AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782895961833
279 pages
Lux Canada (30/11/-1)
5/5   1 notes
Résumé :
Qui, en dehors d’Haïti, a déjà entendu parler de la bataille de Vertières, point d’aboutissement de la guerre d’indépendance haïtienne? Qui sait que cet affrontement s’est soldé, en 1803, par l’une des pires défaites napoléoniennes? Que les Noirs s’y réclamaient des idéaux de la Révolution? Pourtant, cette bataille aurait dû faire date : son issue, désastreuse pour la puissance coloniale française, allait fissurer de manière irrémédiable les assises de l’esclavage.<... >Voir plus
Que lire après L'armée indigèneVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Haïti ne fait qu'accomplir à Vertières le rêve avorté de la République française, celui de la réalisation des droits de l'homme, par-delà les conflits raciaux et l'esclavage. » Enquête sur une bataille méconnue au cours de laquelle les anciens esclaves se réclamèrent des idéaux de la Révolution française et infligèrent à Napoléon et à son armée coloniale, leur plus cuisante défaite.
(...)
Remarquable contribution à une histoire occultée, à une mémoire amputée.

Article complet sur le blog :
Lien : http://bibliothequefahrenhei..
Commenter  J’apprécie          233
Une bataille comme dérèglement absolu, impensable et donc impensé

Comme l'indique Lyonel Trouillot dans sa préface, « il ne suffit pas à l'évènement d'avoir eu lieu pour s'inscrire dans la mémoire, il faut aussi qu'un pouvoir l'institue, le valorise ». Or l'histoire écrite par les dominants, jusque dans leurs défaites, est toujours une histoire déformée, mythifiée, unilatérale. le préfacier parle de « l'Histoire rédigée du lieu de la Bibliothèque coloniale ». Et dans cette histoire « Vertières n'existe pas ». Il ajoute : « parler de Vertières, c'est d'abord parler de la violence révolutionnaire en tant que réponse à la violence coloniale ».

Vertières est peut-être une défaite pour Napoléon, les institutions françaises, le colonialisme, elle ne saurait être une défaite pour les français-e-s. C'est plutôt une victoire du point de vue de l'émancipation…

Le préfacier ajoute : « L'honnêteté de ce livre, son insolence, est d'explorer non seulement le silence de l'historiographie et de la société françaises sur Vertières, mais aussi les démêlés des couches dominantes haïtiennes avec un repère symbolique qu'elles hésitèrent longtemps à sacraliser ».



Dans son avant-propos, Jean-Pierre le Glaunec écrit que l'affrontement entre l'armée des haïtiens et l'armée napoléonienne « a fissuré pour la première fois les assises d'un monde de terreur où le corps noir était perçu comme une simple marchandise »…

Que les soldats haïtiens aient ou non repris la Marseillaise, Aux armes citoyens !, la stupeur change de camp, la légitimité du combat aussi…

L'auteur parle des écritures réductrices de l'histoire, d'instrumentalisation de « l'identité française », de roman national (voir par exemple sur ce sujet : Suzanne Citron : le mythe national, L'histoire de France revisitée, Éditions de l'Atelier 2008). Il indique, qu'aujourd'hui, la bataille de Vertières est « à la fois un rappel des luttes et des victoires passées et un symbole des luttes présentes et à venir des citoyens haïtiens, et des peuples noirs en général ».

Une bataille. Mais il faut en comprendre l'insertion historique, les acteurs. Il faut analyser l'enfouissement, le silence construit des uns, « le long processus de sédimentation », « la fossilisation narrative » pour d'autres. L'auteur présente donc le contexte avant de suivre les traces et les résonances de cet évènement.

La France et sa dimension coloniale et transatlantique. Les Blancs, les libres de couleur, les esclaves, l'économie de plantation. 1791 et l'abolition de l'esclavage. Les luttes des esclaves permettent de « repenser radicalement le sens à donner au mot liberté ». Au passage, l'auteur discute aussi de l'anachronisme en histoire. Tout en partageant ce qu'il écrit, je garde une certaine prudence, car l'anachronisme n'est pas toujours là où les historien-ne-s le dénoncent, (voir par exemple, le récent livre de Louis Sala-Molins : Esclavage Réparation. Les lumières des capucins et les lueurs des pharisiens, Editions Lignes 2014)

« Si la bataille de Vertières est bien une conclusion, cependant, et l'aboutissement d'une longue composition aux notes tour à tour graves et stridentes, amorcée en 1789, on ne peut pour autant la confiner au statut de simple épilogue. Il s'agit d'un évènement à part entière qui demande à être reconstitué dans ses multiples dimensions ». Jean-Pierre le Glaunec tente donc une reconstitution et recherche les traces effacées. Il souligne que « le racisme colonial s'inscrit en filigrane dans chacun des documents mis à ma disposition ». L'auteur revient sur cette « oeuvre de pacification », cache-sexe du racisme, de la violence, du déni des droits, de la réalité coloniale… Il parle d'effacement des traces, de pistes brouillées, de « stratégie visant à gommer le plus possible la défaite de Vertières », cette bataille ne « cadrant » pas avec l'histoire officielle de la France…

Et au long des années, toujours le même silence, « aucune mention faite de l'histoire de l'esclavage en Haïti et du rôle des esclaves dans la Révolution et la lutte pour l'indépendance ». Les historiens officiels parlent des maladies décimant l'armée napoléonienne… En vérité il s'agit bien d'un refus du « face-à-face radical, effroyable et soudain avec l'envers de la relation coloniale »,

Retournons en arrière, au temps de l'inouï. La peur aussi, celle de la « disparition de l'homme blanc », d'où la violence, la tentation génocidaire, le discrédit de l'idée révolutionnaire présentée comme terreur, le conflit « comme une guerre bidimensionnelle : au plus près du corps noir d'abord, contre la mémoire ensuite »…

En Haïti aussi, la construction de cette histoire ne fut pas linéaire. Jean-Pierre le Glaunec en détaille les épisodes en les contextualisant avec d'autres évènements socio-politiques. Les nationalismes dominés peinent à trouver leur légitimité. Sans oublier les instrumentalisations comme au temps de la dictature Duvalier.

Le livre se termine par un court et beau chapitre sur le reste d'une statue, la tête de Capois-la-mort. Un cri, demandant « à être entendu hors du réduit ou il est enfermé »…

Nous n'en avons pas fini avec les histoires nationales tronquées, avec « des silences et des murmures qui forment la trame de ce livre »
Lien : https://entreleslignesentrel..
Commenter  J’apprécie          00


critiques presse (1)
LActualite
15 septembre 2014
Au-delà du décompte des morts (astronomique) et de la description des cruautés perpétrées, Le Glaunec propose une manière féconde d’interroger l’histoire coloniale.
Lire la critique sur le site : LActualite
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Si la bataille de Vertières est bien une conclusion, cependant, et l’aboutissement d’une longue composition aux notes tour à tour graves et stridentes, amorcée en 1789, on ne peut pour autant la confiner au statut de simple épilogue. Il s’agit d’un évènement à part entière qui demande à être reconstitué dans ses multiples dimensions
Commenter  J’apprécie          140
S’il n'y a pas eu en apparence de génocide orchestré par les hauts dirigeants français, on a certainement assisté à l'émergence d'un désir génocidaire chez ceux qui avaient le mandat de rétablir l'ordre sur le terrain, loin des cabinets feutrés des ministres napoléoniens.
Commenter  J’apprécie          112
Haïti ne fait qu'accomplir à Vertières le rêve avorté de la République française, celui de la réalisation des droits de l’homme, par-delà les conflits raciaux et l’esclavage. 
Commenter  J’apprécie          100
D'anciens esclaves aux héritages culturels divers – la plupart sont africains, d'autres sont nés à Saint-Domingue ou ailleurs dans le monde caribéen – se seraient approprié l’hymne national républicain au moment même où Napoléon le mettait sous surveillance en raison de sa symbolique subversive. L'ironie est grande. “Allons enfants de la patrie“, “Aux armes citoyens“, “qu’un sang impur abreuve nos sillons“ : on peut en effet imaginer la stupeur des soldats napoléoniens soudainement conscient que le “sang impur“ de la chanson révolutionnaire est le leur et que leur combat est tout sauf légitime.
Commenter  J’apprécie          12
L'enjeu se résume à la nécessité de pouvoir contrôler, de nouveau, in fine, le corps des Noirs. Le fouetter, le mutiler, le désirer, le violer, le faire travailler. Pour cela, il faut lui faire peur, le désarmer et l'humilier, et lui faire oublier son droit à la liberté, à la citoyenneté et à la vie. Et devant l'impossibilité de contrôler le corps des Noirs et d'effacer les mémoires, l'extermination apparaît comme la seule solution.
Commenter  J’apprécie          10

autres livres classés : haïtiVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Autres livres de Jean-Pierre Le Glaunec (1) Voir plus

Lecteurs (12) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3179 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}