J'ai découvert ce livre via Étoiles rouges de Patrice & Viktorya Lajoye sur la SF russe.
Publié à 20.000 exemplaires en 1920, il a seulement été traduit en français en 1976. L'auteur, A.V. Tchayanov, était un économiste. L'écriture de ce roman utopiste lui a valu d'être arrêté en 1930 et exécuté en 1937 sur ordre de Staline.
L'histoire débute en 1924 et on découvre le personnage d'Alexis Kremniov qui s'interroge :
"- Une nouvelle insurrection? Où donc est-elle? Et au nom de quels idéaux? - se demandait-il. Hélas, la faiblesse de la doctrine libérale avait toujours été de ne pas pouvoir créer d'idéologie et de vivre sans utopies."
Et puis pouf! Il fait un bond de 60 ans dans le futur et se retrouve dans la peau de Charlie Man, un Américain en visite en Russie. Il va découvrir la Russie de 1984 et je dois avouer que j'ai trouvé l'histoire assez ennuyeuse. La politique-fiction, ce n'est pas vraiment mon truc. Et puis, je ne m'attendais pas à tomber sur un roman inachevé (il n'y a que la première partie).
Cela se termine donc bizarrement...
Les autorités découvrent qu'il n'est pas Charlie Man, il est arrêté et interrogé. Il sera ensuite relâché et va se retrouvé perdu : "il entrait dans la vie d'un pays utopique quasiment inconnu, seul, sans relations et sans moyens d'existence."
Il reste trop de questions en suspens. Dommage.
A noter, la richesse des notes et la postface du traducteur, Michel Niqueux. Dans celle-ci, il analyse l'utopie de Tchayanov et la compare à d'autres comme Nous (ou Nous autres) de Zamiatine. Il y a aussi une petite histoire de l'utopie en Russie.
Intéressant, quoi qu'il en soit.
Challenge défis de l'imaginaire (SFFF) (11)
Challenge multi-défis 2018 (23)
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Préface de Jean Viard
Ce texte peut être lu comme un récit, celui des aventures d'Alexis Kremniov, dans la tourmente de la révolution russe de 1917.On y lira une époque, des débats, des espérances, ainsi que des descriptions, belles et vivantes, d'une Russie aujourd'hui disparue. Mais ce récit est d'abord une utopie qui s'inscrit dans le fil des grandes utopies, en particulier celles de Fénelon et de Montesquieu, largement traduites en russe dès leur parution en France, mais aussi de nombreux auteurs russes du début du XXe siècle. (...)
Car édité en 1920 à 20.000 exemplaires comme un texte de réflexion nourrissant les débats de l'époque, il mène dix-sept ans plus tard son auteur à la mort.Ce texte était devenu corrosif et dangereux pour un régime bolchevik devenu totalitaire, qui entretemps s'était lancé dans une lutte féroce contre la paysannerie russe- et ukrainienne.
( L'Aube, 2023, p.7)
Une odeur suffocante de soufre emplit la pièce. Les aiguilles de la grande pendule se mirent à tourner de plus en plus vite et s'évanouirent dans une rotation éffrénée. Les pages de l'éphéméride se détachaient bruyamment d'elles-mêmes et remplissaient la pièce de tourbillons de papier. Les murs eurent l'air de se déformer et se mirent à vibrer.
La jeune fille, qui répondait au nom de Paraskiéva, se mit à parler de ses maîtres préférés avec toute l'ardeur de l'enthousiasme juvénile : Brueghel l'Ancien, Van Gogh, le vieux Rybnikov et le superbe Ladonov.
Admiratrice passionnée du néoréalisme, elle cherchait à découvrir dans l'art le secret des choses, quelque chose qui fût divin ou diabolique, mais qui dépassât les forces humaines.
( L'Aube, 2023)
La lecture le captivait, l'émouvait comme font les souvenirs du premier amour juvénile, du premier serment d'adolescent.
Il eut l'impression que son esprit se libérait de l'hypnose du quotidien soviétique, et des pensées neuves et originales s'agitèrent dans sa conscience; il apparut possible de penser différemment.
( L'Aube, 2023)
Maintenant, si vous voulez, il n'y a plus du tout de villes, c'est seulement l'emplacement d'un noeud de connections sociales. Chacune de nos villes est simplement un lieu de rassemblement, la place centrale du district. Ce n'est pas un endroit où l'on vit, mais un lieu de réjouissances, de réunion, et de quelques autres activités. C'est un point, et non une entité sociale.
( L'Aube, 2023, p.30)