Comme une grande partie de la planète, vers 8000 av. J.-C., l’Égypte est affectée par la fin de la dernière glaciation. La fonte des glaces fait remonter progressivement la mer Méditerranée d’une centaine de mètres. Elle noie les côtes, dont le littoral de l’Égypte. Le Sahara qui couvre le nord de l’Afrique, Égypte comprise, bénéficie encore d’un climat humide. Parsemé de lacs et de marécages, il offre un paysage de savane. Un régal pour les chasseurs cueilleurs de la préhistoire qui laissent comme traces de leur passage d’admirables peintures et gravures rupestres.
À Éléphantine, au sud de l’Égypte, les prêtres surveillent l’arrivée de la crue. Pas à l’oeil nu. Ils bénéficient de l’assistance d’un nilomètre. Comme son nom l’indique, cette construction mesure le Nil ou plutôt son niveau. En forme de puits, il communique avec le fleuve. Les prêtres y descendent par un escalier. Puis, ils se penchent vers les graduations taillées sur une des parois. Le verdict tant attendu tombe enfin. Le fleuve monte ! Il continue à monter ! Normalement, trop vite ou pas assez. Ou pire, il ne s’élève pas du tout.
Kemet, qui était le nom du double pays au temps des pharaons, est une appellation qui n’a pas survécu. C’est le nom grec Aiguptos qui s’est imposé hors du pays. Mentionné au XVIIIe siècle av. J.-C. dans une écriture grecque, il revient dans les poèmes d’Homère au IXe siècle av. J.-C. Une hypothèse le fait dériver du nom donné au temple du dieu Ptah à Memphis : Hout-ka-Ptah, la demeure du ka de Ptah. En Égypte même, c’est le mot arabe Misr prononcé aussi Masr qui a pris le dessus. Il signifie tout simplement « le pays » ou « le territoire ». Il est l’héritier direct du terme sémitique qui désignait déjà l’Égypte antique chez les Hébreux. Aiguptos a aussi donné le mot « copte », terme qui désigne aujourd’hui la communauté chrétienne du pays. On lui doit aussi les mots « gipsy » et « gitan », car on croyait jadis, à tort, que les gens du voyage étaient venus d’Égypte en Europe.
Après sa naissance, l’écriture évolue. Lentement. De nouveaux signes s’ajoutent aux anciens. Comme on l’a compris, les Égyptiens inventent les hiéroglyphes en s’inspirant de l’univers qui les entourent. Les groupes de hiéroglyphes les plus anciens s’enrichissent de nouveaux dessins. De nouveaux groupes sont créés : les divinités, le mobilier de culte et les emblèmes sacrés, les pains et les gâteaux, les instruments de l’écriture, les jeux et la musique. L’écriture compte 750 signes environ jusqu’à l’époque ptolémaïque (332-30 av. J.-C.). Les signes connaissent alors une inflation galopante. Les prêtres les multiplient presque par dix !
Les habitudes ont la vie dure : d’accord pour l’agriculture, mais d’abord seulement comme appoint à la pêche, à la cueillette et à la chasse. Tenace, l’agriculture les détrône tout de même progressivement. D’abord dans le Delta, puis en Haute-Égypte. Impossible d’ignorer les avantages qu’offrent culture et élevage. La bougeotte, c’est fini. Les peuples se sédentarisent. Des villages surgissent de terre, qui se hérissent de petites maisons rondes, ovales ou rectangulaires, bâties avec des poteaux et du pisé, mélange de boue et de paille. Les morts aussi ont leur demeure, dans les cimetières installés à proximité des villages.