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EAN : 9782245008690
214 pages
Le Livre de Paris-Hachette (30/11/-1)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Un père militaire de carrière, au regard triste et doux. Une mère trop belle, aux yeux trop verts. Cinq petites filles. Des villes de garnison. Et puis un jour le père accepte un poste d'enseignant à Versailles. Une HLM de banlieue, des dettes...
Heureusement il y a l'inlassable tendresse de ce père qui veille à tout - aux leçons, aux goûters -, qui nomme les fleurs, les arbres... Il y a encore l'amour que lui voue la petite Anne, amour timide, silencieux.>Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Une lecture qui nous laisse avec la gorge serrée, l'émotion et la beauté du style ne font qu'amplifier cet étrange sentiment. C'est un livre court, mais intense, peut-être un peu atténué avec le temps, mais il n'en reste pas moins un grand moment de lecture, même si ce genre de livre ne semble pas faire partie de l'élite littéraire, Françoise Lefèvre nous ouvre une parenthèse particulière dans notre univers livresque. Un style empreint de poésie, de douceur et de tendresse, mettant en avant l'intime.

Au coeur de famille explose la douleur, la déchirure, l'amour, les enfants spectateurs de cette mauvaise scène de la vie, et le père la victime. Un retour pour comprendre ce geste, comprendre et accepter l'échec sans autre issue d'en finir.

La beauté de cette femme, l'ennui d'une mère au foyer, la fatigue et la routine ont eu raison de sa patience, et sa soif de vivre. Dans le silence des habitudes se trame la tragédie de l'instant.

Page8 : Parfois le visage de ma mère apparaissait dans le cadre de la fenêtre. elle se penchait, fraîche fardée, se crinière brune rejetée en arrière. Victorieuse. Son regard d'eau verte plongeait dans le dos de mon père. Elle l'observait. ainsi accoudée à la fenêtre, elle avait la grâce de ces grands fauves qui savent attendre, tapis dans l'ombre, que vienne l'heure.

Page 15 : Je l'entendais surtout quand j'étais seule sur la route, qu'il y avait du vent et un ciel étoilé. Par les jours de grands orages, je percevais des brides de phrases, des balbutiements, d'étranges paroles qui m'arrivaient déformées par les rafales de vent. On eût dit qu'une voix de géant me parvenait après avoir traversé les mers et les montagnes. J'entendais ses paroles filtrées comme au travers de l'eau ou comme l'écho sortant des profondeurs de grottes oubliées ou de cavernes.

Dans la tranquillité d'un dimanche, cette bulle de quiétude explose par une fausse note, comme un grand boom dans cette famille aux apparences normales.

Page 19 : Nous étions tous à table. C'était à la fin d'un déjeuner du dimanche. Ce jour-là mon père préparait lui-même le café. C'était une des choses qu'il aimait le mieux faire. Tandis qu'il en versait une tasse à ma mère, nous les cinq filles nous commençâmes à débarrasser la table . Ma mère était assise dans le contre-jour de la fenêtre, et parfois, quand elle bougeait la tête, son collier de perles vertes captait les reflets de la lumière. On aurait dit qu'elle avait autour du cou une rangée de scarabées. Elle a repoussé la tasse. Elle a dit qu'elle avait besoin de soleil de la Côte d'Azur. Tout en parlant, elle gesticulait des mains. Elle faisait penser à quelque géante libellule qui, s'étant laissée enfermer dans la pièce,chercherait à s'échapper.

Une belle analyse de la famille, ce théâtre en huis clos, en ombres chinoises pour les autres, une pièce qui se joue à l'infini au fil des jours mais quand l'acteur principal finit par se débiner, toute la pièce s'écroule.

Page 24 : Pour moi, leur existence commençait et finissait dans ce qu'il faut bien appeler la “famille”. Etranges réunions d'êtres où l'habitude, les rites, l'enracinement créent des liens. C'est pourtant dans ce monde clos supposé éternel qu'on se perd de vue. Dans cette sorte d'aquarium, un jour quelqu'un se met à vivre autrement. Ses horaires ne sont plus les mêmes. L'expression de son visage non plus. Soudain, sa manière de parler, de saisir un objet alarme. voilà qu'un regard qui se dérobe, un murmure pendant le sommeil, un vêtement nouveau, peut tout faire basculer. Et tout vole en éclats. Voilà le temps de la dépossession. L'un après l'autre, tombent les oripeaux.

Le plus marquant dans cette histoire, c'est l'amour que porte cette fille à son père, lui qui fait en sorte de poursuivre comme d'habitude, croyant encore à un éventuel retour. Seul dans sa peine, il se morfond de jour en jour s'étiole l'espérance. Pour que lui aussi, un jour décide de partir loin, il laisse une longue lettre à sa famille pour expliquer : « Chacune lit un morceau de la lettre. Il a écrit un mot à chacune d'entre nous. Un mot d'amour. Un mot de père de famille. Un mot pour guider nos premiers pas dans la vie. » , vouloir comprendre son geste, lui et sa peine, où se trouve la limite d'une douleur, baisser le rideau une bonne fois pour toute.

Page 29 : Mon père me faisait songer à un marcheur solitaire, qui pensant qu'il n'est regardé de personne donne libre cours à son désespoir. Un marcheur qui erre dans la campagne et dont personne ne voit le chagrin. tout se passe entre le paysage qu'il traverse et lui, avec ce silence au—dessus des champs de labour et lui, alourdi par la peine, semblable au cheval pesant et attelé qui regarde vers la terre, docile à tracer un nouveau sillon. le silence…le silence…

Page 52 : L'odeur de la terre après de courtes ondées, la poussée de nouveaux bourgeons, les jours qui commençaient à rallonger endormaient en moi l'idée de la mort. Ce formidable cri du printemps me faisait trembler comme une convalescente qui refait ses premiers pas dehors. le vert tendre des pousses qui perçaient la terre, la lumière doucement argentée du ciel me laissaient croire à l'espérance. J'étais persuadée que mon père allait revenir. Qu'il errait quelque part.

Page 55 : On peut passer vingt ans auprès des êtres et ne rien soupçonner de leur volonté profonde. D'eux on sait la manière dont ils tiennent leur fourchette. Parfois on devine le mot qu'ils vont prononcer. Mais leurs amours, leurs attirances profondes, leur attitude face à la mort, tout cela, qui est l'essentiel, on ne le sait pas.

Un beau passage Mère-enfant, toute mère entendra l'écho de ces mots :

page 86 : Mes enfants me mobilisent corps et âme. Des milliers de fois, j'ai marché dans la nuit à pas feutrés. Je me suis arrêtée au bord de leur lit. Je me souviens que ma mère et mon père en faisaient autant. Y penser me procure une grande joie aujourd'hui . Cela fait partie de mes racines. Entendre un enfant pleurer m'est insupportable. Je veux dire que cela me fait mal, qu'il s'agisse du mien ou non. Toucher des enfants, sentir contre son cou la tête lourde d'un enfant qui s'est endormi, m'est nécessaire pour vivre. Mais voilà bien sûr que le temps s'enfuit et qu'ils s'envolent. Et c'est très bien ainsi…Le temps de leurs pieds ronds comme des galets dans mes paumes de mains est fini.Etrange destinée qui nous fait soudain vide. alors qu'on a été pleine. Bien sûr, on peut faire mille choses dans la vie. Et on le fait, hélas ! Mais, cela, notre ventre rond comme un rempart, c'est sans doute notre meilleur temps.

Le temps qui fuit revient souvent dans cette histoire comme le vent qu'on ne peut attraper, seul le filet au souvenir, nous laisse apercevoir les clichés d'une vie écoulée. Une lecture émouvante que bien sûr je vous laisse deviner l'émotion qui jaillit de ces mots, et à la fois de la plénitude d'un style qui murmure et chantonne.

Au bout du compte ...c'est l'histoire d'une vie : un jour aux couleurs chatoyantes et rassurantes et un autre jour sombres et tristes ... Au bout du compte, ça peut-être notre histoire...


Lien : http://lesmotsdepascale.cana..
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Ce livre a été édité en 1977 aux éditions Jacques Pauvert. 

Françoise Lefèvre, autrice de ces romans précieux pour moi, précieux pour les flots émotionnels et si authentiques qu'ils contiennent : Mortel Azur, Consigne des minutes heureuses, La première habitude… 

Le bout du compte, c'est l'histoire de son père d'adoption qui rencontre la mère de Françoise, ils tombent amoureux.  Françoise a 18 mois, reçoit le nom de son père d'adoption.

Françoise grandit en ignorant que cet homme qu'elle appelle papa n'est pas son père biologique, tout le monde lui cache.

Ses parents s'endettent, sa mère part vivre un temps dans le Midi. Son père adoptif se suicide loin d'eux, et laisse une lettre. Françoise Lefèvre, une dizaine d'années plus tard, part sur les traces de ce père qu'elle a tant aimé, qui lui a tant appris. 

"Un jour, il est parti. Je crois que nous l'avons dévoré. Alors il est parti sans oublier son revolver. Sans oublier de pourvoir une dernière fois, en bon père de famille : il a mis ses affaires en ordre ; il a souscrit une assurance sur la vie. Il nous a écrit : "... Ne m'en veuillez pas de partir ainsi… Passé le premier choc, vous verrez qu'en fin de compte c'était ce que j'avais de mieux à faire…"

Encore un roman vivant et authentique. Françoise Lefèvre a une voix qui fait écho en moi, elle est douce, entière, sincère et poétique.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Mes enfants me mobilisent corps et âme. Des milliers de fois, j’ai marché dans la nuit à pas feutrés. Je me suis arrêtée au bord de leur lit. Je me souviens que ma mère et mon père en faisaient autant. Y penser me procure une grande joie aujourd’hui . Cela fait partie de mes racines. Entendre un enfant pleurer m’est insupportable. Je veux dire que cela me fait mal, qu’il s’agisse du mien ou non. Toucher des enfants, sentir contre son cou la tête lourde d’un enfant qui s’est endormi, m’est nécessaire pour vivre. Mais voilà bien sûr que le temps s’enfuit et qu’ils s’envolent. Et c’est très bien ainsi…Le temps de leurs pieds ronds comme des galets dans mes paumes de mains est fini.Etrange destinée qui nous fait soudain vide. alors qu’on a été pleine. Bien sûr, on peut faire mille choses dans la vie. Et on le fait, hélas ! Mais, cela, notre ventre rond comme un rempart, c’est sans doute notre meilleur temps.
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Nous étions tous à table. C’était à la fin d’un déjeuner du dimanche. Ce jour-là mon père préparait lui-même le café. C’était une des choses qu’il aimait le mieux faire. Tandis qu’il en versait une tasse à ma mère, nous les cinq filles nous commençâmes à débarrasser la table . Ma mère était assise dans le contre-jour de la fenêtre, et parfois, quand elle bougeait la tête, son collier de perles vertes captait les reflets de la lumière. On aurait dit qu'elle avait autour du cou une rangée de scarabées. Elle a repoussé la tasse. Elle a dit qu’elle avait besoin de soleil de la Côte d’Azur. Tout en parlant, elle gesticulait des mains. Elle faisait penser à quelque géante libellule qui, s’étant laissée enfermer dans la pièce,chercherait à s’échapper.
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Pour moi, leur existence commençait et finissait dans ce qu’il faut bien appeler la “famille”. Etranges réunions d’êtres où l’habitude, les rites, l’enracinement créent des liens. C’est pourtant dans ce monde clos supposé éternel qu’on se perd de vue. Dans cette sorte d’aquarium, un jour quelqu’un se met à vivre autrement. Ses horaires ne sont plus les mêmes. L’expression de son visage non plus. Soudain, sa manière de parler, de saisir un objet alarme. voilà qu’un regard qui se dérobe, un murmure pendant le sommeil, un vêtement nouveau, peut tout faire basculer. Et tout vole en éclats. Voilà le temps de la dépossession. L’un après l’autre, tombent les oripeaux.
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Je l’entendais surtout quand j’étais seule sur la route, qu’il y avait du vent et un ciel étoilé. Par les jours de grands orages, je percevais des brides de phrases, des balbutiements, d’étranges paroles qui m’arrivaient déformées par les rafales de vent. On eût dit qu’une voix de géant me parvenait après avoir traversé les mers et les montagnes. J’entendais ses paroles filtrées comme au travers de l’eau ou comme l’écho sortant des profondeurs de grottes oubliées ou de cavernes.
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L’odeur de la terre après de courtes ondées, la poussée de nouveaux bourgeons, les jours qui commençaient à rallonger endormaient en moi l’idée de la mort. Ce formidable cri du printemps me faisait trembler comme une convalescente qui refait ses premiers pas dehors. Le vert tendre des pousses qui perçaient la terre, la lumière doucement argentée du ciel me laissaient croire à l’espérance. J’étais persuadée que mon père allait revenir. Qu’il errait quelque part.
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