Vita. Vita des Ombres. Vita de Favitas. C'est cela le pouvoir de l'écriture. Donner corps et âme bien plus que donner vie. Vita porte les ombres. C'est son destin. Sa mission. Elle porte, elle, dont « la pierre » prend « ton son poids sur son dos de bonne pierre. ». « Seule face au monde », « dans le rugueux et le tiède », pareille à cette île, pareille à cette pierre qui la porte. Pleine de « drailles et de ruines » , de « veines et de failles ». Seule, dans sa robe de lin noir .
« Qu'est-ce donc que quelques années encore de vie, quand on est riche de tant de pertes ? », nous le rappelle l'auteure à travers les mots de
Pierre Michon.
Vita de Favitas. Celle qui porte les absents, celle qui modèle un bol d'argile rouge pour recueillir la parole des morts.
« On est au bout du monde, et ils m'emmerdent à dire ça puisque c'est aussi le centre du monde si je veux, et je le veux, je l'ai toujours voulu ».
Vita, un phare, une veilleuse, celle qui conte ses sept vies.
Elle porte les ombres. Elle veille sur
l'anse des coquelicots, qui ne sera jamais cimetière. Gardienne silencieuse et souveraine. Une île, le dernier îlot face à un monde de guerre, de folie. Vita ne connaît pas la perte, elle sait le poids de l'absence. Les morts, c'est : « mon peuple à moi, l'autre troupeau qui suit les chèvres dans la garrigue, puise que j'ai jamais été fichue de vivre avec les vivants ». Elle est immense, Vita, face à l'océan, immense de présence pour ceux qui connaissent la perte de l'Autre. Elle accompagne, protège, soigne. Parle peu, mais porte, porte le poids pour ceux qui doivent vivre.Elle accueille et recueille.
C'est cela le pouvoir de l'écriture. Modeler un monde, comme on modèle la terre. On creuse, on déverse, on vide, on enflamme, on recueille. Et puis Vita se dresse, on sait que l'île existe, on sait que Vita veille, on sait que quelque part au centre du monde il existe, et existera à tout jamais au creux du lecteur, une richesse. Celle d'une parole, pour laquelle Vita a modelé un bol d'argile rouge.
C'est un roman d'une beauté minérale, océane.
Astrid Shriqui Garain