Bien sûr, dans
Poison d'or, il y a une intrigue, tous les éléments d'une enquête policière, avec un accident qui évoque un crime, des recherches autour de sombres trafics, et puis, surtout, parmi les charmes romanesques du texte, l'évocation d'une famille, de son attachement à ce coin du pays catalan, des relations fortes, d'amour et, parfois, de conflits, avec Joseph, le père, et sa mère, Maryse, de l'amitié de Gabriel, le journaliste protagoniste du récit, avec Turc, son grand copain d'enfance. Mais le roman, ici, est un piège, quand l'histoire invite à découvrir une réalité glaçante, la pollution très toxique et durable de toute une région au pied de la Montagne Noire, en particulier des villages en bordure de la mine, aujourd'hui désaffectée, de Salsigne. Pendant plus d'un siècle, dans cette vallée de l'Orbiel, au nord de Carcassonne, on a extrait, en effet, de l'or, mais aussi de ces métaux lourds et matières nocives qui souvent l'accompagnent, mercure, cyanure et, surtout, arsenic…, un poison tenace et violent, dont les effets persistent à long terme, pour provoquer malformations et cancers, et dont le texte de
Jean-Michel Mariou rappelle utilement qu'il fut le composant principal du fameux agent orange que les américains répandirent largement sur les campagnes vietnamiennes, avec les conséquences que l'on sait, et pour cette mine catalane, quelques années de bonne fortune ! le roman raconte ce siècle d'exploitation, les péripéties de cette industrie, ballotée entre les intérêts privés et le rôle de l'Etat, les luttes des ouvriers, les effets des guerres et les combats de la Résistance. Dans un territoire où l'autre enjeu local - très présent dans le roman, quand Joseph, le père, se résigne finalement, en s'arrachant le coeur, à abandonner son métier de viticulteur pour entrer à la mine – est la survie de la vigne et de la production du vin, quasi délaissée à partir des années soixante-dix, la mine est la grande pourvoyeuse d'emplois, une source de richesse sociale, qui empêche trop souvent de considérer l'autre face de la montagne magique, la mine comme semeuse de mort, condamnant toute une région à vivre sous la menace d'un empoisonnement permanent, à s'interdire de consommer l'eau du cru et les légumes cultivés dans les jardins… La grande force du texte de
Jean-Michel Mariou est d'arriver à entraîner son lecteur à découvrir cette réalité-là et dans quel creuset historique elle s'est forgée, en évitant l'écueil d'une pesanteur documentaire, en montrant comment les échos de ce drame économique et environnemental bouleversent les destins de ses personnages. Quand la fiction, ainsi, nourrit de la puissance de l'imagination le témoignage engagé, on applaudit autant qu'on se convint qu'il reste tant à faire pour combattre les méfaits de la folie des hommes… Merci,
Jean-Michel Mariou, de nous ouvrir les yeux sur ce qui fut, peut-être, votre coin de paradis, avant de devenir ce val d'enfer !