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EAN : 9782232122224
304 pages
Editions Seghers (22/01/2004)
5/5   1 notes
Résumé :
Stéphane Mallarmé. 1842-1898. On lui oppose communément l’hermétisme et quand on lit son œuvre et sa correspondance on dialogue avec un esprit qui défie la civilisation « au cas de l’écrit menacé » (Div p. 334). Il faut donc avec Mallarmé se situer sur le terrain de la civilisation, c’est-à-dire dans le creuset créatif d’un art évocatoire et sacré qui rende aux hommes la force de leurs impulsivités naturelles, les ouvre à l’art divinatoire de la lecture et à une con... >Voir plus
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Hier, j’ai trouvé ma pipe en rêvant une longue soirée de travail, de beau travail d’hiver. Jetées les cigarettes avec toutes les joies enfantines de l’été dans le passé qu’illuminent les feuilles bleues de soleil, les mousselines et reprise ma grave pipe par un homme sérieux qui veut fumer longtemps sans se déranger, afin de mieux travailler : mais je ne m’attendais pas à la surprise que préparait cette délaissée, à peine eus-je tiré la première bouffée, j’oubliai mes grands livres à faire, émerveillé, attendri, je respirai l’hiver dernier qui revenait. Je n’avais pas touché à la fidèle amie depuis ma rentrée en France, et tout Londres, Londres tel que je le vécus en entier à moi seul, il y a un an, est apparu ; d’abord les chers brouillards qui emmitouflent nos cervelles et ont, là-bas, une odeur à eux, quand ils pénètrent sous la croisée. Mon tabac sentait une chambre sombre aux meubles de cuir saupoudrés par la poussière du charbon sur lesquels se roulait le maigre chat noir ; les grands feux ! et la bonne aux bras rouges versant les charbons, et le fruit de ces charbons tombant du seau de tôle dans la corbeille de fer, le matin – alors que le facteur frappait le double coup solennel, qui me faisait vivre ! J’ai revu par les fenêtres ces arbres malades du square désert – j’ai vu le large, si souvent traversé cet hiver-là, grelottant sur le pont du steamer mouillé de bruine et noirci de fumée – avec ma pauvre bien-aimée errante, en habits de voyageuse, une longue robe terne couleur de la poussière des routes, un manteau qui collait humide à ses épaules froides, un de ces chapeaux de paille sans plume et presque sans rubans, que les riches dames jettent en arrivant, tant ils sont déchiquetés par l’air de la mer et que les pauvres bien-aimées regarnissent pour bien des saisons encore…
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 Mon cher Henri,Il faut avouer que tu as abusé avec une étrange malice d’une parole jetée en un sourire et que démentait naturellement la lettre que je t’écrivis pour le jour de l’an et que tu laisses sans un serrement de mains. Moi, j’attendais toujours.
J’ai donc à te raconter trois mois, à bien grands traits ; c’est effrayant, cependant ! Je les ai passés, acharné sur Hérodiade, ma lampe le sait ! J’ai écrit l’ouverture musicale, presque encore à l’état d’ébauche, mais je puis dire sans présomption qu’elle sera d’un effet inouï et que la scène dramatique que tu connais n’est auprès de ces vers que ce qu’est une vulgaire image d’Épinal comparée à une toile de Léonard de Vinci. Il me faudra trois ou quatre hivers encore, pour achever cette œuvre, mais j’aurai enfin fait ce que je rêve, écrire un Poème digne de Poe et que les siens ne surpasseront pas. Pour te parler avec cette assurance, moi qui suis la victime éternelle du découragement, il faut que j’entrevoie de vraies splendeurs !
Malheureusement, en creusant le vers à ce point, j’ai rencontré deux abîmes, qui me désespèrent. L’un est le Néant, auquel je suis arrivé sans connaître le Bouddhisme et je suis encore trop désolé pour pouvoir croire même à ma poésie et me remettre au travail, que cette pensée écrasante m’a fait abandonner.
Oui, je le sais, nous ne sommes que de vaines formes de la matière, mais bien sublimes pour avoir inventé Dieu et notre âme. Si sublimes, mon ami ! que je veux me donner ce spectacle de la matière, ayant conscience d’être et, cependant, s’élançant forcément dans le Rêve qu’elle sait n’être pas, chantant l’Âme et toutes les divines impressions pareilles qui se sont amassées en nous depuis les premiers âges et proclament, devant le Rien qui est la vérité, ces glorieux mensonges …
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« Le prestigieux interlocuteur de soi-même ou songeur toujours à haute voix » (VIA p. 19), quand il affronte le démon littéraire et le jeu insensé d’écrire, n’est pas seulement confronté à l’élément mystique et à l’impersonnalité, mais à la loi.
« Autrement, si ce n’était cela, une sommation au monde qu’il égale sa hantise à de riches postulats chiffrés, en tant que sa loi, sur le papier blême de tant d’audace — je crois, vraiment, qu’il y aurait duperie, à presque le suicide. » (VIA p. 3). « La loi se tait — n’ose se montrer telle » (LM f. 169).
Et dans les notes additives apparaissent les voies d’une division qui fonde le serment et celles d’un suspens entre le crime ou le serment.
On ne peut échapper alors à la violence d’un paradoxe car si Mallarmé situe résolument l’être dans l’ontologie des scissions de sa propre parole et s’il repasse par la petitesse de l’enfant tel en un abîme, il n’en demeure pas moins que le mystère du retrait et de la disparition de l’homme, son impersonnalité, ne se résout pas complètement et relève d’une foi en la transsubstantiation de l’être par le langage, d’une « théologie des Lettres » où le mystère verse l’intensité de sa question dans le sens possible ou non de la distinction radicale que l’on peut faire entre l’idolâtrie de la représentation et la nudité vive de croire qu’il y ait « quelque chose ou rien ».
« Lecture de ce — Fin Retour — de la même — mais presque autre ».
Ce paradoxe fragile du crime et du serment, s’il témoigne de la « brisure, la moindre, disséminée » d’une « déchirure de nos fibres », laisse planer le doute crucial d’une inconsistance et d’une évasion des correspondances…
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En 1862 Mallarmé traverse un vide de création – « trois mois d’impuissance » – et ressent les effets d’une « stérilité curieuse ». Il écrit un sonnet – Renouveau – pour décrire cet état « c’est-à-dire le maudire ». Dans ces vers le corps ne connaît pas de digue à la douleur, un cercle de fer l’opprime et lui serre le crâne, il tombe en creusant de sa face une fosse. Il lui faut écrire cette alerte dans la langue et c’est le début de ces pages de correspondance où la poésie et la pensée vont soumettre les ténèbres à l’examen de leur secret – « hors la fusion – amplificatrice irruption au trou ». « C’est un genre assez nouveau que cette poésie, où les effets matériels du sang, des nerfs, sont analysés et mêlés aux effets moraux de l’esprit, de l’âme. » Cette écriture il ne sait pas encore si « elle peut représenter quelque chose ».
En avril 1864 il écrit L’Azur, poème qui lui donne « infiniment de mal » car avant de prendre la plume il lui faut « conquérir un moment de lucidité parfaite », terrasser sa « navrante impuissance » d’autant qu’il veut « rester implacablement » dans son sujet ». Dans ce poème « le premier mot outre qu’il tend lui-même à l’effet sert à préparer le dernier ». L’Azur le torture et contredit son idéal de beauté. « L’ennemi est un spectre » – « je souffre de cette cruelle maladie » – « elle confirme mon impuissance ». Il ressent une force inconnue si près de lui qu’elle l’attire aux limites de l’irreprésentable et d’une rupture de langage. Ce délestage à pic du langage ouvre un vide sous chaque page…
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J’ai laissé le nom d’Hérodiade pour bien la différencier de la Salomé je dirai moderne ou exhumée avec son fait divers archaïque – la danse etc, l’isoler comme l’on fait des tableaux solitaires dans le fait même terrible, mystérieux – et faire miroiter ce qui probablement hanta – en apparue avec son attribut – le chef du saint – dût la demoiselle constituer un monstre aux amants vulgaires de la vie –Un fragment seul de ce poème avait été publié – de – à – il était précédé d’une ouverture que je remplace par une autre, en le même sens – et quant au monologue – au pourquoi de la crise indiquée par le morceau – j’avoue que je m’étais arrêté dans ma jeunesse – Je le donne – ce motif tel qu’apparu depuis, m’efforçant de traiter dans le même esprit…
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