Ce livre a beau être petit, il n'en possède pas moins un riche contenu car l'éditeur ne sait pas contenté de publier simplement cette novella d'
Ursula K. le Guin. En effet, on y retrouve également quelques-uns de ses poèmes, une longue interview de l'autrice, un extrait biographique ou encore une analyse de certaines de ses oeuvres. Au vu de cette richesse, on peut clairement parler de guide ici puisqu'il permet d'apprécier l'ensemble du travail d'
Ursula K. le Guin et même de tracer des pistes de lectures.
Mais revenons à sa novella, La Fille Feu Follet qui nous conte le destin de deux soeurs. Capturées lors d'un raid et rebaptisées Modh et Mal par leurs ravisseurs, les deux soeurs sont contraintes de vivre dans la Cité. Devenues esclaves, elles grandissent dans ce monde qu'elles ne comprennent pas car trop éloigné des traditions de leur tribu nomade. Enlevées pour leur beauté, elles sont destinées à devenir les épouses des hommes de la Couronne. Si Modh a su s'adapter à la situation, Mal, elle, l'exècre. Alors maintenant que son tour est venu d'épouser l'un de ces hommes, que va-t-elle faire ?
La féérie de ce court texte s'inscrit dans la grâce et l'évanescence de ces femmes-poussière qui subjuguent les hommes de la Cité, voyant en elles l'incarnation de véritables fées. Néanmoins, ce recours au merveilleux permet à Ursula K. le Guin de mettre en exergue la condition féminine simplement reléguée au rang d'objets de désir ou de monnaie d'échange. C'est aussi une manière pour l'autrice de parler d'esclavage, de trafic d'êtres humains ou de traite des blanches. Sans compter qu'avec un père anthropologue, elle a une conscience aiguë des ravages que la conquête de l'Ouest a fait sur la population autochtone. Or, l'image de ces hommes de la Couronne qui n'hésitent pas à bafouer un autre peuple, en le volant, en tuant ces hommes et en s'appropriant ces femmes et ces enfants lui sert de prisme pour évoquer les exactions perpétrées par un peuple lorsqu'il est en conquête.
La Fille Feu Follet est véritablement un texte bouleversant qui ne laisse aucunement indifférent. La plume d'
Ursula K. le Guin y est habile pour mettre des mots sur les maux qui rongent les civilisations depuis des temps anciens.
En prose ou en vers,
Ursula K. le Guin est une véritable poétesse qui aime autant jouer avec les mots qu'avec les âmes. Passeuse d'idées, elle a mis un point d'honneur à mettre en garde contre ce capitalisme ultralibérale qui déshumanise toujours un peu plus la société au profit de l'argent. Elle pointait déjà ce consumérisme exacerbé, invisibilisant la qualité, à l'image de ce marketing agressif dont les gros éditeurs usent et abusent pour mettre en valeur des textes insipides maintenant ainsi les gens dans la médiocrité au détriment d'une production de qualité, porteuse d'une pensée innovante mais sans doute un peu trop dérangeante.
A l'heure de Netflix & co,
Ursula K. le Guin nous rappelle l'importance et même la nécessité de ne pas se laisser déborder par ces activités chronophages au détriment de la lecture car lire, c'est s'ouvrir au monde et à la compréhension de l'autre. Alors que les États-Unis luttent contre ce phénomène depuis bien longtemps, comme elle aime nous le rappeler dans ses écrits, quand est-il du reste du monde maintenant que les plateformes streaming ont envahi notre quotidien ?
Suite sur Fantasy à la Carte.
Lien :
https://fantasyalacarte.blog..