AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jeannine Paque (Autre)
EAN : 9782804012021
Espace Nord (24/04/2002)
2.71/5   7 notes
Résumé :
Suzanne Lilar retrace le parcours d'une enfance choyée entre des parents très unis qui l'initient tant au culte familial qu'à l'appel de l'imagination et de la fantaisie. A travers ses souvenirs familiaux et ses apprentissages, elle restitue le passé d'une ville, avec ses oppositions de classes, de langues, de cultures, s'attachant tout particulièrement à la réalité sociologique d'une petite bourgeoisie « également préservée des servitudes de la fortune et de la mis... >Voir plus
Que lire après Une enfance gantoiseVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Plus qu'une autobiographie assommante et fastidieuse, Suzanne Lilar ne focalise pas son texte uniquement autour de sa personne, mais elle revisite son passé en se servant de sa ville, comme composante incontournable de sa vie. Gand, l'autre grand personnage de l'enfance de Suzanne, appartient à ce bagage mythifié, que porte l'auteure, qui englobe également le souvenir de sa famille, celui de ses parents. J'ai ressenti toute la tendresse, l'admiration qu'elle voue à Gand autant que celle qu'elle voue à ses parents, leur mémoire est au même titre que les ruelles et les monuments de la ville, célébrée et encensée. Gand est mise à l'honneur à travers la vie de l'auteure mais aussi à travers celle des parents Verbist. Gand, le père, la mère comme figures mythologiques essentielles de l'histoire de Suzanne. Plus que prétexte à revisiter sa vie, revivre son enfance une ultime fois, c'est aussi et surtout une ode à Gand et ses ruelles, ses beffrois, ses églises.

          Même si elle l'a quitté, Suzanne Lilar reste très attachée à cette ville, qu'elle s'est réappropriée à travers cette relecture de son enfance. On ressent clairement qu'elle prend plaisir à recomposer ce microcosme familial et sociétal dans cette ville, déchirée entre une culture intrinsèquement flamande et une influence francophone. le regard de l'enfant qu'elle était est aiguisé, même si la réflexion de l'adulte, on s'en doute, est venu retoucher sa vision des choses, il reste qu'elle ait été très tôt consciente de sa condition. Ni tout à fait bourgeoise, et donc snobée par quelques-uns de ses proches, ni tout à fait de condition ouvrière, la famille Verbist de classe moyenne prenait soin de respecter les barrières de sa condition, dans un sens comme dans l'autre. Ces deux cents pages donnent à voir Suzanne Lilar comme un parfait mélange de ses parents: une fibre artistique très tôt marquée, qui lui vient incontestablement de sa famille paternelle, de son père aux multiples talents, en tant que peintre, musicien, chanteur, bien souvent la tête en l'air - au propre comme au figuré. Une mère plus terre-à-terre, qui goûte moins les extravagances des siens, et qui reste très attachées aux valeurs traditionnelles du travail et de la famille. Au-delà de cela, on observe cette petite fille acquérir les bases de l'adulte qu'elle sera, les origines de son goût pour l'écriture, ces racines qui trouveront un écho plus tard dans l'artiste qu'elle deviendra.

          C'est un livre sur sa vie gantoise bien évidemment, mais aussi une critique acerbe de la tyrannie de cette société des apparences: ce monde bien âpre, sans pitié, envers ceux qui ont les velléités de vouloir s'élever hors de leur rang ; un corps social qui ne se base finalement que sur l'argent plus que sur les valeurs humaines. Ce face à quoi, la famille de son père se démarque, n'attachant que peu d'importance aux qu'en dira-t-on. Une liberté d'esprit, de vivre qu'elle salue. Toujours est-il que l'argent n'est pas le seul ressort diviseur des gantois, la langue l'est aussi. La femme de lettres ravive ses souvenirs de petite fille, qui de son oeil innocent, percevait les gens et les choses plus fastueusement et noblement qu'ils ne l'étaient vraiment. J'ai particulièrement apprécié, à mes yeux le chapitre le plus intéressant de tous, la deuxième partie intitulée "Le langage" qui aborde la problématique l'usage du néerlandais, largement décrié, et du français, la langue des bourgeois et aristocrates, dans cette société gantoise de début XXe siècle. Encore une fois, nous observons cette division de la société, les plus privilégiés qui tiennent à parler uniquement le français alors que le néerlandais est utilisé par la classe la plus populaire accusée, de ce que Suzanne  Lilar nomme, de "flamingantisme", mouvement flamand dont les partisans se nomment "flamingants" dans la communauté francophone (c'est un mouvement initié dès 1792 sous l'occupation française) selon le titre de la chanson de Jacques Brel Les flamingants. Et cette classe moyenne, cette "petite-bourgeoisie" qui utilise les deux langues. Suzanne Lilar décrit cette dualité, qui voit certains utiliser le français mais finir par revenir au flamand, tout comme elle par ailleurs qui écrit en français (ce qu'elle explique par son amour de Racine) mais qui, plus jeune, a revendiqué sa culture flamande.

          Vous l'aurez compris, à la vue de mon appréciation en introduction, je n'ai pas été franchement transcendée par ce récit. J'ai vraiment été gênée par le style de l'auteur que j'ai trouvé trop pompeux, trop affecté et ampoulé, presque un peu poussiéreux. le maniérisme du style ne me gène pas en lui-même tant qu'il rend la lecture fluide et agréable. Or, dans le cas d'Une enfance gantoise, cela n'a clairement pas été le cas: dès la fin de la première page, j'ai commencé par être agacée, et au bout de quelques pages, j'ai fini par trouver certaines parties indigestes, quand bien même on ne peut nier la qualité du récit. Et c'est grâce à cela que je me suis efforcée à finir le livre. Une certaine forme d'austérité, de rigorisme presque, certaine plane non seulement sur la plume de Suzanne Lilar mais aussi quelquefois sur certains passages, qui dans le fond, n'est que le reflet de cette existence qu'elle narre. J'ai également eu beaucoup de mal à comprendre, par moments, l'auteure qui fait preuve d'un mépris manifeste envers cette classe, ce qu'elle nomme elle-même, "petite bourgeoisie" dont elle est issue. Finalement, cette suffisance ne fait que rappeler celle de son écriture, trop formellement guindée. J'ai bien eu du mal à passer outre sa condescendance, qu'elle exprime parfois, envers cette classe sociale qui fut la sienne autrefois, cette accusation latente, qu'elle leur dresse, de se contenter de peu. Ce ton trop emphatique, cette accumulation de superlatifs, je pense ici à son expérience de la découverte de ce qu'elle appelle le "beau", avec ses premières approches de la religion, me rendent très perplexe quant à, non pas la véracité, mais plutôt l'honnêteté de son discours.

          Finalement, on ne pourrait voir dans ces mémoires un énième témoignage parmi de nombreux autres pour se réapproprier les moments les plus importants et les plus heureux de son existence, l'enfance. Même si je n'ai pas pu/pas su adhérer à son écriture, qui ne m'a pas vraiment plu, je préfère malgré tout terminer sur une note positive. Au-delà de ça et de cette langue un peu désuète, Suzanne Lilar nous offre là une belle visite de sa ville, et une bonne leçon de culture, que l'on ne peut qu'apprécier.
Lien : https://wordpress.com/post/t..
Commenter  J’apprécie          20
Suzanne Lilar fait bien plus que raconter ses souvenirs d'enfance. A partir de ceux-ci, elle nous livre sa vision de la vie, développe ses théories sur le bien, le mal, la beauté, le sacré (à ne pas confondre avec le religieux !), le merveilleux, en chapitres bien distincts. Cette autobiographie devient souvent un traité de philosophie. Ses sujets les plus concrets concernent les oppositions de classes (chapitre « les castes ») et celles de langue (chapitre « le langage »)
Lilar est née en 1901 dans la petite bourgeoisie gantoise, qui essaye d'imiter la grande bourgeoisie qui parle français, et considère le flamand comme une langue à proscrire, digne seulement des ouvriers et des domestiques. Mais Suzanne n'accepte pas ce mépris. Bien qu'adorant Racine et amoureuse de la langue française, elle ne renie pas ses origines flamandes et s'initie volontiers à cette langue populaire grâce à la bonne. On touche ici aux racines du problème linguistique belge, initié par le « Siècle des Lumières », l'attrait pour la culture française, et alimenté par l'opposition des classes sociales.
Paradoxe que cette femme, profondément marquée par son milieu, respectant les règles du savoir-vivre, mais éprise aussi de liberté intellectuelle.
« Une enfance gantoise » pourrait être la base d'une thèse consacrée à l'autrice, mais pour le lecteur du XXIème siècle, cette autobiographie souffre de son style, certes classiquement parfait mais vieillot, empesé, avec un grand nombre de mots guère plus utilisés aujourd'hui. Il est sans doute aussi celui d'une femme très intelligente qui ne se livre pas vraiment et ne s'autorise aucune fantaisie sur le plan de l'écriture, ce qui contredit un peu l'image qu'elle veut donner d'elle-même. Impossible pour moi dès lors de coter cet ouvrage
Commenter  J’apprécie          00
Un style épuré, une subtile prise de distance par rapport à un passé relaté avec humour et finesse:le choix des détails est extrêmement émouvant. de la littérature de haute volée, d'une rare densité.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Vers le même temps, mes oncles ayant cédé leur commerce de machines à écrire, nous quittâmes la place Saint-Bavon pour une petite maison de la rue Liévin de Winne. Elle avait pour vis-à-vis une scierie dont nous allions aimer l’odeur forestière de bois fraîchement débité et même le chantonnement monotone. Elle appartenait aux Suy, famille aisée de la bourgeoisie catholique ou j’allais être invitée souvent, sans que ma mère se risquât jamais – je ne m’en avise qu’aujourd’hui – à les convier chez nous. Sans doute le plan conçu par cette famille pour l’éducation de ses fillettes comportait-il quelques exercices de charité envers les inférieurs. Ces invitations qui humiliaient Maman me ravissaient. J’aimais cette maison ou m’accueillait dès l’entrée l’arôme des parquets cirés. Il semblait que, comparée à la nôtre, la vie y glissât sur des rails. Une domesticité discrète pourvoyait aux besoins, réglant le calorifère, allumant le gaz de la suspension, servant le sirop de groseilles. Le goûter, présidé par une gouvernante, était suivi de jeux tranquilles (oie, nain jaune, jacquet) dont j’étais invitée à suivre strictement les règles sans y introduire de variantes. Mais rien ne satisfaisait mon goût d’exotisme comme d’entendre les petites Suy invoquer la sainte Vierge afin de tirer la bonne carte ou le double six: « Vierge des rochers, inspirez-moi! Étoile de la Mer, secourez-moi! Tour de David, faites que je gagne! » Maman fut outrée lorsqu’elle le sut. Elle était lasse d’ailleurs de m’entendre vanter la supériorité des parquets sur le linoléum qui couvrait nos planchers. Elle manœuvra pour espacer ces réunions. Quant à moi, peu de temps après, me servant pour la première fois de la machine à coudre, je me trouvai fort occupée à bâtir grossièrement une robe destinée à une petite pauvresse de la rue de la Sauge. J’avais tiré profit de la leçon. Moi aussi je remplissais mes devoirs à l’égard de nos frères inférieurs.
Commenter  J’apprécie          20

Video de Suzanne Lilar (3) Voir plusAjouter une vidéo

"Le Malentendu du 2ème sexe" par Suzanne Lilar
Interview de Suzanne LILAR sur son livre "Le Malentendu du 2ème sexe" : Plans du quartier de Saint Germain des Près / Banc-titres : dessins, gravures / Banc-Titre photos de Simone de BEAUVOIR, photos de Jean-Paul SARTRE
autres livres classés : biographieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (33) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}