S'il est louable de vouloir partir à la découverte d'un pays en prenant comme point d'entrée ceux-là mêmes qui y vivent, on est toutefois rapidement confronté à de nombreux écueils. Car finalement qu'est-ce qu'un peuple ? Qu'est-ce qu'un peuple au regard des états contemporains et leurs frontières ? Qu'est-ce qu'un peuple au regard de la mondialisation actuelle ?
C'est sans doute toute la tâche ardue à laquelle s'attèle depuis de nombreuses années la collection « Lignes de vie d'un peuple » des Ateliers
Henry Dougier. Car les ouvrages de cette collection NE SONT PAS des guides de voyages. Ils sont des tentatives de plongées au sein d'un pays. Tentatives, car si de grands traits peuvent se dégager de l'étude de leur peuple, il existe sans doute une multitude de façon de s'y plonger. Par conséquent, conscients de cette difficulté, autant donner carte blanche à un auteur – en l'occurrence pour les «
Suédois »,
Piet Lincken, écrivain, poète, pianiste et compositeur d'origine belge et
suédoise, né en France – et le laisser libre de son approche (ce qui rend les différents ouvrages de la collection totalement uniques).
Laisser libre l'auteur de son approche, et l'accepter, tant nombres d'autres approches pourraient être envisageables (voir la note d'intention de l'auteur en début d'ouvrage, dans laquelle on appréciera son honnêteté et son humilité). Car « attaquer » la Suède par ses versants
Ingmar Bergman, Eurovision ou l'art du divertissement à la
suédoise, ou art lyrique peuvent désarçonner. de la même manière, approcher les traits du peuple
suédois par le « haut » pour sonder l'âme d'un peuple dans toutes ses composantes peut interroger (les références aux « vitrines » du site Tourisme Suède ; les communications éthico-commerciales d'Ikea vantant l'approche inclusive de sa marque, du clip Volvo « Made by Sweden » avec Zlatan Ibrahimović en guest vantant les valeurs
suédoises ou la vision de Arctic Bath (complexe de bungalows de standing) sur l'art du bain arctique ; ou encore les entretiens avec le chorégraphe-danseur-réalisateur Pontus Lidberg ou avec le directeur sportif d'Elitloppet (course hippique renommée de type Vincennes).
Certains préfèreront sans doute (ce qui a été mon cas) se passionner – entre autres – pour les notions typiquement
suédoises (ou a minima scandinaves) telles que le « lagom » (ni trop, ni trop peu), d' « ombudsman » (la défense des droits de quelqu'un d'autre) ou encore l'étonnant héritage de valeurs issu de « La loi de Jante » (faire passer la communauté avant les individus), le « systembolag » (régissant la vente d'acool), ou le délicat équilibre entre les notions fondatrices « allemansrätt » (droit d'accès public) ou de « friluftsliv » (vie libre en plein air) et le respect de la vie individuelle.
Synthétiser cet ouvrage est impossible, étant lui-même une certaine synthèse, véritable « polyphonie contemporaine ». Un ouvrage dense, contrasté, à lire sans doute à petites touches afin de ne pas risquer l'overdose d'informations tant chaque page nous met au défi de ne pas nous échapper de sa lecture pour approfondir chaque sujet, chaque notion ou chaque référence. Au final, un panorama intéressant, qu'il est bon d'avoir à l'esprit pour qui veut partir à la découverte de la Suède. L'ouvrage ne se veut pas une bible incontournable, mais il donne envie d'aller plus loin : « en retour, ce qui est dit nous interrogera sur nos propres certitudes et nos propres habitudes. […] il a fallu bien sûr résumer, tout en espérant que l'enthousiasme partagé permettra d'aller plus loin encore, par de multiples chemins ».
Ouvrage reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique Non-Fiction de juin 2023 de Babelio. Remerciements à eux et aux Ateliers
Henry Dougier.