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sur 94 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Du pulp à la sauce 21éme siècle. Peut mieux faire.

Du Sense of Wonder...
Rare sont les textes qui en quelques paragraphes arrivent à nous immerger dans un futur autre. le sultan des nuages est de ceux là. le capitalisme libéral a enfin eu la peau de cette sangsue d'Etat, les entreprises sont donc libres et la concurrence non faussée sauve, enfin surtout si vous faites parties des plus grosses multinationales. Libéré de ce carcan étatique, le système solaire nous ouvre ses portes et la race humaine peut désormais multiplier son engeance un peu partout. Vénus se pare de cités flottantes dans ses nuées. La belle couverture retranscrit merveilleusement bien l'apparence de ces villes, sorte de méduse flottant dans les nuages. Un nouveau matériau presque aussi léger que l'air a permis ce prodige et les technologies inventées restent plausibles. le texte étant court, tout cela est vite survolé mais je me promenais dans cette cité dont les vêtements sont tissés par des colonies d'araignées.
Quelques petits défauts cependant : on pourra reprocher une présentation du contexte historique et sociétale de ce futur un peu facile : j'allume ma bibliothèque et tout est là. (Encore que le protagoniste aurait du lire toute la page Vénus, il aurait su que le sultan n'était pas si vieux que prévu. Ballot !)
Ainsi que des personnages dont la seule caractérisation est le nom, l'âge et le sexe suivi d'un trait unique de caractère.

...Au Willing Suspension of Disbelief
Sense of wonder ok, mais il ne faut pas trop en demander à la suspension de mon incrédulité :
Des villes méduses volantes, j'y crois;
Des sièges de nuages, pourquoi pas;
Des pédalos volants, je prends mon tour dans la file d'attente;
Un moyen de communication qui passe le service de sécurité (qui le remet en outre bien dans la poche des nouveaux vêtements en plus), mes sourcils se froncent;
Une structure extérieure de haute technologie avec un seul défaut, je botte en touche et j'hurle. Rajouter à cette pépite de ridicule, un bisou dans le cou lors du twist final, et me revoilà revenu sur le plancher des vaches !
Le château savamment construit par l'auteur s'effondre...
Sans parler de l'intrigue pour le moins simpliste.
Reste un système de famille intéressant, bien que glauque à certains égards, qui aurait mérité un développement plus poussé.

Pour conclure, un texte assez pulpien : du merveilleux en veux tu en voilà, mais ne lui en demandez pas trop de plus. le tout enveloppé dans un style assez froid non dénué parfois de quelques envolées poétiques.
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A l'heure où la Terre n'est plus un accueil privilégié pour l'Humanité, alors que le reste du Système Solaire l'est, au contraire, grâce à diverses évolutions technologiques, devenu, le Dr Léa Hamakawa et son assistant, David Tinkerman, sont envoyés sur Vénus, à la demande de Carlos Fernando Delacroix Ortega, héritier de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum et "propriétaire" de la planète, sultan des nuages encore adolescent qui cherche à obtenir plus que ce qu'il ne possède déjà.

Voyages spatiaux réalisés en un tournemain, possibilité d'habiter sur Vénus grâce à des cités-nuages placés à une "altitude" précise pour empêcher tous les méfaits de l'atmosphère de la planète... tout nous semble tellement simple et plausible dans ce bref, mais non moins riche, récit de Geoffrey A. Landis, que l'on est totalement embarqué à la suite des aventures de Tinkerman, devenant bien malgré lui héros de l'intrigue, entraîné dans une suite rocambolesque de situations toutes plus exceptionnelles les unes que les autres, jusqu'à un dénouement tout aussi rocambolesque, duquel il n'en en aucun cas maître, comme tout le reste d'ailleurs.

Il y a, en somme, quelque chose de picaresque dans cette intrigue SF qui m'a bien plu, malgré une caractérisation un peu juste des personnages, et qui nous renvoie, derrière son aspect léger, à des réflexions très intéressantes sur le rapport au pouvoir dans nos sociétés.
Une deuxième belle découverte de la collection Une Heure-Lumière.
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Après avoir vu des avis positifs et surtout parce que les livres de cette collection ont tendance à me faire très vite de l'oeil ( il faut dire que les illustrations d'Aurélien Police sont toujours superbes), j'ai saisi l'occasion d'un achat d'un ancien numéro de la revue Bifrost pour me procurer cet ouvrage.

L'histoire du roman se déroule dans un futur éloigné où l'humanité a colonisé le système solaire. La planète Vénus fait aussi partie du lot et ses conditions atmosphériques particulières ont engendré des cités volantes. Il est en effet impossible de vivre à la surface de Vénus où les températures sont trop élevées. Pour pallier ces conditions, des milliers de cités flottantes ont été construites et parsèment les nuages. Ces cités ne sont pas seulement le nec plus ultra de la technologie, elles sont aussi superbes offrant une belle qualité de vie. L'aspect technologique des cités est beaucoup décrit mais sans tomber dans l'excès, l'auteur étant scientifique, tout parait tout à fait plausible. Ces cités et l'univers décrit sont le gros point fort de cette novella. Vénus est rarement choisie en matière de vie dans le système solaire, on pense souvent à Mars ou même à la lune mais très peu à Vénus. La couverture d'Aurélien Police met d'ailleurs en valeur cette belle idée des cités des nuages en totale opposition avec ce qui se trouve à la surface de la planète.

Le Docteur Léa Hamakawa, scientifique de renom est invitée à venir sur Vénus par Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, appelé le sultan des nuages pour les intimes. Elle se rend ainsi dans la ville flottante d'Hypatie, accompagnée de son collègue David Tinkerman avec qui elle entretient plus ou moins une relation. Ils vont vite découvrir que la manière de vivre les relations sentimentales sur Vénus est assez différente des autres. En effet, les mariages sont doubles: un époux(se) âgé(e) pour un(e) époux(se) beaucoup plus jeune puis une fois celui-ci plus vieux il fera de même. L'époux(se) plus âgé(e) sert de guide au plus jeune qui sera amener à faire de même avec un futur conjoint. le hic c'est que les mariages peuvent se faire dès l'âge de 12 ans, qui est d'ailleurs l'âge du Sultan des nuages. Cette idée m'a fait penser à Ursula le Guin qui a développé des idées de ce type sur les mariages dans ces textes.

Un univers original et bien développé, c'est déjà bien mais le reste est il à la hauteur? Je dois dire que non, enfin moins en tout cas. Surtout en ce qui concerne les personnages qui manque de consistance. Léa Hamakawa aurait pu faire couler le Titanic à elle seule sans problème, David Tinkerman tient presque en un mot amoureux transi, et le Sultan son nom a plus de personnalité que lui. La trame narrative est moyennement intéressante, elle aurait pu être un peu plus consistante. Ce n'est clairement pas ce qui donne de l'intérêt au roman. La plume de l'auteur est fluide, agréable à lire, permettant des explications claires. La traduction de Pierre-Paul Durastanti rend parfaitement honneur au texte.

Au final, cette novella offre un moment de lecture agréable grâce à son univers et aux cités dans les nuages. Cependant, l'histoire aurait gagnée à être un peu plus développée et surtout les personnages sont assez pauvres. C'est dommage car l'univers est vraiment bien décrit et original.
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Dans le sultan des nuages, il existe toujours des privilégiés et d'autres qui le sont moins. Sur ce plan là, on reste dans des choses malheureusement bien connues. Les privilégiés sont au-dessus du reste du monde (en l'occurrence de la population vénusienne). Bref, quand on creuse un peu, on arrive à se raccrocher à des détails qui m'ont permis personnellement une certaine stabilité.

Le récit est très court. L'intrigue n'est donc pas énormément poussées. C'est presque un prétexte à la description d'une société nouvelle. A travers les yeux du narrateur, le lecteur découvre donc ce monde de technologies avancées, les villes flottantes de Vénus et son bien jeune dirigeant le sultan des nuages. Et quelle imagination. Geoffrey A. Landis m'a fait complètement rêver avec son univers. En à peine 100 pages, je n'étais plus sur terre en 2017 mais bien sur Vénus dans un futur indéfinissable....https://pauseearlgreyblog.wordpress.com/2017/10/11/le-sultan-des-nuages-geoffrey-a-landis/
Lien : https://pauseearlgreyblog.wo..
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QUI ÇA ?


Retour à la remarquable collection « Une heure-lumière » des Éditions du Bélial'. Après avoir incompréhensiblement peiné sur Poumon vert de Ian R. MacLeod, et laissé de côté pour l'heure le Regard de Ken Liu (mais ça viendra), je me mets presque dès parution aux deux nouveaux titres de cette belle gamme de novellas – et avec un certain effort de volonté, même si difficilement justifiable, car je laisse délibérément mijoter un peu 24 vues du mont Fuji, par Hokusai, de Roger Zelazny, qui me fait vraiment, VRAIMENT de l'oeil (nippo-tentaculaire).


En attendant, voici donc, paru en même temps, le Sultan des nuages, de Geoffrey A. Landis. Comme nombre des titres de la collection, ce petit volume très aéré a été récompensé, en l'espèce par le prix Theodore Sturgeon 2011 ; il avait également été finaliste du prix Nebula.


Et là, j'avoue mon ignorance : je n'avais jamais entendu parler de ce Geoffrey A. Landis (ou alors j'ai oublié). Ce qui n'a au fond rien d'étonnant : l'auteur est « très peu prolifique », si très souvent primé – outre le prix Theodore Sturgeon pour la présente novella, il a remporté deux Hugo en 1992 et 2003 pour ses nouvelles « Marche au soleil » et « Falling Onto Mars », le Nebula de la meilleure nouvelle 1989 pour « Quelques rides sur la mer de Dirac », et le Locus du meilleur premier roman 2001 pour Mars Crossing. Par ailleurs, il n'a été que très, très peu traduit en français – avant le Sultan des nuages, du coup le premier volume français à son nom, seules quatre de ses nouvelles avaient été traduites, et il y a assez longtemps de cela, dans des anthologies épuisées depuis un bail…


Mais il n'est jamais trop tard pour découvrir, hein ? Et les aperçus biographiques de l'auteur entrevus çà et là inspirent plutôt confiance : si l'auteur de SF est rare, il dispose assurément du background pour livrer des récits spéculatifs éventuellement pointus, car il est avant toute chose un scientifique américain, attaché à la NASA, et dont les recherches portent notamment sur l'exploration de Mars et de Vénus, ainsi que sur les technologies associées (il en a breveté quelques-unes), concernant notamment l'habitat.


On est dès lors tenté de voir en lui un auteur à rattacher au courant « hard science », aux côtés notamment d'un Greg Egan ou d'un Stephen Baxter, et je suppose que c'est bel et bien ce qu'il est – mais il peut aussi être autre chose, et je dois dire que c'est peut-être surtout cette autre chose qui m'a parlé dans cette sympathique novella.


LES FEMMES VIENNENT DE MARS, ET LES GARÇONS DE VÉNUS


Nous sommes quelques siècles dans le futur – pas si loin, sans doute, et le système solaire est encore en cours de colonisation, suffisamment toutefois pour que l'humanité ait changé au-delà de la seule technologie. Un de ces changements, mais peut-être pas forcément le plus significatif, consiste en la disparition de l'État, dont les attributions ont été accaparées par des firmes aux dimensions colossales, façon cyberpunk.


Le Dr Léa Hamakawa est une éminente scientifique, un génie à vrai dire (même si sans doute un peu sèche), qui travaille sur diverses approches de la colonisation du système solaire, incluant de nouveaux habitats et les procédés de terraformation ; elle a beaucoup travaillé sur Mars, mais pas uniquement. À ses côtés, son collègue David Tinkerman – enfin, « collègue »… Lui est plus un « technicien » qu'un « vrai scientifique », à les en croire tous deux ; ce qui ne l'empêche bien entendu pas d'être fou amoureux du Dr Hamakawa, laquelle n'en tient guère compte, globalement. Et ce plus ou moins loser est notre narrateur.


Un beau jour (façon de parler), Léa Hamakawa reçoit… une lettre. Une vraie lettre, au sens matériel – avec une enveloppe, et manuscrite. Ce qui n'est certes pas banal. Et c'est une invitation à se rendre dans la ville flottante d'Hypatie, sur Vénus, pour y discuter de ses travaux notamment martiens. La lettre est signée Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, le puissant héritier d'une des plus grandes et riches firmes de l'ensemble du système solaire.


Le Dr Hamakawa accepte l'invitation – et se rend donc sur Vénus, où elle est accueillie par son hôte, qui s'avère être un gamin de douze ans, en années terriennes ; ce qui n'enlève rien à sa puissance de « sultan des nuages ». Mais, dans ses bagages, sans guère d'explications, la scientifique de génie a embarqué son « technicien » David Tinkerman – qui observe tout ce qui se produit autour de lui (et autour d'elle) avec des yeux en permanence exorbités par la surprise et l'incompréhension.


Et il se trouve que l'enfant prodige a des idées derrière la tête – étonnant, non ?


VIVRE DANS LES NUAGES


Ce dont on ne s'étonnera pas, par contre, et à en juger par la biographie de l'auteur, c'est que la question de l'habitat vénusien soit aussi centrale dans le Sultan des nuages – et c'est très certainement à ce niveau que se situe la connotation « hard science » qu'on était tenté de lui accoler d'emblée. Nous nous intéressons donc beaucoup à Hypatie, et, derrière elle, nous entrevoyons plus de dix mille autres villes flottantes, dont plus de la moitié appartiennent à l'héritier Nordwald-Gruenbaum.


Le principe même de ces habitats ne manque pas de rappeler quelques souvenirs en tête, le cas échéant la Bespin de L'Empire contre-attaque (ou la Zalem de Gunnm ?), mais les autres exemples seraient légion. Plus ou moins contemporain de la novella, j'aurais toutefois sacrément envie de mentionner l'excellent jeu de rôle Eclipse Phase, dont la description de Vénus, dans le livre de base et dans le supplément Sunward, est vraiment très, très proche de ce que l'on trouve ici, et à tous les niveaux – le Sultan des nuages est peut-être bien une inspiration de choix pour ce jeu à l'univers si fascinant !


Mais l'approche de ces villes flottantes est ici très réfléchie, de manière générale. C'est qu'il y a dans cette novella un véritable discours scientifique qui justifie le choix de cet habitat, étonnamment sûr et agréable, alors même que la surface de Vénus, du fait de l'atmosphère, de la gravité, de la température, etc., est un enfer inhabitable ; contraste marqué, donc, avec la beauté paisible des villes flottantes environnées de sublimes nuages. La nouvelle ne verse pas dans les travers éventuellement hermétiques de la « hard science » de compét', mais se montre tout à la fois solide et pédagogique à ce propos, sans excès fâcheux de didactisme non plus. L'intérêt de cette approche, c'est probablement d'amener le lecteur, en douceur, à prendre conscience de ce que tout cela, bien loin de constituer un fantasme sci-fi purement graphique, est parfaitement crédible, et au point de devenir parfaitement normal – « sense of wonder » sur les tableaux, que l'on ne devrait pas systématiquement opposer, des images et des idées.


Mais, pour que cela fonctionne, il faut sans doute intégrer ces divers éléments au quotidien, au-delà de la seule question de l'habitat. La novella est dès lors semée de mille et une allusions où la technologie, par la force des choses, se mêle à la culture, et peut-être pas seulement matérielle. le diamant et les toiles d'araignée sont ici des matériaux fort communs, et nos visiteurs auront l'occasion de participer à une mémorable sortie en « kayak » dans les nuages…


À mon sens, c'est dans cette imbrication de la technologie et de la culture que se situe l'atout majeur de la novella – et peut-être plus encore dans la variante qui va suivre. Techniquement, je ne crois pas qu'il s'agisse véritablement d'un SPOILER, car les implications de la section suivante ne concernent pas forcément le récit à proprement parler, et je vais faire en sorte de ne pas rentrer dans les détails. Mais la surprise a sans doute joué positivement, dans mon cas, alors au cas où...


TRADITIONS DU FUTUR


En effet, dans le Sultan des nuages, la culture est toujours de la partie, au-delà de la seule technologie. La découverte d'Hypatie par David Tinkerman ne consiste pas qu'en émerveillement devant les prouesses matérielles du génie humain, la fascination vaguement teintée de malaise pour une culture différente est également présente – car l'humanité a évolué, ainsi qu'elle est supposée le faire, et dans de multiples directions comme de juste.


Au regard du récit, cette attitude du narrateur est à vrai dire plus ou moins crédible : dans un monde pareil, j'ai un peu de mal à concevoir qu'un homme tel que David Tinkerman pourrait débouler sur Vénus, monde « civilisé », si cela veut dire quelque chose, sans rien connaître de ses us et coutumes – il n'est pas censé être un ethnographe britannique du XIXe siècle, sortant bien tardivement de la réserve feutrée de son bureau oxonien, pour découvrir sur le terrain, et avec plus ou moins d'horreur, que cette tribu au fin fond de l'Amazonie a véritablement des pratiques matrimoniales fort peu chrétiennes. Bon, il est vrai qu'à notre époque, franchir une frontière peut suffire à avoir des conséquences de cet ordre ; c'est le fait que l'ignorance de Tinkerman soit totale, absolue, qui m'étonne un peu. Bon, j'imagine que cela pourrait tout de même faire sens...


Reste que cette approche de la novella, éventuellement douteuse au plan narratif donc, produit des miracles aux plans, toujours associés, des images et des idées. Et ce tout particulièrement au regard de ce classique de l'anthropologie sociale que sont les systèmes matrimoniaux – et plus largement le rapport à la sexualité, mais aussi les coutumes liées à ces questions (en l'espèce, le don et sa symbolique). David Tinkerman découvre que la société vénusienne a en la matière une approche bien ancrée mais aussi presque incompréhensible aux yeux de quiconque lui est extérieur – au point le cas échéant du scandale. Pourtant, il s'agit là encore d'amener le lecteur, via ce narrateur étranger un peu naïf, typique du découvreur d'utopies, à envisager que tout cela est parfaitement normal.


Une approche qui me plaît bien – d'autant qu'elle m'a surpris, en fait : le Sultan des nuages s'éloigne ici des connotations les plus caricaturales de la « hard science », et je ne m'attendais pas à y trouver ce genre de développements, ou en tout cas pas à ce niveau d'importance. En matière de SF anthropologique, cette novella n'a sans doute pas la radicalité fascinante de « l'Ekumen » de l'immense Ursula K. le Guin, mais il y a tout de même quelque chose dans cet esprit – encore que l'association des idées et des images évoque peut-être davantage un Jack Vance.


OLD SCHOOL ? MAIS PAS FORCÉMENT POUR LE MIEUX


D'autres références pourraient être avancées, si l'on y tient. En fait, le ton de la novella m'a paru assez « old school », notamment dans sa légèreté de façade, un peu badine. Connotations « hard science » ou pas, mais qui pourraient justifier un lien avec Arthur C. Clarke, peut-être, le Sultan des nuages m'a rappelé à cet égard, tout particulièrement, les grands cycles d' « histoire du futur » des années 1940 et 1950 – pas tant Asimov et « Fondation » que Heinlein pour son « Histoire du futur », surtout, mais d'autres aspects m'ont fait penser, bizarrement ou pas, aux « Seigneurs de l'Instrumentalité » de Cordwainer Smith ; notamment au roman Norstralie, en fait, alors qu'à certains égards les deux textes sont en contrepoint (mais il y a bien la dimension planet opera, le personnage jeune et richissime au-delà de toute mesure, etc.).


Au gré du lecteur, cela pourra constituer un atout ou un handicap. Je crains toutefois, à titre très personnel, être plutôt dans la deuxième catégorie… Trois raisons à cela : une plume au mieux médiocre à mes yeux, et qui pâtit notamment de cette légèreté dans le ton, peut-être un peu trop appuyée ; les blagounettes de David Tinkerman sont peut-être délibérément foireuses, mais elles n'aident pas à le prendre au sérieux ; il est heureux que l'univers brille au-delà de ce que le personnage en perçoit et en dit.


Deuxième problème, justement, les personnages : ils manquent tous de chair et d'âme. À maints égards, ils ne sont que des outils, réduits à leur dimension la plus fonctionnelle. le Dr Hamakawa est une présence froide sans plus de caractère ; Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, tout richissime gamin qu'il soit, ne concrétise pas vraiment les promesses de son extraction, de son âge et de son nom délicieusement à rallonge ; David Tinkerman nous prête guère plus que ses yeux, et, quelques échos empreints de récrimination de ses désillusions et de ses fantasmes mis à part, une caméra aurait aussi bien fait l'affaire.


Troisième problème : une histoire en forme de prétexte, sans guère d'ambiguïtés à ce niveau. La trame narrative est au mieux médiocre, elle ne m'a jamais vraiment enthousiasmé, ni même vaguement intéressé. Et ce alors même que ses implications, en définitive, ont quelque chose d'apocalyptique – mais pas exprimé de façon à ce que le lecteur en frémisse. J'ai vraiment eu l'impression d'un prétexte, oui : la visite guidée d'Hypatie est passionnante et fascinante, au regard tant de la spéculation scientifico-technologique que de ses implications culturelles et sociétales ; mais le fil rouge narratif est bien trop grossier pour convaincre – un artifice assumé, qui par chance ne nuit pas aux développements de fond, mais je crois que ça n'est pas passé loin.


BIEN MAIS PAS TOP


Bilan ? « Bien mais pas top », comme on dit.


J'ai globalement apprécié ma lecture, et je suppose que c'est l'essentiel. L'univers et la manière qu'a l'auteur de le décortiquer constituent des atouts marqués, qui suscitent et entretiennent l'intérêt du lecteur bien mieux qu'une quelconque trame narrative ; car il y en a une, mais elle est au mieux médiocre – en tant que telle de peu d'importance.


Reste la question du ton – et là c'est à chacun de voir. Ce ton m'a donc paru léger, ce qui plaira ou pas, mais, paradoxalement peut-être, j'ai en même temps trouvé la plume de l'auteur un peu lourdingue. Bon, au registre du fonctionnel, on reconnaîtra à la novella, formellement, d'être relativement efficace, d'une manière en somme utilitariste. le fait est que cela se lit très bien : un récit bref, aéré, où tout s'écoule – on tourne les pages sans même s'en rendre compte. Ce qui, en soi, est sans doute très positif. Mais ce n'est pas exactement une merveille de poésie – ceci alors même que l'auteur a publié de la poésie, souvent d'inspiration scientifique. Qu'en penser, alors…


Résultat tout de même plus qu'honorable. le Sultan des nuages ne brille pas au niveau des plus grandes réussites de la collection (me concernant, d'abord L'Homme qui mit fin à l'histoire de Ken Liu, ensuite Un pont sur la brume de Kij Johnson et Cérès et Vesta de Greg Egan), mais vaut à mon sens bien mieux que les titres les plus anodins en « Une heure-lumière » (disons Dragon de Thomas Day et le Nexus du Docteur Erdmann de Nancy Kress ; Poumon vert de Ian R. MacLeod doit peut-être être placé à part). Cette novella constitue donc une lecture « satisfaisante » ; ce qui n'est pas le plus passionné des compliments, mais, sur le moment, la novella fonctionne, et c'est probablement l'essentiel – rien d'impérissable, mais ça marche ; et, au moins pour un temps, cela émerveille, comme la science-fiction dans son acception la plus orthodoxe est supposée le faire.
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Finaliste du Prix Nebula et lauréat du Sturgeon dans la catégorie « roman court », LE SULTAN DES NUAGES s'intéresse, en une centaine de pages, à la colonisation de la réputée infernale et invivable Vénus. Pour s'y établir les Hommes se sont installés dans des villes flottantes sous la domination de Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, jeune homme (environ 12 ans en années terrestre) décidé à trouver une compagne (via le rituel de l'oeuf, du livre et de la pierre qui l'autorise à courtiser) et à accélérer la « terraformation » de la planète.
Ecrivain rare et peu publié chez nous, Geoffrey A. Landis a pourtant obtenu pas mal de prix pour ses nouvelles (Asimov, Hugo, Nebula, Locus, Analog,…). Son oeuvre traduite se résume a peu de chose mais on trouve deux de ses récits dans les vénérables anthologies « Asimov présente » publiées début des années '90 chez Pocket. le texte proposé ici rappelle d'ailleurs les textes de l'âge d'or de la science-fiction, lorsque Clarke imaginait des univers complexe ou qu'Asimov pensait les habitations futures des hommes réfugiés dans LES CAVERNES D'ACIER. Un parfum quelque peu rétro plane donc sur ce court roman.
En effet, LE SULTAN DES NUAGES constitue une plaisante novella qui fonctionne davantage sur les idées que sur les péripéties ou sur l'action : l'auteur prend le temps de nous décrire les curieuses villes volantes vénusiennes et s'attarde longuement sur la pratique du mariage, divisé en « haut mariage » et « bas mariage ». En résumé, un jeune homme épouse une femme plus âgée qui va « l'initier » puis, une fois vieux, il prendra à son tour une jeune épouse pour perpétuer les traditions à la manière d'une « tresse ». L'intrigue mélange donc un côté « hard science » dans ses idées (sans que l'on soit englouti de considérations techniques), quelques touches cyberpunk (pour la prise de pouvoir des mégacorporations et les détails scientifiques), d'anticipation philosophique (au sens large puisque le héros se voit confronté à des modes de vie étrangers et, comme l'aurait dit Farmer, à des « rapports étranges » entre les sexes) et de « sense of wonder » (par cet environnement complètement hostile et pourtant fascinant). Cependant, le tout reste léger : on sent que la ligne narrative constitue un simple prétexte à approcher un environnement et des modes de vie profondément différents. On peut d'ailleurs s'étonner de la réaction du héros qui, confronté aux « mariages tressés » a une réaction bien peu scientifique en les assimilant immédiatement à de la perversion sexuelle, pour ne pas dire à de la pédophilie institutionnalisée. Il est d'ailleurs surprenant qu'il n'ait pas une connaissance, même sommaire, de cette coutume avant de se rendre sur Venus. Passons sur cette facilité narrative qui permet au lecteur de la découvrir en même temps que le principal protagoniste.
Solide et agréable, LE SULTAN DES NUAGES rappelle quelque peu (aussi étonnant que cela puisse paraitre) le dessinateur François Schuiten : l'intrigue proprement dite reste anecdotique et sert simplement de fil conducteur à une exploration très précise des particularités architecturales (et dans une moindre mesure sociétales) d'un univers étonnant. le grand plan de l'antagoniste se montre d'ailleurs quelque peu survolé et la conclusion, expédiée en deux pages, démontre si besoin que l'important était ailleurs.
Malgré ces bémols, LE SULTAN DES NUAGES demeure une novella agréable et globalement réussie qui permet de passer une ou deux heures d'évasion pour un divertissement intelligent et dans l'ensemble convaincant. Un bon moment si on accepte de fermer les yeux sur les quelques défauts du récit.

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25 ans du Bélial, chapitre 4 !

Parmi l'impressionnante liste des plumes mises à l'honneur dans la collection Une heure-lumière, je dois dire que je n'avais jamais entendu parler de Geoffrey À. Landis avant la publication de cet opus...
Sa présentation par l'éditeur me rassure un peu, l'homme a le texte rare. Et pour cause, il est ingénieur à la NASA, "spécialisé dans l'exploration martienne et vénusienne". Wow. Intéressant.

Commençons donc cette novella suivant l'arrivée sur Venus de deux personnages en provenance de... Mars ! le gars reste dans sa zone de confort quoi !

Cette boutade mise de côté, nous embarquons avec un héros, David Tinkerman, ingénieur entiché de sa boss, le Dr Léa Hamakawa.
Elle est invitée sur Venus par Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, aka le Sultan des nuages.
Il requiert ses compétences pour un mystérieux projet. Elle décide d'emmener son bras droit, Tinkerman.

Commence alors la découverte des cités flottantes de Venus, au premier rang desquelles la majestueuse Hypatie. Alors que le Dr Hamakawa est reçue en haut-lieu, Tinkerman est hébergé par une famille tout ce qu'il y a de plus typique.
Il va peu à peu découvrir le fonctionnement de la société vénusienne. C'est l'un des grands intérêts de cette novella : le système politique et l'organisation sociale.
La version locale de la notion de "famille" est assez incroyable et innovante - je ne sais pas si c'est une adaptation d'un système terrien !

Le sultan des nuages, personnage improbable s'il en est, constitue un des autres attraits du texte, tant il peut paraître étrange pour nous.

Mais ce n'est pas simplement un cartoville Hypatie que vous lirez. Derrière les façades et le faste, une révolte gronde et sera le moteur de la deuxième moitié du texte, que je ne spoilerai pas !

En résumé, une balade sympathique sur Venus - façon de parler -, jusqu'à ce que le vernis craque. Mais qui s'en étonnera ?

De manière totalement arbitraire, j'ai ajouté 0,5 à ma note prévue pour une raison toute simple : croiser le nom Giordano Bruno dans ces pages fut un délicieux petit pic d'émoustillement intellectuel !
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Le Sultan des Nuages est une novella de la collection Une Heure Lumière, qui nous emmène cette fois sur Venus, dans une cité flottante au milieu des nuages.

L'environnement est clairement le point fort de ce texte. J'ai adoré cette plongée sur Venus, avec une proposition d'habitat adapté au climat hostile de la planète. Je ne suis pas assez calée en SF ou même en science pour savoir si c'est une vraie possibilité ou si les explications scientifiques tiennent la route, mais le Sense of Wonder était vraiment là.

Le texte étant vraiment court, je ne vais pas plus rentrer dans les détails de l'histoire.

Les personnages sont moins réussis, à mon avis. le narrateur est plutôt sympathique, à défaut d'être vraiment attachant, mais les autres personnages restent froids, détachés. Même après l'épilogue, je ne suis pas certaine de comprendre les agissements du Docteur.

Les sentiments évoqués ne restent aussi que des mots, qui ne m'ont pas donné d'émotions à travers les pages.

Le futur Sultan montre un peu plus de sentiments, mais il est dépeint de manière antipathique dès le départ, un peu comme un sale gosse gâté, et rien de vient modifier cette première impression.

L'intrigue reste aussi relativement simple, agrémenté de quelques nuances politiques bienvenue. J'ai beaucoup aimé les principes de la société Venusienne, ce principe de tresse de mariage. C'est une idée qui mériterait développement dans un texte plus long.

En fait, c'est tout cet univers que j'aimerais revoir dans un texte plus long, avec des personnages plus travaillés. Je n'ai pas trouvé d'autres textes de l'auteur dans le même univers, malheureusement.

Venus est une planète qui m'attire, bien plus que Mars. Je me pencherai sur les autres textes portant dessus, en espèrant une nouvelle bonne surprise.

Un UHL solide, comme souvent dans cette collection :)
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On s'intéresse d'habitude assez peu à la planète Vénus. Sans doute est-ce à cause des conditions extrêmes, excluant totalement que des humains puissent y séjourner, qui caractérisent cette planète. Ce roman nous y transporte en tenant compte des conditions réelles et en résolvant de façon intelligente les problèmes qu'elles posent. Bon, c'est sûr, il faudrait beaucoup de technologie et beaucoup d'énergie pour que ce que propose l'auteur soit possible, mais au moins c'est imaginable (cela devrait ravir ceux qui ne supportent pas que le récit repose sur des postulats qu'ils jugent irréalistes ou impossibles). J'ai aimé.
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Partons à la découverte de cités volantes, là où la gravité n'a plus de raison d'être. Découvrons une technologie adaptée à l'air venusienne. Apprenons à vivre comme un habitant de la cité des nuages.

Enfant de 12 ans environ, le sultan des nuages cherche à tout prix à se marier afin de récupérer son héritage. Qui de mieux que de contacter un scientifique spécialisé dans la terraformation pour endosser ce rôle marital ? Si l'intrigue reste donc assez plate, il n'empêche que tout l'univers et la société mise en place par l'auteur sont vraiment très intéressant à suivre.

Geoffrey Landis est un scientifique de la nasa travaillant sur des programmes d'exploration de Mars et de Vénus... Rien que ça ! Alors autant vous dire que l'auteur a beaucoup misé sur sa découverte de Venus. C'est pour ravir les passionnés de planètes ! En bref, nous sommes dans un roman de "soft" hard-sf qui nous promet des technologies fortement ingénieuses, jouant avec les propriétés physico-chimiques de la planète.

Par ailleurs, en dépit de tout ce décor, la société y est aussi très bien décrite. Assez intéressante tout en étant plutôt étrange, le système marital mis en place dans le récit fait clairement réfléchir. Ça ajoute une pointe d'originalité au peuple et au récit.

En outre, en dehors de tout ce décor, j'ai trouvé le reste assez plat. Et on commence avec le personnage principal David Tinkerman qui subit clairement le récit. Il n'a d'yeux que pour le Dr Hamakawa qui, elle, a un peu plus de recherche sur son sens moral. C'est sans parler du Sultan qui est clairement un enfant pourri gâté et sans relief.

En bref, des rebelles par-ci, des complots par là, l'intrigue nous permet certes d'avoir un fil rouge dans la découverte de cet univers intéressant mais qui n'est clairement pas transcendant. Heureusement que l'auteur a carrément maîtrisé sa société et son environnement car c'est vraiment ce que j'ai préféré et est le positif de cette novella. Ses compétences scientifiques ont pu rendre le tout crédible sans pour autant rendre tout cela complexe. En gros, j'ai adoré découvrir l'univers mais un peu moins suivre une intrigue qui selon moi n'avait aucun intérêt.
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