Adalbert Von Chamisso (1781-1838) : Le Château de Boncourt
Je rêve encore mon jeune âge
Sous le poids de mes cheveux blancs ;
Tu me poursuis, fidèle image,
Et renais sous la faux du temps.
Du sein d'une mer de verdure
S'élève un château radieux ;
Je reconnais cette toiture,
Ces tours, ces créneaux anguleux.
Ces lions supports de nos armes
Me regardent avec amour ;
Mes yeux se remplissent de larmes
Et je m'élance dans la cour.
Voilà le Sphinx à la fontaine,
Voilà le figuier verdoyant,
Là s'évanouit l'ombre vaine
Des premiers songes de l'enfant.
De mon aïeul dans la chapelle
Je cherche et revois le tombeau ;
Voilà la colonne à laquelle
Pendent ses armes en faisceau.
Ce marbre que le soleil dore
Et ces caractères pieux,
Non je ne puis les lire encore :
Un voile humide est sur mes yeux.
Fidèle château de mes pères,
Je te retrouve tout en moi ;
Tu n'es plus, superbe naguère ;
La charrue a passé sur toi.
Sol que je chéris, sois fertile !
Je te bénis d'un cœur serein,
Bénis, quel qu'il soit, l'homme utile
Dont le soc sillonne ton sein !
Je me relève et prends ma lyre ;
Devant moi l'espace est ouvert,
Je vais chantant faire redire
Mes vers à l'écho du désert.
799 - [Marabout-Université n°137, p. 317-318]
LA MAISON DE FLEURS (Volkslieder)
Au jardin de l’amie
je m’étais endormi
et j’y rêvai ce rêve :
sur moi tombait la neige.
J’en ouvris les deux yeux,
mais il n’en était rien :
ce n’étaient que des roses
épanouies là-haut.
Je me cueillis les roses
pour en faire un chapel ;
l’envoyai à ma belle
pour la danse d’honneur.
Me fis une logette,
logette de persil.
Comment l’ai-je couverte ?
Ce fut de rouges lys.
Lorsque, la maison faite,
Dieu me donna pour femme
fille de dix-huit ans,
fut doux de vivre auprès.
Présence de l'aimé (Goethe)
...
Je suis auprés de toi, aussi loin que tu sois,
Et tu es là !
--- Le soleil sombre, bientôt vont luire les étoiles.
Que n'es-tu là !