MONSIEUR DAMIS, les premiers mots à part. – Ceci me chagrine : mais je l’aime trop pour la céder à personne. Frontin ! Frontin ! Approche, je voudrais te dire un mot.
FRONTIN. – Volontiers, Monsieur ; mais on est impatient de vous voir.
MONSIEUR DAMIS. – Je ne tarderai qu’un moment, viens, j’ai remarqué que tu es un garçon d’esprit.
FRONTIN. – Eh ! J’ai des jours ou je n’en manque pas.
MONSIEUR DAMIS. – Veux-tu me rendre un service dont je te promets que personne ne sera jamais instruit ?
FRONTIN. – Vous marchandez ma fidélité ; mais je suis dans mon esprit, il n’y a rien à faire, je sens combien il faut être discret.
MONSIEUR DAMIS. – Je te payerai bien.
FRONTIN. – Arrêtez-donc, Monsieur, ces débuts-là m’attendrissent toujours.
MONSIEUR DAMIS. – Voilà ma bourse.
FRONTIN. – Quel embonpoint séduisant !
[L'École des Mères]
TRIVELIN. – […] Là, je n’entendis parler que de sciences, et je remarquai que mon maître était épris de passion pour certains quidams qu’il appelait des anciens, et qu’il avait une souveraine antipathie pour d’autres qu’il appelait des modernes ; je me fis expliquer tout cela.
FRONTIN. – Et qu’est-ce que c’est que les anciens et les modernes ?
TRIVELIN. – Des anciens…, attends, il y en a une dont je sais le nom, et qui est le capitaine de la bande ; c’est comme qui dirait un Homère. Connais-tu cela ?
FRONTIN. – Non
TRIVELIN. – C’est dommage ; car c’était un homme qui parlait bien grec.
FRONTIN. – Il n’était donc pas Français cet homme-là ?
TRIVELIN. – Oh ! Que non, je pense qu’il était de Québec, quelque part dans cette Egypte, et qu’il vivait du temps du Déluge. Nous avons encore de lui de fort belles satires, et mon maître l’aimait beaucoup, lui et tous les honnêtes gens de son temps, comme Virgile, Néron, Plutarque, Ulysse et Diogène.
FRONTIN. – Je n’ai jamais entendu parler de cette race-là, mais voilà de vilains noms.
TRIVELIN. – De vilains noms ! C’est que tu n’y es pas accoutumé : sais-tu bien qu’il y a plus d’esprit dans ces noms-là que dans le royaume de France ?
FRONTIN. – Je le crois. Et que veulent dire : les modernes ?
TRIVELIN. – Tu m’écartes de mon sujet, mais n’importe ; les modernes, c’est comme qui dirait… toi, par exemple.
[La Fausse Suivante]
LE CHEVALIER. - En un mot, tu es un coquin.
TRIVELIN. - Vous voilà dans l'erreur de tout le monde.
LE CHEVALIER. - Un fourbe de qui je me vengerai.
TRIVELIN. - Mes vertus ont cela de malheureux, qu'elles n'ont jamais été connues de personne.
[La Fausse Suivante]
LE CHEVALIER. - Donnez-moi votre cœur pour compagnon de voyage, et je m'embarque.
LA COMTESSE. - Hum ! nous n'irons peut-être pas loin ensemble.
LE CHEVALIER. - Eh ! par où devinez-vous cela?
LA COMTESSE. - C'est que je vous crois volage.
LE CHEVALIER. - Vous m'avez fait peur ; j'ai cru votre soupcon plus grave ; mais pour volage, s'il n'y a que cela qui vous retienne, partons ; quand vous me connaîtrez mieux, vous ne me reprocherez pas ce défaut-là.
[La Fausse Suivante]
Trivelin : Mes créanciers sont de deux espèces : les uns ne savent pas que je leur dois; les autres le savent et le sauront longtemps.
(La Fausse Suivante)
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv :
https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Savez-vous quelle pièce de théâtre parle pour la première fois du consentement ? Bien avant MeeToo, très exactement 300 ans plus tôt …
« La double inconstance » de Marivaux, c'est à lire en poche dans la collection Etonnants Classiques.