en réalité, ce que j'aimais c'était soit les trucs bien brutaux comme Slayer ou Metallica (si si, je vous jure, avant « Nothing else matters », Metallica était brutal, écoutez l'album « Kill'em all » si vous ne me croyez pas) soit le métal fun (Helloween, Skid row…).
Ça avait commencé, au collège, par Guns'n'roses. Un groupe dont l'album s'appelait « appetite for destruction » semblait approprié pour satisfaire mon désir de rébellion. D'abord attirée par le nom, dès le 1er morceau, guitare tonitruante, voix hurlante, batterie martyrisée, le son m'a séduite. Et il faut bien avouer que « Welcome to the jungle » est un titre de chanson idéal pour une initiation. Mon amour des Guns ne faiblirait pas pendant toute mon adolescence. J'ai adoré le double album « Use your illusion ». Décrié par beaucoup, trop de ballades, je n'écoutais pas les critiques, je l'écoutais en boucle. de toute façon, c'est moi qui avait raison, c'était indéniablement le truc le plus cool du monde. D'abord, y'avait « You could be mine », qui faisait partie de la bande originale de Terminator 2. Ce film que j'avais attendu comme je n'ai plus jamais attendu aucun film (découpant la moindre image dans les magazines, guettant la moindre info (et à l'époque y'avait pas internet)). J'étais allée le voir le jour même de sa sortie, je trépignais dans la file d'attente en attendant l'ouverture de la salle, et en fait je crois même que j'ai trépigné de bonheur pendant toute la séance. Dans le clip, on voyait Schwarzenegger dans son personnage de Terminator déambuler dans un concert des Guns. Et ça avait de la gueule, c'est indéniable. Sur l'album, on trouvait aussi « November rain », ballade sirupeuse que j'écoutais en pleurant, allongée sur mon lit, en étreignant mon nounours (j'étais pleine de paradoxes, j'écoutais du métal mais j'avais des peluches), repensant aux images du fameux clip dans lequel apparaissait Stephanie Seymour, la top-model canon qui était à l'époque la petite amie d'Axl Rose (ne vous moquez pas, le clip était super triste, Steph' mourait et la scène de mariage devenait une scène d'enterrement). Et qui a pu oublier le tube « Don't cry » et son étonnant final qui n'en finissait pas justement (« dont you cry, tonight, don't cry aye aye aye aye…. »). Et je ne parle même pas des reprises très réussies qui figuraient sur l'album.
J'adorais aussi Metallica. Ah ! Quel souvenir le choc de la découverte de l'album « Ride the lightning ». Déjà un visuel, une chaise électrique entourée d'éclairs, tout un programme. Puis le son ; une intro mélodique à la guitare acoustique et l'enchaînement, comme ça sans prévenir, sur un riff brutal et une voix rugissante. Et puis pour moi Metallica, c'est un double souvenir, 1er concert (Hippodrome de Vincennes en 93) et 1er petit copain. Après le show, au moment de rejoindre la sortie, il y avait des bousculades, du coup notre petit groupe a décidé de se tenir la main. Une fois le gros du troupeau évacué, tout le petit groupe s'est lâché les mains sauf lui et moi. Qui a dit que le métal ne pouvait pas être romantique ?!
Le métal, c'était la brutalité du son, mais c'était aussi une attitude. Même les groupes non lookés avaient une attitude. Iron Maiden avait ses visuels horrifico-rigolos (à l'époque je ne voyais que le côté horrifique). Parmi les membres de Metallica, mon préféré c'était Cliff Burton, avec son allure de hippie qui détonnait dans le paysage. En plus il avait eu le bon goût de mourir ce qui lui ajoutait une dimension tragique pas dégueu. Je me pâmais devant Sebastian Bach, le chanteur de Skid row. Mais pour moi, les Guns c'était le summum de l'attitude. Axl était hyper sexy (selon mes critères de l'époque), le mec badass au look incroyable qui se tape des bombes atomiques, picole comme un trou et est la star d'un groupe super. Et Slash, ses grandes boucles, son chapeau sur la tête, ses lunettes de soleil, sa clope vissée au bec et son attitude désinvolte faisaient de lui l'homme le plus cool du monde. Certains avaient des looks hasardeux, très amusants. Connaissez-vous Manowar, un groupe vêtu de peaux de bêtes qui chantaient des choses aussi subtiles que « Kings of metal » ou « woman be my slave » (les voir en concert chanter « voulez-vous coucher avec moi » est une expérience très étonnante).
Depuis cette époque, j'ai largement élargi mes horizons. D'ailleurs, s'il m'arrive de temps en temps d'écouter quelques titres de Metallica, Suicidal tendencies ou des Guns, ce sont bien les seuls. Je n'écouterais sans doute plus jamais Helloween, Skid row, Motley crue, Iron Maiden ou WASP mais je garderai toujours une certaine tendresse pour cette époque et ces groupes. En fait, il ne faut peut-être pas dire jamais, j'ai à l'instant une furieuse envie de riff sauvage, de voix hurlante et de batterie martelée. La faute à
Chuck Klosterman ça.
Et d'ailleurs,
Fargo rock city ? Eh bien, c'est un très bon livre. A la fois étude sociologique et historique,
Klosterman porte un regard lucide sans être cynique (ce qui fait un bien fou à notre époque) sur cette époque où le métal était roi. Ses réflexions sont la plupart du temps pertinentes, et intéressantes. Il redonne au métal l'importance que les médias n'ont jamais voulu lui accorder. Et cela avec un sens de l'humour détonnant et une autodérision très fraîche qui pourront séduire même les non-amateurs de métal (même si la lecture est sans doute encore plus jouissive, et un peu émouvante aussi, lorsqu'on connait les groupes).