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EAN : 9782246815099
208 pages
Grasset (04/04/2018)
3.68/5   11 notes
Résumé :
Depuis 1945, l'ENA fournit à l'État ses plus zélés serviteurs, mais les diplômés de la « promotion Senghor » (2002-2004) se distinguent par leur précocité. En quelques années, plusieurs ont accédé à de très hautes fonctions, dans les cabinets ministériels et les ambassades, à l'Élysée ou au directoire de grandes entreprises. Au premier rang, Emmanuel Macron, président de la République à 39 ans.

Ce millésime est-il unique ? Que nous dit-il sur l'évolut... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
J'en ai presque terminé avec mes lectures en service de presse avec NetGalley.fr. le livre dont je vais vous parler aujourd'hui est l'avant-dernier avant que je reprenne des lectures plus « libres », même si je n'ai finalement lu que des livres que j'ai choisis de solliciter.

Brillant diplômé de la promotion Senghor de l'ENA (2002-2004), Boris Vallaud lançait en guise de plaisanterie, quand on lui faisait remarquer que ses camarades et lui avaient investi à une vitesse éclair les sommets de la République : « N'exagérons rien. J'ai 38 ans. À cet âge, Napoléon était déjà empereur… » Il ne savait pas encore qu'à tout juste 39 ans, Emmanuel Macron deviendrait chef de l'Etat, et ferait de la cour Napoléon du Louvre le lieu de son couronnement.

Depuis lors, la classe Senghor est associée au nom du plus jeune président de la Vème République. Emmanuel Macron est-il le fruit très exceptionnel d'une cuvée comme une autre de l'école du pouvoir ? Ou bien tout le millésime a-t-il quelque chose d'unique ? Que nous dit son histoire sur l'évolution de l'ENA, institution parfois décriée mais considérée comme le fleuron de la République, le creuset de son élite ? Vite présents dans les cabinets ministériels, à l'Elysée, dans les ambassades, au directoire des banques et des grandes entreprises, ses élèves ont-ils eu des parcours originaux, novateurs, étonnants ?

Mathieu Larnaudie a rencontré près de trente « Senghor ». Il raconte leurs parcours, leur vision de l'école, explique les ressorts de leur ambition, la façon dont elles et ils ont élaboré leurs carrières. À travers ce dynamique et souvent sympathique club de jeunes gens, se dessine la fabrication d'un réseau de pouvoir dont l'aura est cardinale dans l'imaginaire politique français.

Les jeunes gens est un livre-enquête de Mathieu Larnaudie dans lequel il s'intéresse à la promotion Senghor de l'Ecole Nationale d'Administrative, la fameuse ENA cible d'autant de fantasmes que d'attaques. La promotion Senghor a la particularité d'être celle dont est issu Emmanuel Macron, élu en 2017 plus jeune Président de la République à l'âge de 39 ans, sans avoir jamais été élu à aucun mandant jusque là. Ce succès retentissant a fait connaître cette promotion de l'ENA, un peu à l'image de la promotion Voltaire dont étaient issus François Hollande, Ségolène Royal, Dominique de Villepin ou Michel Sapin.

Le nom « ENA » cristallise un faisceau de signes qui se déploie dans l'imaginaire collectif, alimentant les fantasmes et les rancoeurs, s'offrant comme foyer de fascination aussi bien que comme cible privilégiée des critiques. C'est la panacée promises des élèves méritants ; c'est le repoussoir agité par les populismes ; c'est le gage de l'excellence des serviteurs de la nation ; c'est la machine à reproduire les inégalités visée par les sociologues

Mathieu Larnaudie nous raconte le parcours personnel et professionnel de plusieurs anciens élèves de cette promotion, aux origines différentes et aux destinées variées, même s'ils sont tous proches des cercles de pouvoir, qu'ils soient politiques ou économiques.

A travers ces portraits, il dresse surtout celui de l'ENA, de son système de sélection et de formation des futurs serviteurs de l'Etat. le grand talent dans ce livre, c'est que tout cela est fait sans caricature, en reconnaissant certaines vertus au système, mais avec ce qu'il faut de critique et de distance. Y sont décrits avec acuité les caractéristiques fortes de l'ENA : le fonctionnement en réseau, le conformisme de l'enseignement qui tend à maintenir un socle idéologique commun, et les inégalités sociales tant à l'entrée qu'à la sortie de l'école.

C'est aussi une réflexion intéressante sur l'évolution du monde politique, ses codes, ses passages obligés, ce qui change ou ce qui semble changer. L'auteur analyse et décrypte également la trajectoire d'Emmanuel Macron, diplômé le plus illustre de la promotion Senghor, passé du public au privé puis à nouveau au public avant de briguer avec succès la Présidence de la République.

Il serait trop long de lister tous les thèmes passionnants évoqués dans ce livre. J'ai tout simplement adoré ce livre, qui est une plongée captivante dans un des piliers de la République, à savoir l'école qui en forme les futurs serviteurs. Plus que les portraits individuels, c'est l'impression d'ensemble et les réflexions sur l'Etat, le service public, et la dimension sociale de l'ENA qui m'ont passionné dans ce livre. Je le recommande très clairement à ceux qui s'intéressent à la politique et surtout à la marche de l'Etat.
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Les jeunes gens est un portrait de la promotion Senghor 2002-2004 de l'ENA, qui vit sortir les plus éminents membres de nos institutions, notamment le plus jeune chef de l'état depuis Napoléon, Emmanuel Macron. L'auteur part à la rencontre de près d'une trentaine d'anciens membres de cette promotion afin de questionner l'évolution de l'ENA, et ainsi mettre en lumière le fonctionnement de nos institutions.

L'auteur expose à travers le parcours de ces plus brillants esprits, dont certains sont désormais chefs de cabinets, chefs d'entreprises, banquiers ou même et surtout président, les changements que l'on peut observer dans le rôle joué par l'école sur les carrières de ses membres. Si il y a des années les plus hauts postes étaient ainsi visés, les parlements pour ne pas les nommer, désormais pour accéder à de hautes carrières, les élèves se destinent aux entreprises et aux coulisses qui ont un attrait plus que certain afin de les former aux nouvelles méthodes et à l'accession au pouvoir.

» Sans doute faut-il voir là une mutation de la façon dont le pouvoir est perçu par ceux qui y prétendent. Il semblerait que l'ordre des priorités ait évolués, et que les bancs de l'Assemblée nationale aient désormais moins d'attrait que les places gigognes dans les hôtels particuliers de la République, voire aux sièges des grandes banques ou des entreprises du CAC 40. »

Tout le long des parcours égrenés, une question demeure comme un fil rouge : que pensent ses anciens camarades du parcours d'Emmanuel Macron ? Comment le voient-ils aujourd'hui au regard de leurs impressions d'hier ? Comment a-t-il pu arriver au sommet de l'Etat si rapidement, l'ENA a-t-elle jouée un rôle ? Une sorte d'aura fascinante brille autour de sa personnalité et de son parcours atypique sans pour autant avoir de réponse claire : si ce n'est sa très certaine chance et un climat politique favorable aux changements.

»Emmanuel Macron en est le plus bel exemple : contrairement aux habitudes, celui-ci n'a pas daigné se mêler au combat électoral ni jugé utile de s'encombrer de mandats locaux avant de se lancer directement dans le grand bain de la présidentielle. »

Un essai accessible grâce à une plume simple et précise, mais qui tourne parfois en rond au son des noms et parcours similaires de ses membres. Même si il faut le préciser, tous ne sont pas nés du bon côté pour avoir une place attitréé au sein de cette prestigieuse institution ! Les avis sont d'ailleurs partagés sur la nécessité de l'école, ce qui donne une jolie brochette de personnalités. Nous le remarquons avec ces parcours, la nouvelle génération offre une image moins clivée des partis politiques, dont Emmanuel Macron est le chef de file. Serait-ce là la particularité de la promotion Senghor ?

Il est néanmoins regrettable de ne pas avoir un point de vu plus large que le simple portrait. L'auteur n'exploite pas assez la complexité du monde politique et social de notre société. L'ENA étant une partie obscure d'un système visant à former les futurs membres de nos institutions, il eu été préférable d'entrer véritablement au coeur du dit système pour en comprendre toutes les imbrications. Pourquoi cette promotion semble tant se distinguer des autres ? Il est peut-être d'ailleurs trop tôt pour comprendre les enjeux et les conséquences de ces changements sur notre société. C'est d'ailleurs certainement la limite de ce livre.
Lien : https://topobiblioteca.wordp..
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Radiographie de la promo Senghor (2002-2004) de l'Ena. Ecole prestigieuse, s'il en est, l'Ena produit chaque année celles et ceux qui sont censés devenir la « crème de la crème » et prendre les manettes de vie politique, diplomatique et économique du pays. Avec un regard incisif, l'auteur démontre combien cette école symbolique d'une certaine méritocratie à son origine conforte en réalité que l'entre soi et l'élitisme. Cette démonstration est à elle seule déjà instructive. Elle devient d'autant plus passionnante, que figurent dans cette promotion Emmanuel Macron et tous les jeunes gens installés peu ou prou au pouvoir aujourd'hui. La galerie de portraits vaut son pesant de cacahouètes.
Mêlant enquête et analyse, Mathieu Larnaudie démonte également les mécanismes ultra huilés d'une machine à produire des dirigeants, où les liens de loyauté, de solidarité et d'argent sont plus forts que les convictions et les engagements, ceci dit sans aucun cynisme. Aussi fascinant qu'inquiétant.
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Tenter de détourer les mutations en cours de la parole technocratique et politique à partir d'un vivier concret d'exemples.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/05/10/note-de-lecture-les-jeunes-gens-mathieu-larnaudie/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Chaque phrase prononcée par ces jeunes gens semble ainsi rigoureusement contrôlée. Car les Senghor n’ignorent pas que les mots sont l’autre matière première du pouvoir. Il y a ce que l’on peut dire et ce que l’on tait, chez les uns ce qu’on laisse filtrer tout en prenant l’air de ne pas y toucher, chez d’autres le soi-disant franc-parler habilement calculé. On connaît les exigences de la communication politique, des discours formatés, des éléments de langage. Mais c’est un talent plus saisissant encore que d’être capable d’une telle maîtrise dans des situations moins officielles. Quand, me demandais-je parfois en dialoguant avec eux, quand se relâchent-ils vraiment, quand fendent-ils l’armure ?
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Roland Barthes y insiste : une mythologie, c’est avant tout une scène de parole. L’ENA n’est pas une usine de robots stéréotypés, unifiés par leur comportement, leur tenue vestimentaire, ni même leurs aptitudes et ambitions. Ils ne sont même pas tous gris, n’en déplaise au trait d’ironie d’Édouard Philippe. L’ENA est surtout cette fabrique d’une scène de parole. Elle dispose les termes entre lesquels se définissent l’espace public et le territoire politique français. Autrement dit, elle règle un espace de langage à l’intérieur duquel la politique nationale est entièrement sommée de se tenir. Elle ne peut pas déborder – ni sur la droite ni sur la gauche – sous peine de devenir incontrôlable, extérieure au système de consensus que nous avons appris à confondre avec le mot démocratie.
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Il y a bien entendu une idéologie là-dessous : celle qui présuppose que la première mesure d’un acte est son efficacité, et que, quelles que soient les étiquettes et les orientations prises par les différentes équipes successives, celles-ci ne s’écartent jamais d’un spectre théorique central, qui assure une continuité. Celle qui présume également que la tenue de la bonne marche de la République est plus une affaire de spécialistes compétents et autorisés que de représentants du peuple – cette grande masse incertaine et imprévisible qu’il vaut mieux canaliser. Car le mot d’ordre pragmatique est avant tout l’expression d’un tronc commun doctrinal. Il s’agit de faire tourner la machine, certainement pas de l’enrayer ni de la reconfigurer – encore moins d’en changer.
Sans doute faut-il voir là une mutation de la façon dont le pouvoir est perçu par ceux qui y prétendent. Il semblerait que l’ordre des priorités ait évolué, et que les bancs de l’Assemblée nationale aient désormais moins d’attrait que les places gigognes dans les hôtels particuliers de la République, voire aux sièges des grandes banques ou des entreprises du CAC 40.
C’est là, plus que dans l’hémicycle, que se trouve le cœur du pouvoir dans nos démocraties libérales ; du moins est-ce ainsi que les jeunes générations de technocrates le conçoivent. Ce n’est pas forcément la traduction d’une réalité très nouvelle : c’est en revanche un témoignage de la transformation d’un imaginaire politique.
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C’est au lycée Voltaire que celui qui a grandi entre une cité HLM des Lilas et Ménilmontant, avec un père vendeur à la FNAC et une ère éducatrice spécialisée, noue son premier contact avec l’ENA : des élèves de l’École viennent présenter l’institution aux lycéens, expliquent son fonctionnement, vantent son importance et l’idée du service public qu’elle exalte. Mais indépendamment d’un éventuel attrait pour l’auguste maison, une chose, avant tout, frappe Vicherat : la façon qu’ont ces étudiants de parler, d’organiser leurs idées, de manier la syntaxe. « Ils donnaient l’impression de toujours penser à la phrase d’après », se souvient-il. Le lycéen se promet alors d’arriver bientôt à cela : penser à la phrase d’après.
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Dans le cadre des 18es Rencontres de Chaminadour : Mathieu Larnaudie sur les grands chemins de Dante.
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