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EAN : 9782847067330
258 pages
Charles Corlet (10/06/2021)
4.12/5   4 notes
Résumé :
En période de crise, certains pans de la société sont toujours suspectés par les pouvoirs en place d’être des ennemis potentiels : à cause d’un engagement politique, où même leur non-engagement peut devenir suspect, en raison d’une appartenance à une nation ennemie, etc. En France, pendant la drôle de guerre, à la suite de la signature du pacte germano-soviétique et de la dissolution du Parti communiste, le gouvernement Daladier décide d’éloigner du front et d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
En entendant « camps d'internement » ce qui vient à l'esprit ce sont souvent les croix gammées, les trains, l'Allemagne, la Pologne… éventuellement Drancy mais personne ou presque ne pense que cela ait pu exister en France en dehors de la période de la seconde Guerre Mondiale et que si cela a existé c'est du fait du régime de Vichy. Et pourtant… La France n'a en fait pas attendu l'exemple nazi pour mettre en place ce type de système.
Thierry MARCHAND s'est intéressé aux camps d'internement en France de 1939 à 1940 et à la manière dont furent traités les indésirables qui furent internés.

D'abord il nous fait un rappel historique très intéressant et méconnu. En effet la déportation a été mise en oeuvre en France dès 1902 à l'encontre de certaines congrégations religieuses peu connues que l'on a expulsé après leur avoir confisqué tous leurs biens. -Tiens ça ne vous rappelle rien ?- Un texte légitimait ces actes puisqu'il existait un « délit de congrégation ».
En 1914, sur la base d'un loi de 1849 qui permettait « d'éloigner les repris de justice et les individus qui n'ont pas leur domicile dans les lieux soumis à l'état de siège » vont être « éloignés » tous les Austro-Allemands, les Alsaciens-Lorrains, français repris de justice, mendiants, sans domicile, prostituées étrangères… brefs tous ceux considérés comme gênants.
L'organisation est à chaque fois la même : un triage selon des critères déterminés et certaines catégories de personnes envoyées dans des lieux « spéciaux ». - Là non plus ça ne vous rappelle rien ?-
En 1939 quand le pacte Germano-Soviétique est signé et que les 2 pays se partagent la Pologne, la France le vit comme une véritable trahison. Tous les communistes sont associés aux Russes et deviennent des traîtres. le gouvernement français de l'époque n'hésite pas : arrestation en masse des communistes (pas seulement d'ailleurs) et déportation. 5 lieux sont créés à cet effet en région parisienne où seront internés les indésirables, essentiellement des communistes. Syndicalistes, élus communistes mais aussi ouvriers sympathisants. Pour la plupart il s'agit de gens qui travaillent dans les usines ou les ateliers. Quelques repris de justice seront ajoutés histoire de donner l'impression que ce qui sont traqués sont dangereux, mais ils sont en fait minoritaires. Certains seront même déportés en Algérie ou dans d'autres colonies Françaises, d'autres livrés aux Allemands et fusillés. Des gens arrêtés et internés parce qu'on leur reprochait leurs idées. Rien d'autre!
Il est étonnant de constater qu'à chaque fois le cadre juridique prévoyait tout afin que ces méthodes restent dans la légalité. L'État français avait donc tout prévu avant même le régime de Vichy. Pour ce qui est de la période 39/45 il ne restera plus à ce gouvernement qu'à appliquer aux juifs les méthodes éprouvées sur les communistes. Albert SARRAUT, ministre de l'intérieur en 39 parle d'ailleurs d'épuration : « La présence d'une lie de gens sans aveu, repris de justice, ou vagabonds spéciaux appellent une besogne d'épuration »… Une « besogne d'épuration » quels termes horribles pour parler d'êtres humains.
Il est un peu facile aujourd'hui d'accuser le régime nazi et le gouvernement de Vichy de tous les évènements embarrassants de l'histoire de France. Il y aurait peut être un tri à faire.
La deuxième partie du livre reste tout aussi intéressante. Elle aborde le problème de manière plus concrète en exposant la vie quotidienne de ces indésirables dans les camps, ce qui a dû demander à l'auteur un travail minutieux et colossal de recherches.
Les annexes ont également un intérêt. On y retrouve le cadre juridique évoqué au début du livre ainsi que des témoignages plus personnel et donc plus touchants de personnes déportés.

Un livre « made in Normandy » (c'est la quatrième de couverture qui le dit) passionnant d'un point de vue historique et humain mais qui a surtout le mérite de mettre en lumière une période méconnue de l'Histoire de France.

Merci beaucoup à Babelio pour cet envoi suite à une masse critique, ainsi qu'aux éditions Charles CORLET qui ont même pris la peine de joindre leur catalogue et un petit mot très sympathique.
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Une France qui n'a pas attendu Vichy pour se déshonorer.


Avant-guerre, la France comporte de très nombreux camps d'internement, les plus connus étant ceux qui servirent à l'emprisonnement des Républicains espagnols. Suite au pacte germano-soviétique, le gouvernement de Daladier va arrêter et regrouper, dans des camps, ceux qu'il appellera des "indésirables". Il internera ces personnes qui n'avaient commis aucun délit, grâce à une simple procédure administrative et sans jamais aucun procès, ni jugement. Ces indésirables sont pour la plupart des militants communistes souvent élus, maires, conseillers municipaux ou syndicalistes et pour un tout petit nombre, des droits communs (proxénètes, truands notoires) qui sont là juste pour rassurer les bien-pensants de l'époque et montrer que l'ordre règne.



Toutes ces personnes, souvent parisiennes ou de la grande couronne, vont passer par des camps situés autour de la capitale. C'est l'histoire de ces camps que l'auteur nous raconte sur une période très courte puisqu'elle débute fin 1939 et se finit en juin 1940.


Le premier d'entre eux est, tout simplement et de manière incroyable, le stade de Roland Garros qui accueillit dans des conditions épouvantables les premiers prisonniers avant de servir de camp de transit et de triage. Les autres camps sont situés à Baillet en France , Vaujours et à Saint benoit. Thierry Marchand nous dresse le portrait d'un certain nombre de ces "indésirables" grâce aux nombreux témoignages qu'ils ont laissés et d'après quelques archives consultables. En effet, beaucoup sont encore classées quand elles n'ont pas tout simplement disparu. Nous en apprenons un peu sur les conditions de vie souvent précaires de ces hommes mais aussi sur leur devenir.


Certains réussirent à s'échapper, beaucoup furent internés pendant toute la durée de la guerre, d'autres furent envoyés dans des camps en Algérie et malheureusement un petit nombre d'entre eux furent livrés aux allemands comme otages par le gouvernement de Vichy et furent fusillés.

Un ouvrage très intéressant, parfaitement détaillé et éclairant sur une période méconnue de notre Histoire. Un très bon travail d'historien.


Cela reste une honte pour la France et le gouvernement de cette époque car il faut le rappeler, ces gens ont été emprisonnés simplement pour leurs idées et la peur qu'elles inspiraient. Ils ne furent jamais jugés ni condamnés mais malgré tout, certains y laissèrent la vie. Aucune plaque commémorative, y compris à Roland Garros, n'est là pour le rappeler.


Merci à Babélio et aux éditions Charles Corlet pour cet envoi et pour le petit mot d'accompagnement.
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Un documentaire qui raconte des camps d'internement un peu spéciaux. Ceux pour les indésirables. Enfin indésirable aux yeux d'un gouvernement qui les juge dangereux. C'est ainsi que de nombreux communistes seront " éloignés". Des élus surtout, mais aussi des syndicalistes et de simples militants. Il y aura aussi des anarchistes et d'autres.
Ce livre raconte une histoire méconnue, les raisons de ces éloignements, les camps, les transferts, la vie dans ces endroits et le travail forcé...Surprise de voir que Roland Garros, construit en 1928, a été camp de triage en 1939 pour nombres d'indésirables qui ne faisaient qu'y passer.
Largement illustré de photos et de quelques tableaux les faits sont précis, quelques témoignages donnent de la force à ces pages qui ne font pas honneur à la France. Nous sommes en 1939/1940, l'époque n'est pas simple mais l'anticommunisme submerge le pays alors il est plus simple de se « débarrasser « de gens jugés suspects et y ajoutant ceux (moins nombreux) considérés comme individus dangereux et ceci en dehors de tout procès et jugement.
Des noms, des chiffres, des abominations, des morts… Ces indésirables ont payé un lourd tribut. J'ai été surprise de voir tous ces noms d'élus, beaucoup étaient de milieu ouvrier. Ils venaient de la ceinture rouge de Paris. C'est tout un pan d'une histoire oubliée. Il reste à se souvenir que ces gens étaient souvent humbles et dévoués, ce livre les remet à leur place dans l'histoire.
Des camps il y en a encore en France. Ils s'appellent centre de rétention administratifs. Une autre histoire. Personne ne retiendra les noms de ceux qui y transitent. La France fabrique encore des indésirables.

Merci à masse critique et aux éditions Charles Corlet pour cet envoi. ( Un livre made in Normandy)
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Les bagnards du camp de Vaujours n'ont aucun droit, ils n'ont que des devoirs. Ils ne sont pas militaires, ni civils, ni détenus de droit commun. Ils sont des indésirables tout simplement.
Comme tel ils ne sont pas habillés par l'autorité militaire, ils doivent faire des corvées et des travaux ... Ils ne sont pas payés comme le sont les condamnés de l'administration pénitentiaire. Ils n'ont droit à aucune allocation pour leurs femmes et leurs enfants.
Le percepteur peut les poursuivre pour le paiement de leurs impôts, leurs enfants peuvent mourir de faim, ils peuvent être expulsés faute de paiement de leurs loyers.
Rien n'a été prévu pour compenser leur internement arbitraire...
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A la Chambre, Marius Moutet s'élève contre ces arrestations sans inculpation, sans magistrat, en dehors de tout procès ou jugement...
... car un préfet peut, sans enquête, sans jugement et jusqu'à la fin des hostilités, éloigner un individu de sa résidence, le transporter dans un centre et l'astreindre à des travaux. Ce décret viole toutes les règles de la justice et ouvre la porte aux délations, à la vengeance et la haine.
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Ces indésirables français, persona non grata pour des raisons politiques ou du fait de leur passé judiciaire, ne sont donc pas internés et éloignés de Paris après une inculpation, un procès, un jugement ou à la suite d'un délit de fuite.
Leur arrestation a lieu dans le cadre d'une procédure administrative, donc à titre purement préventif...
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Un grand nombre d'ouvriers grévistes sera fichés par le ministère de l'Intérieur à l'occasion des grèves du 30 novembre 1938, et il ne sera pas rare de retrouver des allusions à cette grève dans les dossiers d'arrestation des militants communistes pendant la "drôle de guerre" mais également lorsque le gouvernement de Vichy devra désigner des otages à l'occupant.
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En 2016, la France compte 50 centres ou locaux de rétention administratifs pour les étrangers. Chaque année, près de 50 000 personnes sont enfermées dans ces centres.
L'internement des indésirables, comme les camps n'ont pas disparus.
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