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EAN : 9782882507006
592 pages
Noir sur blanc (07/10/2021)
4/5   8 notes
Résumé :
Voici le roman fou, drôle, cruel, et terriblement émouvant d’un écrivain monumental trahi par les mots, à la poursuite d’une vérité impossible.

Comment écrire sur ce qui nous dépasse ? Comment fixer par des mots les épiphanies, ces instants de transcendance qui infléchissent le cours d’une vie ?

Ces expériences se nourrissent de mystère, elles sont insaisissables, évanescentes ! Elles cessent d’être lumineuses dès qu’elles sont couchées... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Mario Levrero était un écrivain uruguayen, dont l'oeuvre qui semble abondante n'a été que très peu traduite en Français. Deux livres figurent au catalogue de l'excellente maison d'édition Noir sur Blanc, dont ce Roman lumineux, paru en 2005, un an après la mort de son auteur en langue d'origine, et en 2021 en France.

Le roman est composé de deux parties. La première, de loin la plus longue, raconte le quotidien d'un écrivain, qui semble être l'auteur lui-même. Il a reçu une bourse de la fondation Guggenheim, pour reprendre et terminer un roman dont il avait entrepris l'écriture quelques années auparavant et qu'il n'a pas pu mener à son terme. La deuxième partie du roman nous livre ce Roman lumineux, enfin le texte que l'auteur a réussi à écrire. Car malgré la bourse, il ne parviendra pas à bout de sa tâche, ajoutant juste un chapitre à l'ensemble déjà écrit.

La plus grande partie du livre raconte donc comment l'auteur s'y prend pour échouer, pour ne pas arriver à faire ce qu'il est censé faire, c'est à dire composer son oeuvre. le moins que l'on puisse dire, est que Mario Levrero ne donne pas un portrait flatteur de lui-même. Il semble vivre une véritable addiction à l'ordinateur, passant des heures qu'il tente de maîtriser en vain, à télécharger des contenus, écrire des programmes, jouer etc. Ses horaires sont décalés, il a donc du mal à gérer les aspects les plus basiques de sa vie comme faire des courses. Il a ses petits rituels, comme aller chez les bouquinistes pour se fournir en romans policiers, préparer lui-même ses yogourts. L'achat d'un climatiseur devient une véritable épopée, avec des épisodes, des rebondissements, des surprises. Ses seules activités sont en réalité des ateliers d'écriture qu'il donne, et les visites de ses amis, dont une femme qu'il a aimé et qui est en train de se détacher de lui. le quotidien d'une grande banalité, d'une grande insignifiance, où le sens paraît faire défaut.

Mais nous allons le retrouver, par opposition, dans le fameux Roman lumineux, dont l'auteur finit par nous donner le texte incomplet. Même si nous retrouvons le même personnage, juste un peu plus jeune, avec des goûts et habitudes par forcément à l'opposé de ce que nous avons lu précédemment, le projet de l'écriture est fondamentalement différent. L'auteur a l'ambition de saisir dans ce livre les expériences extraordinaires, indicibles, celles qui sans que l'on sache pourquoi traversent certains moments de l'existence, donnent un sentiment d'unité, de plénitude. Il s'agit de recherche, de traque en somme une forme de transcendance. Qui serait peut-être l'objet véritable de la littérature, de l'art plus généralement.

Mais Mario Levrero semble nous dire que c'est une activité vouée à l'échec. Il lui est impossible pour sa part de s'extraire de son quotidien, de ses routines, pour y arriver, et c'est le récit de cet échec qui occupe la plus grande partie du livre qu'il nous donne. Mais il laisse entendre d'une certaine manière que ce n'est pas grave, que l'essentiel consiste à essayer, à approcher ces moments de grâce qui permettent de supporter le reste, des vies insatisfaisantes, le sentiment de vacuité. Et qu'il est de toutes les façons impossible de dire ce qui ne peut être dit, juste senti pendant quelques instants, entrevu. le langage et la raison ont leurs limites et ne résument pas l'homme.

On pourrait trouver que 600 pages, dont la plus grande partie consiste à raconter un quotidien banal et répétitif c'est un peu long. Mais Mario Levrero a un grand sens de l'humour, une finesse dans les observations, et il nous donne un portrait de lui-même au final très sympathique, même si pas très flatteur. Et puis il arrive étrangement à donner de la profondeur à des événements de tous les jours, à créer presque du suspens en parlant des activités très insignifiantes, à établir une forme de complicité avec son lecteur, qui à certains moments ne peut que se reconnaître en lui.

C'est un livre assez étrange, mais très fascinant. Une vraie découverte pour moi.
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Le roman lumineux est l'oeuvre posthume de l'écrivain uruguayen Mario Levrero, de son vrai nom Mario Varlotta Levrero (1942-2004). C'est un pavé de 567 pages avec deux parties bien distinctes. La qualité de la langue espagnole déployée est excellente, précise, avec une apparente simplicité qui va faciliter la lecture, mais en réalité assez complexe en profondeur. En 2016, ce livre a été sélectionné en sixième position en Espagne comme faisant partie des meilleurs romans en espagnol des dernières 25 années.
La première partie du livre (60% env) est un « Journal de la bourse » où le protagoniste (et alter ego évident de l'écrivain) gagne une bourse Guggenheim qui lui fournit de l'argent pendant 1 an afin de terminer un roman commencé en 1984, c'est le roman lumineux. C'est un journal très détaillé qui donne le jour et l'heure, pour nous décrire le quotidien de cet homme farfelu, le protagoniste : ses manies, sa santé, ses angoisses, ses rêves, ses repas, etc.
En fait, cette bourse Guggenheim va lui permettre rapidement d'améliorer son confort matériel.
Sa routine et ses addictions sont impressionnantes, car il s'agit d'un personnage totalement excentrique : hypochondriaque, maniaque, agoraphobique, dépressif sous traitement, lecteur compulsif de polars qu'il collectionne, grand lecteur par ailleurs, animant des ateliers d'écriture chez lui, interprétant ses rêves, "addict" à Internet (manipulant l'Informatique, jouant aux jeux jusqu'à tomber en trance, voyeur de porno), et aussi c'est un personnage très comique par moments avec un ton si naturel, si libertin, qui mène son monologue intérieur par moments furieusement comique, parfois pathétique et qui donne au lecteur une impression de voyeurisme permanent.
Tant de manies et d'anomalies ont inverti complètement son cycle de sommeil avec quelqu'un qui se couche vers 8 heures du matin et se réveille vers 6 heures du soir; difficile de mener une vie « normale » avec ces horaires.
Malgré toutes ces tares, le protagoniste jouit d'une excellente relation avec les femmes; à cette étape de sa vie ce sont surtout des relations de dépendance car il ne peut sortir seul dans la rue, il faut qu'il soit accompagné en cas de crise de panique. Les femmes du récit sont nombreuses et la relation agonisante avec celle qu'il appelle Chl aggrave sa dépression.
La deuxième partie du livre (100 pages env) est le roman lumineux de 1984, lequel roman n'a pas avancé d'un iota pendant cette année. En fait, ce roman lumineux parle de plusieurs moments lumineux de son passé, mal expliqués par la logique cartésienne et auxquels il voudrait trouver un contexte plus littéraire.
Ce n'est pas que Mario Levrero veuille se payer la tête du lecteur en lui livrant ce produit hybride, mais le lecteur reste hypnotisé avec l'abondance de sujets traités, avec l'importance de la littérature dans le récit, avec l'humour parfois désopilant de Levrero.
Cet auteur est considéré comme faisant partie des écrivains « bizarres » d'Uruguay, c'est à dire des auteurs inclassables par leur style littéraire dans une mouvance typiquement uruguayenne.
Cette lecture me rappelle aussi le livre de l'espagnol Juan José Millás , La vida a ratos, de 2019 (non encore traduit en français).
C'est aussi un journal, tenu pendant 3 ans par un alter ego de l'écrivain; autre personnage excentrique ayant des points communs avec Levrero. Mais pour moi ce sont deux personnalités assez différentes, Levrero ayant une personnalité plus marquée, avec plus de pathos et plus de sincérité dans ses digressions.
Lien : https://pasiondelalectura.wo..
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Dans les années 80, l'auteur avait entamé la rédaction d'un roman, qui se voulait une tentative pour fixer des instants "lumineux" de son existence. Quinze ans plus tard, il reçoit une bourse pour achever le projet.
Mais, repoussant sans cesse l'écriture du Roman, il préfère tenir une chronique de ses obsessions : son addiction à l'ordinateur, son hypocondrie assumée, la lecture de sa vie à travers ses rêves, ou simplement l'observation des pigeons du voisinage.
Un an plus tard, ce journal devient le long (un peu trop long à mon goût) prologue au Roman lumineux, resté, lui, à l'état d'ébauche.
Si le projet initial n'aboutit pas, il en est resté un livre atypique, qui se lit presque comme un roman. Un roman inachevé et nourri de fils narratifs sans issue, de digressions, de réflexions personnelles. Un roman qui est surtout une apologie de la procrastination.
Reste à trouver le lecteur qui nous racontera longuement comment il n'a cessé de remettre au lendemain la lecture du Roman lumineux !
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Une profonde réflexion sur l'écriture et une tentative radicalement honnête, sans compromis - et très souvent touchante - d'un auteur en quête de résolution et d'absolution. La lecture est parfois dense, mais le juste équilibre entre les mondanités du quotidien et les révélations qui tombent comme la foudre est habilement trouvé. On regrette peut-être que les toutes dernières partie du roman - une fois le long prologue achevé - manquent de ces petits détails de la vie courante qui rendent l'expérience de ce narrateur, un homme difficile et dépressif, aussi attachante.
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Parlant d'une lecture que l'auteur fait de W. S. Burroughs, il écrit: « Ce n'est pas une lecture facile ni gratifiante, et pourtant il m'a été impossible de le mettre de côté (le roman qu'il lit de lui)… ».
Ça résume bien ce qui m'est arrivé lisant ce livre de Levrero.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Au cas où je n'aurais pas été clair, j'explique à nouveau aux jeunes : il n' y a rien de bon dans la télévision, dans les quotidiens, dans l'argent, dans la politique, dans la religion, dans le travail. Ce sont des choses qui toutes détruisent le corps et l'esprit. Il ne faut pas penser, ne serait-ce qu'un instant, qu'elles puissent servir comme instrument de libération : au contraire, elles créent de la dépendance, elles aliènent, elles détruisent et finalement elles tuent.
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Et bien : justement parce que c'est un travail inutile, je dois le faire. J'en ai assez de courir après l'utilité ; cela fait trop de temps déjà que je vis séparé de ma propre spiritualité, piégé par les urgences du monde, et il n'y a que ce qui est inutile, désintéressé, qui peut me donner la liberté indispensable à mes retrouvailles avec ce que je pense honnêtement être l'essence de la vie, son sens final, sa première et dernière raison d'être.
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En été, mon esprit se défait, et je passe tout mon temps à fuir mon corps. A cause de la chaleur, mais il y a plus que la chaleur ; il a dans les étés je ne sais quoi de mortifère, qui me désespère, me déprime, me vrille les nerfs, tout le temps, un par un.
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Comme tous les vieux, j'ai la nostalgie d'un passé que je crois meilleur, et qui n'était cependant pas meilleur, mais différent.
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Quand l'ignorance est aussi grande que la mienne, on ne devrait pas tirer de conclusions de phénomènes qu'on observe.
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