Après avoir signalé, avec justesse, que nous n'avons pas seulement eu une sèche "transmission" arabe (c'est-à-dire sans "innovation") de la science "antique" à l'Europe médiévale, et que cela est encore moins vrai dans le domaine de l'alchimie (où le mot lui-même trahit son "'arabité"...), l'auteur aborde le cas cardinal de Jabîr ibn Hayyân : ce chiite, disciple historique ou probablement "méta-historique" de Jafâr as-Siddîq, par son corpus aux contours cosmiques (aussi bien en taille que dans ses rapports à l'astrologie !) marque une période dans l'histoire universelle de l'alchimie, l'art d'Hermès (ou d'Isis, etc) étant encore en état de balbutiements embryonnaires jusque là, malgré les apports décisifs de Zosime de Panopolis, au troisième siècle de notre ère, et d'autres hermétistes alexandrins.
Et la précision de son chiisme est importante : c'est la doctrine de l'Imâmat qui va ciseler toute la "cosmographie" jabîrienne. L'Imâm, en tant qu'il est représentant de l'Intellect divin, est, par sa nature humaine, un représentant de l'Élixir ; il est le minéral microcosmique qui mire l'Intellect macrocosmique, et en tant que minéral "épuré" - l'Élixir, donc - il permet à son disciple de retrouver son Soi car, pour Jabîr ibn Hayyân, "l'argent est déjà de l'or", ce qui veut dire que l'alchimie n'est pas une quête mercantile d'or, mais une métamorphose existentielle de l'individu qui recèle déjà ce secret (il est à signaler que la métaphore alchimique a été utilisée par des soufis - car Jabîr ibn Hayyân est considéré comme tel - plus orthodoxes, tels
Abd al Qadîr al Jilanî ou
Al Ghazalî).
L'ouvrage s'étend sur son rapport au chiisme, et on a aussi ses idées épistémologiques (son rapport à la science des lettres par exemple).
En somme, une belle étude !