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3,91

sur 340 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En voilà une idée !!!
Paris, hiver 1870...Gla gla gla, déjà, c'était avant le réchauffement climatique...Et le chauffage tout court, on dirait...Bref...
Etienne, un jeune ouvrier révolté (hommage à Zola ? ) arrive à Paris avec juste sa charrette et son barda (une table, notamment...)Et tout seul place Vendôme, voilà qu'il voit pendouiller les tripes à l'air, sur la colonne elle-même, bien scalpé, un jeune homme...Bienvenue à la capitale...Le meurtrier est encore sur les lieux, le darde d'un regard meurtrier, glacial, effrayant, et s'enfuit en oubliant son carnet de notes...Car le meurtrier est un poète...Etienne ramasse le carnet, le met dans le tiroir de sa table, et appelle la police...La police de l'empereur -car c'est encore l'empire pour quelques mois- est, je ne dirais pas incompétente, mais disons empêchée par le régime politique un peu trop autoritaire et corrompu et plus effrayé par les risques de soulèvement populaire que par les serial killers (dans la logique de son intérêt, l'empire me semble avoir raison ...)
C'est un roman policier extrêmement original et plus que ça, mais qui risque de ne pas plaire à certains lecteurs. D'abord on sait tout de suite qui est l'assassin et pourquoi il assassine : c'est un fan de Lautréamont, qui se prend pour Maldoror. Isidore Ducasse est présent dans le livre. de même que Verlaine (hommage), qui apparaît dans un bar au tournant d'une page...On guette Rimbaud, mais il était encore à Charleville à cette date...Moi, ce rassemblement de poètes maudits, ça me plaît...
Ensuite, Hervé le Corre utilise une langue très écrite, à la manière du XIXème siècle, et les dialogues correspondent à l'argot de l'époque, ce qui peut faire reculer. Bon, ça me plaît aussi.
Ce qui est excellent pour tout le monde, par contre, c'est la reconstitution de ce Paris de l'Empire qui va s'effondrer et qui l'ignore. le peuple de Paris gronde sourdement puis sauvagement : un siècle de révolution, et la Commune approche. On comprend qu'elle est possible. La pauvreté règne dans la Capitale. Dans certains passages, on se croirait au Moyen Age, niveau confort...La société est pourrie, elle doit impérativement se renouveler : privilèges, disproportion des richesses, prostitution et avilissement des femmes, corruption, mépris de classe...Autant de maux dont Maldoror et son incarnation fétide, Henri Pujols, ne sont que le reflet, le symptôme...
Un excellent roman, donc, à mon avis. Mais qui pourrait en rebuter certains. Donc à feuilleter d'abord...
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Voici un roman noir historique qui a pour toile de fond le Paris de 1870. Nous sommes dans cette période très agitée à la fin du Second Empire, une fin de règne marquée par des mouvements sociaux de plus en plus forts et réprimés par la force et la violence du pouvoir en place.
Ce décor posé, Hervé le Corre va faire de cette histoire un véritable polar social, à mi-chemin entre le thriller et le roman populaire, prenant fait et cause pour la condition ouvrière de l'époque, faisant ainsi entrer en scène des personnages attachants, mûs par l'entraide et la débrouille, rêvant d'un monde meilleur : Étienne, Garance, Fernand et son épouse Marthe, Alphonse...
Mais venons-en à l'intrigue. Toute son originalité tient au personnage principal, ce serial killer, dont l'identité nous est dévoilée dès les premières pages, un certain Henri Pujols. D'entrée de jeu, l'auteur prend en effet le parti de nous dévoiler son identité et sa personnalité, de nous faire coller au plus près de sa déambulation et de son effroyable folie. C'est un jeu de fuite, de travestissements et de cache-cache auxquels nous livre Hervé le Corre, ce qui n'est pas sans rappeler un certain Hannibal Lecter, dont les points communs peuvent se mesurer au volume d'hémoglobine versé et au raffinement des crimes commis. Lecteurs sensibles, s'abstenir ! Bon, me direz-vous, où se situe donc l'originalité de ce serial killer dans tout ceci ? Dans la sauvagerie des meurtres qu'il commet, Hervé Pujols est animé d'une sorte de pulsion créatrice, se sentant persuadé que son destin est de servir le génie d'un poète injustement méconnu à ses yeux, Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont et de mettre en scène son oeuvre sulfureuse : les chants de Maldoror. Au début du roman, les deux hommes sont épris d'amitié, voire même plus. Sans dévoiler l'intrigue, il y a alors un tournant dans le roman qui n'est pas sans nous rappeler le mythe de Frankenstein où ici aussi le créateur se sent brusquement dépassé par l'effet de l'oeuvre qu'il a produite.
Et la police ? Mais que fait la police dans tout ça ? La police, au service d'un pouvoir qui perd pied, est corrompue. Parfois on se demande de quel côté se situe la racaille. Et cela ne sert pas l'enquête. Un flic atypique, donc intègre (je m'exprime bien sûr ici toujours dans le contexte historique !) l'inspecteur Létamendia tout droit venu de son pays basque natal, va à son tour entrer en scène...
Mais revenons au contexte qui fait côtoyer des personnages ordinaires avec la Grande Histoire, dans une fin de Second Empire à l'agonie. Telle une tragédie grecque, la trajectoire du meurtrier va lier d'une amitié indéfectible Étienne, Fernand, Alphonse et les autres et les propulser à la fois au coeur de l'intrigue et dans les agitations sociales qui seront réprimées de manière sanglante. Au loin, se profilent déjà les événements de la Commune de Paris. On aperçoit d'ailleurs brièvement Louise Michel au cours d'une réunion politique.
Il y a aussi la prostitution et ce beau personnage de Sylvie, alias Clarisse qui ne rêve que d'échapper à sa sordide condition afin de pouvoir élever dignement sa fille.
Sans être Zola, Hervé le Corre nous livre, dans ce roman foisonnant, le réalisme d'un contexte social peint avec beaucoup de détails. Il se trouve que, dans le même temps, par un hasard étrange (mais est-ce vraiment le hasard qui nous conduit dans le choix de nos lectures ?... Mais je m'égare...), je lisais en parallèle le premier volume de l'oeuvre des Rougon-Macquart, " La Fortune des Rougon ", dont le décor se situe, quant à lui, aux prémices de cette même période du Seconde Empire, non moins violente.
Alors, me demanderez-vous ? Vous avez donc aimé totalement ce roman ? Je dois avouer que j'ai été emporté par l'intrigue, les rebondissements, mais aussi par le réalisme social qui donne de l'épaisseur à ce roman volumineux (503 pages). Je reprocherai à l'auteur d'en faire parfois un peu trop à certains endroits. Certains personnages sont un peu trop caricaturaux : le flic pourri, la tenancière de bordel gouailleuse, le titi parisien,... le style peut paraître inégal quand certaines phrases deviennent excessivement lyriques, alors que deux pages auparavant nous étions plongés dans l'argot des parigots... Enfin, je ne sais ce qu'il faut penser lorsqu'un auteur s'arrange avec l'histoire de personnages qui ont réellement existé en les plongeant dans une oeuvre romanesque. Je pense bien sûr ici au Comte de Lautréamont et son improbable rencontre avec le serial killer... D'autres l'ont fait avant lui et c'est un procédé de style parfois osé. Je pense qu'il sent sort plutôt bien sur ce coup-là. Mais tout ceci est secondaire face à la singularité du roman et à sa richesse. Et je ne peux que saluer le travail très documenté...
Je ne vous ai pas dit la signification du titre... À vous de chercher...
Il s'agissait de mes premiers pas dans l'oeuvre d'Hervé le Corre et cela m'a donné envie de poursuivre en direction de cet auteur. Il m'a permis aussi d'écrire ici sur le site de Babelio ma première critique et j'espère que c'est un long chemin qui commence...
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Âmes sensibles, accrochez-vous, mais le roman en vaut la peine …
Voici le préquel du dernier livre d'Hervé le Corre «Dans l'ombre du brasier» qui m'a fait découvrir récemment cet auteur majeur de polars noirs.
Henri Pujol, le géant à l'accent rocailleux de Toulouse, en est le principal personnage et fait le lien entre deux épisodes qui se situent à la toute fin du Second Empire, quelques mois avant le vote du dernier sénatus-consulte de mai 1870 qui consacre la transformation libérale et parlementaire du régime à bout de souffle de Napoléon III.
Un vieux monde en déliquescence, où les Messieurs très "comme il faut" vont finir leur soirée au bordel, les artisans et ouvriers épuisés s'affaler au comptoir de bistrots enfumés, où les argousins s'infiltrent dans les tavernes pour démasquer les adeptes de l'Internationale … il faut dire qu'à part les informations fournies par les indicateurs, la police n'a pas beaucoup d'outils fiables pour traquer les assassins.
Dans ce Paris des Impressionnistes et de Zola, un éventreur est à la manoeuvre. Il tranche ses victimes de bas en haut, des jeunes hommes à l'ample chevelure blonde, les ouvrant du pubis au sternum, puis les scalpe et leur glisse au fond de la gorge un petit crabe mou ... Il met en scène de façon spectaculaire ces crimes atroces qui correspondent à l'oeuvre d'un jeune poète inconnu dont il est éperdu d'amour et d'admiration : un certain Isidore Ducasse, rencontré à Bordeaux, et qui n'a pas encore publié son premier recueil de poèmes surréalistes et sanglants : Les chants de Maldoror.
Pour le Chef de la Sureté, cette série de meurtres effrayants commence à poser problème. Il compte sur la sagacité d'un jeune inspecteur plutôt moins corrompu que la plupart des argousins, François Latamendia. Et sur l'honnêteté d'Etienne, un jeune ouvrier tourangeau monté à Paris qui a aperçu l'effrayant criminel.
Dans un style étincelant, une langue imagée, avec la description haletante de luttes farouches, les décors fangeux des caniveaux glissants des bas-fonds, à travers le parfum suave mêlé de sueur du salon de la maison close, Hervé le Corre ne cache pas son inclination pour la lutte sans pitié que se livrent les nantis et les exploités qui vont très bientôt se soulever dans l'épisode sanglant de la Commune.
C'est un combat qui, pour les survivants, débouchera sur l'institution de la République … mais pas vraiment sur l'allègement de la situation des travailleurs. Mais l'espoir fait vivre !
Une remarque : je n'ai pas bien compris la signification du titre ... mais quelque chose m'a peut-être échappé.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Ce roman nous plonge à Paris en 1870, le Paris de l'Assommoir de Zola, pas celui des nouveaux quartiers reconstruits par Haussmann. Un Paris sombre, ouvrier, violent, où règnent l'alcool, la prostitution, les biffins et où on on évite une police plus maltraitante et corrompue qu'autre chose.
Ajoutez à cela un tueur aux goûts littéraires malsains, qui commet des crimes sauvages, voilà le point de départ.
Ce livre d'Hervé le Corre est pesant, violent, mais animé d'un souffle formidable, la puissance du récit est impressionnante. le Paris ouvrier et celui des bas-fonds est magnifiquement campé et même si des scènes et des descriptions terribles se succèdent, on voit aussi comment certains ouvriers parisiens s'organisent et décident de résister. Il reste toujours quelque part une petite note qui refuse de se taire, histoire de ne pas désespérer complètement.
A lire, si toutefois les scènes violentes ne vous rebutent pas trop, car elles sont nombreuses...
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— Gamin ! Gamin ! Reviens gamin, c'est pour rire ! ("C'est arrivé près de chez vous" – extrait)

Moi j'aurais tendance à dire "Cours, gamin, cours" (Forrest Gump) car l'homme qui arrive derrière toi va te tuer parce que tu es blond…

Un assassin qui tue les blonds ? Gad Elmaleh, sans aucun doute.

Paris, en 1870, une époque trouble, des grèves, des ouvriers qui grognent, des socialistes – des vrais ! – qui émergent et un tueur en série qui joue du couteau sur les blondins, les éventrant et mettant en scène leur mort.

Ne cherchez plus l'identité du coupable, c'est Hervé Pujols. Poirot et Holmes peuvent aller se rhabiller car nous sommes dans un scénario à la Columbo : nous connaissons l'identité du coupable dès le départ, le but sera de mettre la main dessus (ou pas ?).

Copiant l'oeuvre non publiée de son ami Isidore Ducasse, les “Chants de Maldoror” que ce dernier a écrite sous le nom du Comte de Lautréamont, l'assassin sème des cadavres à tous vents et si la police est sur les dents, en fait, elle n'est nulle part car pour un inspecteur qui se casse le cul, les autres s'en foutent royalement car la police est corrompue jusqu'à la moelle (ou la bite, pour certains).

Connaître l'identité du tueur ne fut pas une entrave au suspense ou au mystère car c'est avant tout le portrait de la ville de Paris en 1870 qui est tiré et il n'est pas joli à voir. Oublions les cartes postales, on patauge dans le prolétariat, ici.

Ce roman policier historique est aussi un roman noir puisque le côté social est présent. La société ouvrière est mise en avant, bien décrite dans ses misères, ses rêves, ses combats, on a la montée du socialisme, le ras-le-bol de Napoléon III et l'envie folle d'une République.

Oublions les beaux quartiers, nous allons nous encanailler dans les caboulots (des caberdouches si nous étions à Bruxelles), éclusant des bocks de mauvaise bière, nous arpenterons les ruelles sombres, celles des bas-fonds, nous mettrons aussi les pieds dans un bordel avec tout son cortège de pauvres filles tenues de rembourser des dettes à leur proxénète ou à la mère maquerelle.

L'exploitation de l'Homme par l'Homme, une fois de plus. Profitant de la misère et du besoin impérieux d'argent de tous ces crèves-la-faim qui sont venus à Paris et qui ont une famille à nourrir, les patrons ne se privent pas d'exploiter ces esclaves taillables et corvéables à merci.

Dans ce roman qui se dévore, le lecteur aura le plaisir de suivre plusieurs personnages dont certains seront des plus sympathiques.

Autant où j'ai bien aimé l'inspecteur basque (celui qui est intègre et qui bosse), autant où j'ai eu le coup de coeur pour Étienne et Fernand, ces deux ouvriers que la vie n'a pas épargnée. Leurs portraits sont des plus réalistes et il est difficile de ne pas s'attacher à eux.

Un roman policier noir et historique très bien construit, qui a du Zola dans ses pages ainsi que du Victor Hugo tant la misère des prolétaires est présente et que Paris a des airs d'une ville moyenâgeuse.

Un polar avec un serial-killer datant d'avant Jack The Ripper et qui est tout aussi violent que lui. Un polar noir, sombre, sanglant mais la plume gouailleuse de l'auteur, qui mêle l'argot de Paris dans les dialogues pour leur donner plus de vie, emporte le lecteur dans une autre époque et le voyage, s'il n'est pas de tout repos, est instructif et addictif.

Anybref, que les amateurs de Bisounours passent leur chemin…

Merci à ma copinaute Bianca qui m'a proposé cette LC. le roman traînait dans ma biblio depuis novembre 2013, ticket de caisse coincé dedans comme preuve. Comme moi, elle a aimé sa lecture.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Paris 1870, un tueur en série s'appuie sur les écrits de son ami poéte Isodore Ducasse pour mettre en scène ses forfaits criminels. Contrairement au polar classique où l'assassin n'est dévoilé qu'à la fin, on le connaît dés le début et il nous associe au déroulement de sa psychose délirante basée sur les chants de Maldoror de Lautréamont. le contexte historique est parfaitement mis en valeur, ainsi que la description de la classe ouvrière avec des personnages superbement incarnés et entre autres (Etienne, l'ouvrier républicain révolté et sylvie, la prostituée digne). L'écriture forte et addictive aurait toute fois gagnée à être un plus condensée pour raccourcir la taille de l'ouvrage.
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Monstrueux. Monstrueusement bien écrit. Voilà de prime abord ce qui apparait en refermant la dernière page de ce roman. Pas la peine d'évoquer en sous-main le squelette du récit, la trame est déjà exposée ci et là. Non il s'agit d'invoquer l'attention, de distiller l'envie comme on embrasserait de joie les passants au matin rougeoyant d'un armistice.
Je crois que j'aime Garance comme j'ai aimé Natacha dans Guerre et Paix. Je crois que j'aime Étienne comme j'aime Lantier. L'inspecteur Letamendia est rentré dans ma vie avec son honnêteté paysanne de la même manière qu'un personnage De Ponson du Terrail. Et ce Paris ? Ce Paris qui n'est plus une ville, mais une chimère, aux odeurs rampantes entre les jambes, aux faces sombres, aux amitiés bruyantes, riantes autour d'un pichet, s'apostrophant à grand coup d'accolade au cul des calèches. Ce Paris éclairé de bec de gaz sous lesquelles s'embrassent les amoureux et sous lesquelles la misère ce monnaie, est un être mythologique.
Que dire de cette plongée en eau profonde dans les estaminets où s'abreuvent l'ouvrier et le forçat ? Et puis il y a ce se salaud magnifique. Ce Pujols. Quelle formidable créature. Quelle bête. Jusqu'à l'excès forcément.
Oui voilà du roman. Voilà de la littérature. Elle s'enorgueillie d'être humble, puisqu'elle se cache la coquine derrière le paravent d'un genre. Mais quel dommage, oui quel dommage le genre. le genre parfois classe, hiérarchise, catégorise. Quel dommage que ce roman soit ainsi classé simplement en tant que polar noir. Il s'agit ici de littérature. Non point d'une simple bavure baveuse le long d'un canal carpien. C'est l'écriture toute entière qui sculpte à même la phrase ses lettres de noblesse. L'imagerie déployé est colossale. L'argenterie des odeurs, du langage s'accouple à une syntaxe qui a l'honneur d'épouser le propos. le mot devient argotique non point par style mais pour imposer l'époque. C'est fulgurant. le pouls palpite. le coeur dans les yeux pulse vers le verbe qui brûle la peau. L'émotion se diffuse en gnôle de contrebande. Et les détails, toujours justes, jamais en excroissances, complètent une ambiance, installe une scène.
J'en veux aux éditions Rivage, ils sont mous de la périphrase, ils sont constipés de l'emphase, alors j'sais l'emphase peut tuer l'envie. A trop vouloir vendre son poulain on dégoute le chaland. Mais lorsqu'il s'agit de mettre en avant un texte, un style, on n'y va pas à tâtons voyons.
Faites-vous votre propre idée. Quatrième de couverture ; “ Auteur confirmé, Herve le Corre signe avec ce cinquième roman un livre très original, tant par son intrigue que par son style”. Mais qui a pondu cette appréciation ? Quelqu'un que n'a pas lu ce roman à n'en pas douté. Il l'a écrit en fin de semaine, épuisé de labeur, sans envie, le coude sur la table, en rêvant à son week-end ? Il a fait défaut à l'auteur. Il lui a tiré une balle dans le dos. Il faut avoir l'imagination infertile, ne rien connaitre en matière de style pour mettre au pilori ainsi ce qui jaillit fécond de sous la paume calleuse de le Corre.
J'ose l'affirmer, le Corre, si la chance le guette au coin d'une rue malfamée, aura son Goncourt comme Pierre Lemaitre l'a eu, lui qui un jour est sortie de la fange du genre, pour imposer son genre. Et encore le Goncourt n'est rien. Les prix ne faisant point naitre la qualité. On le sait bien. Mais là, si jamais le gus continue sur sa lancée de torpilleur, il pourrait bien finir par faire mouche un jour ou l'autre en dehors du quai des orfèvres. Et alors la maréchaussée n'aura qu'à claquer du talon, devant son enfant devenu grand.
Après petit bémol. Ni l'histoire, ni le titre et bien peu la quatrième de couverture ne m'ont donné envie d'ouvrir ce livre. L'homme aux lèvres de saphir. Bof. La quatrième de couverture. Pas très motivant tout ça. Il a fallu que je tombe sur vos critiques les amis pour me convaincre, pour que ce livre arrivé par hasard entre mes mains n'en reparte pas en soldat inconnu.
Au final, il a été reconnu ce livre. Il a bien eu un prix. le Corre est un auteur confirmé.
Mais voilà. Tout ça se noie sous le volume. Tellement de livres qu'ils sont rares à sortir de la fange où s'entasse les merveilles oubliées. Notre époque se noie sous la profusion et dans le lot, passe des perles où le mot est capable de refleurir l'envie.
Le Corre n'a pas écrit un polar. Ceci n'est pas qu'un livre. Et c'est encore moins un simple roman. Il s'accoquine avec les hauteurs. Il s'approche de ceux qu'Alzheimer ne peut effacer.
Il a fait oeuvre de mémoire en déployant sa plume... Et on referme son oeuvre en se disant, chapeau bas, l'artiste…

Voilà un extrait parmi tant d'autres, tant de passages où la bravoure s'accoquine à l'aventure du mot que le choix est malaisé…

“ …Garance trépigne, tape du pied en cadence, sourit à cette foule démente, enfonce dans le bras d'Étienne ses petits doigts énervés. On voit passer au-dessus de cette mer de têtes des plateaux chargés de verres, de bocks, de bouteilles, d'assiettes, tenus fermement à bout de bras malgré le sévère tangage, ballottés comme coquilles de noix dans un ouragan et l'on craint à tout moment le naufrage, le fracassement sur quelque récif, le coup en vache d'une lame de fond levée par la musique, le tourbillon fatal, le récif qui tue, mais non, car l'esquif toujours arrive à bon port et ne repart jamais à vide après avoir déchargé. Étienne suit du regard une robuste serveuse à la proue agressive capable de briser toutes déferlantes, puissante comme un steamer cuirassé, qui fend le flot des bringueurs en cornant d'une voix tonitruante, sirène pachyderme, un plateau sur chaque main. On se pousse quand elle appareille, elle tire des bords sans prévenir et bouscule le populo qui rigole…”

Vous percevez cette musicalité ? Cette impression d'urgence, le mot ciselé ?

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Je me suis hâté de terminer les cent dernières pages de suspense du roman de Hervé le Corre « L'homme aux lèvres de saphir ». L'intrigue nous plonge dans le Paris ouvrier et révolté des années 1870. Un assassin, inspiré par les Chants de Maldoror de Lautréamont, commet des meurtres horribles. le témoin d'un de ses crimes et un jeune policier futé tentent de le démasquer.
Outre le mobile littéraire singulier (comme dans le Nom de la Rose d'Umberto Eco), l'intrigue policière est bien structurée et le dénouement, haletant. L'auteur use de fausses pistes, en abusant le lecteur par l'absence de repères temporels. J'ai regretté que l'identité de l'assassin soit révélée rapidement, car l'auteur nous le montre comme un tueur rusé et une menace pour les braves gens. le contexte historique n'est pas seulement un décor sombre. Les principaux personnages se retrouvent au milieu des barricades. le style, pas toujours fluide, parsemé d'innombrables comparaisons et de métaphores inventives, dépeint un monde sale, lugubre, crû et cruel. Au milieu de la pauvreté matérielle et de la bassesse humaine, parfois, un acte de générosité ou de courage des protagonistes donne un petite lueur d'espoir.
Pour qui aime les polars glauques, je le recommande.
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En construisant un roman autour d 'un personnage animé du projet délétère de concrétiser les crimes abominables de Maldoror, Hervé le Corre va au-delà de l'exercice de style de transposition des Chants dans le monde du polar.

En effet, tout au long de son récit à mi-chemin entre le roman historique et le roman noir, Hervé le Corre fait montre d'une parfaite compréhension de l'oeuvre complète d'Isidore Ducasse.

Car si Isidore Ducasse est surtout connu pour ses sulfureux Chants de Maldoror qui laissèrent pantois d'admiration les Surréalistes, il a également publié des Poésies écrites à l'aide d'une encre diluée dans l'eau bénite qui semblent aux antipodes de la prose maléfique du Comte de Lautréamont.

Les universitaires en s'appuyant sur la correspondance de l'auteur voient dans cette contradiction apparente plutôt la preuve qu'Isidore Ducasse cherchait à faire désirer le bien en présentant le mal absolu.

Tout au long de la traque que mène l'atypique inspecteur Latamendia pour retrouver ce mystérieux meurtrier à l'accent méridional, Hervé le Corre distille de pages en pages sa propre vision du mal absolu : le machisme, l'ignorance, l'exploitation, la misère, la guerre et surtout la tyrannie d'un Président élu devenu Empereur après un coup d'Etat..


Au fur et à mesure que l'on découvre le quotidien d'Alphonse, Marthe, Fernand, Garance et Etienne s'expose à peine voilée par les crimes odieux de Pujols, une défense et illustration de la cause de la classe ouvrière."Sans fadaise ni fausse honte" pour citer Verlaine, sans manichéisme ni angélisme, Hervé le Corre décrit le poids de l'oppression patronale et impériale qui pousse certains à la rapine ou à la prostitution mais un poids contrebalancé par la solidarité active entre les plus pauvres pour partager le peu qu'ils possèdent quand l'un d'entre eux sombre encore plus bas. L'avidité de certains qui n'hésitent pas à suriner de-ci, de-là pour améliorer l'ordinaire mais aussi la fraternité au sein des cellules socialistes de l'époque, les rêves d'un monde meilleur.


Des ouvriers qui chaque jour doivent lutter contre la fatigue, "cette chienne que les patrons leur lâchent aux basques après les heures de travail pour surveiller qu'ils ne feront rien d'autres que reconstituer leurs forces pour le lendemain" et qui "est assise à leurs pieds et gronde en montrant les crocs dès qu'ils essaient de bouger."


L'inspecteur Latamendia a du mal à supporter les priorités de sa hiérarchie omnubilée par la répression des émeutes qui suivent l'annonce des résultats du plébescite de Napoléon III car "il sent bien, à force, que c'est toujours sur les mêmes que s'acharne le mauvais sort, et qu'ils ont le dos bien large et bien pratique pour qu'on leur tombe dessus et que dorme le bourgeois. Il se doute un peu, lui le flicard intègre, obscur gardien de l'ordre, qu'à faire vivre des hommes comme des chiens, ronfler dans des taudis grouillants de puces et de punaises, s'échiner aux usines douze heures par jour, leurs petits jetés dans la fureur des ateliers dès qu'ils se mouchent tout seuls, on ne saurait attendre d'eux des civilités de salon, ou des colères contenues dans le cristal de la politesse, ce bibelot délicat qu'on s'échange entre gens bien."


Les Socialistes que décrit Hervé le Corre ne sont pas englués dans les manoeuvres d'appareil pour savoir s'ils doivent s'allier ou non au Centre droit. Ils sont déterminés à lutter au péril de leur vie pour des lendemains qui chantent et à déclarer Paris Commune Libre.


Lien : http://muet-comme-un-carpe-d..
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Un très bon roman noir historique qui m'a complètement emballé. Je trouve que le seul défaut de ce roman, c'est la couverture que je trouve froide, austère alors que le récit regorge de chaleur, de passion et de haine. Un roman très charnel, et quel écriture! On pense immédiatement à Zola, dès la 1ère page, épique !
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