David le Breton, professeur de sociologie, a écrit un grand nombre d'ouvrages sur la thématique du corps. Je l'ai découvert dans une émission radiophonique quelques jours à peine avant de recevoir Sourire dans le cadre d'une Masse critique (merci à Babelio et aux Editions Métailié). Je ne le connaissais donc pas au moment de mon choix, seul le titre de son livre avait attiré mon attention. Encore une fois, le "hasard" avait frappé!
Pourquoi cette envie de lire Sourire? Parce que ce qui m'attire chez les autres, ce sont leurs yeux et leur sourire, avant même qu'ils n'ouvrent la bouche. Ils reflètent leur âme et me transmettent des ondes auxquelles je suis très sensible.
Autre argument: le caractère mystérieux du sous-titre (Une anthropologie de l'énigmatique) a achevé de me convaincre que ce livre était pour moi. Quelque soit leur physique, je trouve que les gens qui sourient sont beaux et lumineux. La première phrase qui m'a marquée dans ce livre se situe page 12: "Certaines personnes ont plus de sourire que de visage"; je n'aurais pas su le formuler ainsi, bien que ce soit exactement ce que je pense.
Ce texte est tellement dense que je ne saurais vous le résumer et vous incite à le découvrir par vous-mêmes. Je vous donne seulement quelques pistes.
L'idée majeure est qu'il n'y a pas UN mais DES sourires, avec des significations variables car se produisant dans d'innombrables contextes différents. Un sourire n'est pas transparent et peut exprimer des émotions très variées; il peut être ambivalent et renvoie toujours à un contexte précis.
Ensuite, le sourire n'est pas, selon l'auteur, un sous-rire, contrairement à ce que d'autres penseurs ont pu dire. Il possède sa signification propre... Il ajoute qu'on a des éclats de rire alors que le sourire a un éclat, est éclatant. En effet,
David le Breton dit souvent que le sourire est plus discret, plus pudique, alors que le rire est plus bruyant, plus grossier, inconvenant même, et déforme le visage voire le corps.
Troisième point: le sourire est un fait de communication, il s'adresse à l'autre, même si ailleurs sur la planète, au Japon par exemple, il est de rigueur, c'est une loi de civilité depuis très longtemps.
Non seulement le sourire invite-t-il à l'échange, mais il peut même parfois remplacer les mots quand les choses sont difficiles à dire.
Le rire et le sourire naissent d'une relation à l'autre, ils ne sont pas des réflexes, ils sont une forme de complicité.
Un sujet intéressant mais qui, en ce qui me concerne, a été un peu desservi tout d'abord par une mise en page dense, touffue . Si le texte avait été plus aéré, cela lui aurait conféré une meilleure lisibilité et m'aurait permis de prendre du recul.
Cet essai complexe, voire philosophique, est truffé de références culturelles et artistiques, de points de vue aussi divers que variés, ce qui fait qu'il m'a été un peu difficile de me forger une opinion.
Le vocabulaire utilisé est élaboré, assez technique à l'occasion, ce qui ne facilite pas l'accès à la pensée de l'auteur. Par ailleurs, certaines phrases d'un tout autre style s'égarent dans cet essai, comme pour créer un peu de détente. Exemple, page 147: "Autant sortir un poisson hors de l'eau pour étudier la façon dont il nage en comptant le nombre de ses écailles". Car David le Breton a parfois la dent dure et un ton moqueur en parlant de ses prédécesseurs qui ont étudié le même sujet. Cela m'a gênée car cela n'ajoute rien. de plus, il ne faut pas oublier que la connaissance de ce sujet, comme de tant d'autres, a évolué avec le temps et que toute avancée de la connaissance se construit bien souvent sur le limon déposé par les anciens. Alors n'aurait-il pas pu se contenter ... d'un sourire?