Constable, cet homme timide et simple dans la vie quotidienne, solitaire et doux, est l'un des grands révolutionnaires de l'art. Un meunier du Suffolk, un gars trapu, bien membre, au sang rouge, aux pieds fermement appuyés sur le sol, aux sensations normales et équilibrées, à la conscience honnête, à l'instinct sûr et profond de terrien, au fort tempérament, est venu ; et il a fallu ce phénomène de santé et de simplicité, cette richesse et cette force de nature au service de l'art, pour fonder en Europe une école nouvelle de paysage.
Il est bien remarquable que Constable ne se soit jamais laissé aller, comme tant de grands maîtres, à la « fabrication » picturale. La préoccupation de l'art fut toujours exclusive chez lui. Il ne fut pas touché par le mercantilisme. Tout au plus peut-on remarquer, dans ses dernières oeuvres, les traces d'une certaine lassitude, d'un froidissement, l'apparition d'un élément tout à fait nouveau dans sa peinture jusque-là essentiellement fraîche: le rassis. Effet naturel de l'âge et d'une existence remplie d'amertume.
Constable est un candide et un simple. Il ignore aussi bien les «ficelles » du métier que les ruses de l'existence. Sa nature est toute de modestie, de fraîcheur et d'ingénuité, avec des emballements fréquents. C'est un croyant auquel les « impies » de toute espèce sont odieux.
Il y a droit comme l'un des maîtres suprêmes du pinceau, dont l'art dépasse les frontières d'un pays et se revêt d'une signification universelle, comme le révélateur d'une vision et d'une interprétation nouvelle de la nature dont il a doté la peinture.
L'homme est surpris de trouver que des choses proches ne sont pas moins belles ni moins étonnantes que des choses éloignées. Le proche explique le lointain. La goutte est un petit océan. Un homme se rapporte à toute la nature.