Arpentons Paris et Aubervilliers de l'immédiat après-guerre avec deux jeunes adolescents: Felix, fils rebelle d'un grand bourgeois de province et d'une russe blanche excentrique, et Victor dont les parents polonais sont morts en Déportation. Felix, puni, doit aller travailler quelques temps en usine à Paris au milieu des ouvriers afin que ce changement de statut lui remette les idées en place. Il tombe par hasard sur Victor, sauvé miraculeusement d'une rafle par sa concierge, caché chez des paysans d'où il s'est échappé à la fin de la guerre en apprenant qu'on allait l'envoyer dans un kibboutz en Palestine.
Felix, aspire à vivre une autre existence que celle des générations prospères qui l'ont précédé, et Victor, qui ne sait pas grand chose de la Shoah mais qui se retrouve orphelin, a préféré retourner à Paris où plus personne ne l'attend et survivre dans les rues. Il est sauvé de l'errance par Max, un ferrailleur ashkénaze râleur qui passe son temps à jurer en yiddish, et qui lui offre un emploi et un toit.
Ces deux jeunes garçons aux caractères bien affirmés sont épris de littérature, et dotés d'une grande curiosité intellectuelle. Autour d'eux, gravitent Max, bien sûr, Bouboule, fils d'une Arménienne, le roi des petits trafics et de la débrouille, bien décidé à s'extirper de sa condition de pauvre, les Russes assez explosifs, les habitants du quartiers, et les gamins de la bande de Bouboule.
Sans le savoir, Felix et Victor vont vivre ensemble des expériences mémorables, car comme le dit Max « Des années comme celle-là, tu n'en connaîtras pas beaucoup. Un homme normal en vit cinq ou six dans son existence. Cinq ou six, pas plus. le reste, c'est du remplissage et de l'attente. Ces années-là, elles sont comme des tranches de pâté qui viennent se mettre entre deux morceaux de pain. Ce sont des années sandwiches. »
Les Années sandwiches du journaliste
Serge Lentz est un joli roman initiatique qui évoque la fin de l'innocence, le poids du déterminisme social, la difficulté de s'extraire de ses origines, de son milieu. Max, en dépit de son caractère dilettante, sera toujours un bourgeois. Quant à Victor, il sera systématiquement ramené avec plus ou moins de violence à sa judéité. On retiendra aussi le beau portrait de Max, le râleur au grand coeur, interprété au cinéma par l'acteur polonais Wojciech Pszoniak .