AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Pauline Mack (Autre)Catia Luperto (Autre)Sarah Lombardi (Autre)
EAN : 9782889012176
159 pages
Editions Antipodes (07/07/2022)
4.12/5   4 notes
Résumé :
Issue d'une collaboration entre le Centre suisse de compétence en recherche sur les parcours de vie et les vulnérabilités (Centre LIVES) et la Collection de l'Art Brut, l'exposition présente sept auteur.es dont les oeuvres sont issues des collections du musée lausannois : Eugénie Nogarède (1882-1951), Gaston Teuscher (1903-1986), Anna Kahmann (1905-1995), Eugenio Santoro (1920-2006), Hans Krüsi (1920-1995), Benjamin Bonjour (1917-2000) et Madeleine Lanz (1936-2014).... >Voir plus
Que lire après Lives : Art brut et parcours de vieVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"Ainsi, les parcours de vie des artistes mis en évidence dans cette exposition sont tous uniques, riches, témoignant d'un engagement vital. Nous pouvons les admirer, chercher à les comprendre ; en outre, ils tendent un miroir qui nous invite à réfléchir plus généralement aux trajectoires de vie des individus - y compris les nôtres - et en particulier, au rôle de nos imaginaires et aux engagements uniques que nous développons."
(Tania Zittoun)

Je n'ai pu m'empêcher de débuter ma critique par cette citation d'un chapitre de LIVES : Art Brut et parcours de vie, qui nous présente des personnes devenues artistes à un âge avancé, tous issus de milieux pauvres, tous ayant connu la précarité, et ayant tous connu des trajectoires par moments brisées par des ruptures souvent très violentes (guerre, abandon, deuil, violences subies, hospitalisation forcée, etc.) La particularité de ce catalogue d'exposition est de faire la part très belle aux chercheurs en psychologie et sociologie, mais on voit bien, à l'heure actuelle en France, que les questions de la vieillesse et des parcours de vie sont aussi politiques, voire utilisées de manière profondément idéologique - notre gouvernement montrant le (mauvais) exemple.


Voilà pour la petite référence à l'actualité de mon pays. Maintenant, comme je le mentionnais plus haut, la particularité de cet ouvrage - et de l'exposition dont il découle -, c'est de traiter l'Art Brut de façon peut-être encore plus transversale que d'habitude, puisqu'il est écrit à la fois par des membres de la Collection de l'Art Brut (haut lieu de présentation de l'Art Brut, situé à Lausanne) et du Centre interdisciplinaire sur les parcours de vie et les vulnérabilités (ou Centre LIVES), basé au sein des universités de Lausanne et de Genève.


Je reviens un instant sur l'Art Brut - les personnes qui me suivent savent que c'est un des sujets que j'affectionne et ont donc sûrement déjà lu quelque chose d'à peu près identique sous ma plume, mais pensons aux autres ! L'Art Brut est donc, non pas un mouvement artistique, mais plutôt un concept qu'a construit le peintre et collectionneur Jean Dubuffet, et qu'il a rendu plus formel à partir de 1945 en le définissant comme un art des marges, réalisé par des personnes exemptes de toute référence culturelle. Il est revenu sur cette définition, car il est impossible d'être exempt de toute référence culturelle si l'on vit en société, y compris si l'on est isolé de ladite société. Il entendait surtout l'Art Brut comme un outil d'opposition à ce qu'il considérait comme l'art contemporain officiel de son époque. Je vous renvoie à Céline Delavaux et notamment à son Guide de l'Art Brut, où elle explique comment l'Art Brut peut être un outil pour (re)penser l'art. Et j'ai écrit plusieurs critiques sur des livres traitant de l'Art Brut et créé une liste sur le sujet, donc n'hésitez pas à y jeter un coup d'oeil (ici prend fin le placement de produit).


LIVES : Art Brut et parcours de vie, donc. Sept artistes, dont six déjà présents dans la Collection de l'Art Brut, ayant pour point commun de s'être mis tardivement, voire très tardivement, à créer des oeuvres qu'on classe aujourd'hui dans la catégorie Art Brut. À regarder vite fait les reproduction de ce catalogue, on n'est pas forcément soulevé d'enthousiasme ; or le chapitre écrit par Pauline Mack (de la Collection de l'Art Brut), retraçant les biographies des sept artistes - Eugénie Nogarède, Anna Kahman, Gaston Teuscher, Benjamin Bonjour, Hans Krüsi, Madeleine Lanz et Eugenio Santoro - ouvre des perspectives sur les travaux de ces artistes qui donnent vite envie d'aller plus loin que les traditionnels "J'aime/J'aime pas" ou "Bof". le défaut corollaire, c'est que les biographies en elles-mêmes n'apportent pas grand-chose de nouveau, mais c'est largement compensé par les chapitres analysant les parcours de vie des artistes par les biais de la sociologie et de la psychologie.


En cela, c'est quelque chose d'assez nouveau pour moi dans le champ de l'Art Brut - pas totalement nouveau, mais probablement bien plus approfondi que ce que j'avais pu lire jusqu'à ce jour. Et c'est cette transversalité des analyses, centrée sur la façon dont on peut aborder la vieillesse et la vulnérabilité, sans pour autant les voir uniquement un déclin mais, au contraire, aussi comme un déclencheur - de traumatismes, certes, mais aussi de créativité afin de dépasser ces traumatismes -, c'est avant tout, donc, cette analyse transversale qui fait le très grand intérêt à mes yeux de ce catalogue d'exposition.


Je terminerai par une autre citation de Tania Zittoun (j'aurais aimé citer d'autres auteurs de l'ouvrage, mais ça alourdirait la critique) :
"Un élément frappe à la lecture de leurs trajectoires : les personnes dont les histoires de vie sont rapportées ici ne sont pas nées artistes, et elles n'ont pas débuté leur activité durant leur jeunesse. Ceci est à souligner, car bien que les études au cours de la vie affirment que l'on se développe de la conception à la mort, la recherche tend le plus souvent à mettre en évidence le déclin des personnes âgées : la perte de capacités cognitives, la fragilité physique, et, au mieux, comment retarder ou compenser ces pertes. Il est rare que les chercheuses et les chercheurs parviennent à mettre réellement en évidence ce qui profite aux aîné·es. Ce qui est donc frappant ici, c'est que toutes les personnes évoquées ont d'elles-mêmes abordé un tout nouveau domaine d'activité bien après avoir dépassé le mitant de leur vie ; elles ont néanmoins toutes, d'elles-mêmes, avec patience, temps et concentration, affiné leur technique, appris de leurs expériences , et développé une expertise nouvelle indubitable."




Masse critique Graphique
Commenter  J’apprécie          3712
LIVES Art Brut et parcours de vie
Collection de l'Art Brut Lausanne
Editions Antipodes - 2022
157 pages

Remporté lors l'opération Masse Critique Graphique, cet ouvrage est le catalogue publié à l'occasion de l'exposition LIVES. Art Brut et parcours de vie qui s'est déroulé au Musée de la Collection de l'Art Brut à Lausanne. Cette exposition est née de la collaboration du Musée et du Centre LIVES, centre de recherches sur les parcours de vie et les vulnérabilités.

Nous sont présentées les oeuvres de cinq artistes : Eugénie Nogarède, Anna Kahlmann, Gaston Teuscher, Hans Krüsi, Madeleine Lanz et Eugénio Santoro. Ces auteur-es d'Art Brut ont en commun leur parcours plutôt chaotique, une vulnérabilité, le fait qu'ils soient autodidactes, la création arrivant à la suite d'un bouleversement dans leur vie et à un âge assez avancé.

Ils n'ont pas de connaissances techniques ou théoriques ; leurs oeuvres sont des peintures, des collages, des sculptures, des dessins, des assemblages. Elles sont intimement liées à leur contexte de vie : vie à la marge, solitude, maladie, traumatismes. L'activité créatrice est leur espace protégé, un rituel, une stabilité au sein du chaos. Elle est une nécessité absolue, ces créateurs ne se considèrent pas comme des artistes et ne se préoccupent pas de la valeur de leurs créations.

Les oeuvres sont approchées à travers l'histoire de l'art, la sociologie, la psychologie socioculturelle ; des textes de chercheurs du centre LIVES nous éclairent sur le choix des oeuvres et une biographie de chaque artiste est proposée.

Visiter cette exposition et lire les textes de ces chercheurs nous questionne sur notre propre parcours de vie, sur la nécessité de la création et ses bienfaits, sur l'artiste et sa place, sur l'espace de liberté que représente la création même au sein d'institutions.

J'ai beaucoup apprécié ma lecture, j'ai aimé rencontrer ces artistes de l'Art Brut, touchants par leurs vulnérabilités. le fait qu'on peut voir le développement de l'Art Brut au cours du XXe siècle comme le prolongement de la mythologie de l'artiste libre, pur et désintéressé, que ces artistes sont "les derniers vrais innocents du Monde de l'Art". Particulièrement touchée par Hans Krüsi, plusieurs fois abandonné, vivant dans des lieux abandonnés, délogé plusieurs fois pour cause de démolitions, collectionneur d'objets abandonnés eux aussi et Eugénie Nogarède, ayant vécu son enfermement comme une injustice et ayant produit de nombreuses lettres rouleaux.

Merci à Babelio et aux éditions Antipodes.

Jean Dubuffet (créateur de l'Art Brut qui dès 1945 est à l'origine d'une collection d'objets créés par des pensionnaires d'hôpitaux psychiatriques, des détenus, des originaux, des solitaires etc.) :
« Nous entendons par là [Art Brut] des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistiques, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en oeuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d'écritures, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l'art classique ou de l'art à la mode. Nous y assistons à l'opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l'entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions (...) ».
Commenter  J’apprécie          20
[Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio : un grand merci à Babelio et aux Editions Antipodes !]

L'Art Brut, souvent appelé "l'Art des Fous", est intimement lié à l'artiste et à sa vie, puisqu'il s'agit d'un art réalisé par des personnes sans aucune formation artistique, au parcours souvent cahotique, qui ont créé "comme ça", souvent suite à un événement, une rupture de vie, un incident de parcours.
Il parait donc logique que leurs oeuvres soient abordées à travers le prisme de leur vie.
Et c'est ce que fait ce livre.

On part à la rencontre de 7 artistes dont les oeuvres sont exposées au Musée de l'Art Brut à Lausanne, que j'ai eu la chance de découvrir grâce à un professeur d'arts plastiques enthousiaste lors de mon passage à l'IUFM où j'étudiais pour devenir "maîtresse d'école". Cette visite a été une révélation. Rarement j'ai été autant émue (aux larmes) dans un musée. C'est dire si cet art est fort.

Les 7 artistes présentés ici ont un point commun : ils ont commencé à créer à un âge avancé. 7 chapitres déroulent alors leur vie, souvent au parcours cabossé : pauvreté, guerre, deuil, maladie, maladie mentale, marginalité... On découvre également leurs oeuvres, toutes d'une inventivité folle. J'aurais aimé plus de reproductions dans le livre, dans un format un poil plus grand. Mais quand on aime, on en veut toujours plus, n'est-ce pas ? ^^

Entre ces présentations sont intercalés des articles d'analyses de chercheurs et chercheuses du centre LIVES, qui abordent le sujet sous un éclairage sociologique, psychologique, par celui de l'histoire de l'art... Là encore, c'est remarquablement bien écrit. Nul besoin de s'y connaître dans ces spécialités pour comprendre le propos qui est très abordable.

Ce livre (écrit en langue inclusive, d'ailleurs, une première pour moi, étonnée par la fluidité de lecture maintenue que je n'imaginais pas) , est donc une réussite en ce qui me concerne, puisqu'il permet d'appréhender l'Art Brut dans ses multiples composantes, et rend un bel hommage à ces artistes qui ont mis du temps à être reconnus en tant que tels, grâce à Dubuffet qui a définitivement relégué la notion "d'art dégénéré" imposée par les Nazis aux oubliettes, pour nous permettre de voir des oeuvres d'une grande richesse et d'une incroyable sensibilité.
Commenter  J’apprécie          10
Cet ouvrage a été édité à l'occasion d'une exposition avec les oeuvres de 7 artistes en prenant en compte leur parcours de vie. Des psychologues, des sociologues apportent leurs contributions quant à l'émergence de l'urgence créatrice artistique chez ces personnes déjà âgées. Cet ouvrage est arrivé chez moi "par erreur". J'attendais tout autre chose. Je l'ai néanmoins lu avec plaisir et découvert des artistes parfaitement inconnus avec des styles très variés. Leur parcours de vie est toujours très émouvant. je me dis qu'il doit y avoir autour de nous des personnes qui créent discrètement dans leur coin sans que personne n'en sache rien.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (1) Ajouter une citation
L'imagination et la création, dans leurs aspects symboliques, sont venues à ces personnes malgré les aléas de la vie. Elles n'ont pas dû apprendre à créer. Cette vie symbolique et son expression sont comme une source irrépressible. Cette observation nous invite à nous interroger sur l'importance de la vie symbolique en général (...) Comme êtres de culture les êtres humains ont un besoin fondamental d'une vie symbolique ; les auteur.es d'Art Brut nous le rappellent avec une force remarquable.
Commenter  J’apprécie          00

autres livres classés : psychologieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (7) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
436 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *}