Speak to Me ...
Comment dire ?
Il s'agit d'un ouvrage à la fois lourd et léger.
Lourd parce qu'avec ces 359 pages et son grand format, il doit peser le poids d'un nouveau né moyen et qu'il est de ce fait, malaisé de le lire à bout de bras (mais il existe une version brochée, moins chère et plus pratique).
Léger parce qu'on y apprend pas grand chose si on s'intéresse tant soit peu aux
Pink Floyd et que le style de Mason semble coller à son parcours : assez fin et intéressant dans les débuts, mièvre et banal vers la fin.
Il se divise en une douzaine de chapitres que je vais détailler.
1. Les années archi
C'est le temps de la Regent street Polytechnic School of Architecture où
Nick Mason rencontre
Roger Waters puis
Rick Wright (qui changera de voie plus tard). Roger est déjà présenté comme le gars impliqué mais difficile, ce que la suite confirmera. C'est la création de l'embryon de groupe qui s'appellera "Architectural Abdabs", puis "Tea Set"... et s'oriente vers un pur style de R&B. C'est le début des éclairages psychédéliques bricolés par un de leurs professeurs (Mike Leonard).
Sinon, c'est le parcours classique du groupe de rock : changements de personnels, recherche d'un nom, manque de moyens (superbe photo avec des Vox en carton...)
2. Underground
Ça y est, ils s'appellent
Pink Floyd. Ce sont les débuts hasardeux, les concerts dans les salles les plus surprenantes (comme une église...) et l'apport de Barrett qui leur fait quitter le R&B pour...euh...définitivement quelque chose à part. Ce sont les mythiques concerts à l'UFO club.
3. Syd parade
Evoque leur 1er album sous la férule hallucinée de Syd Barrett.
4. A chacun sa part
Syd ayant définitivement pété les plombs (il faut dire que plusieurs trips par jour doivent facilement vous transformer en Acid King schizophrène), son "aide" et ami
David Gilmour prend définitivement la place pour l'album "A Saucerful of Secrets" (avec les paroles incroyables de la dernière chanson de Barrett dans "Jugband Blues" : "je vous suis très reconnaissant de préciser que je ne suis pas ici").
5. Changement de tempo
C'est le nouveau style de
Pink Floyd qui s'affirme avec "More", "Ummagumma", et surtout, "Atom Hearth Mother" et "Meddle" (on sent que Mason a encore honte de "Seamus"). Les shows se complexifient.
6. La lune n'a pas de face cachée
"Dark Side of the Moon" : quand le groupe bascule dans une autre dimension...à tous niveaux.
7. Dur labeur
Comment trouver un successeur à "Dark Side" en restant original ? En perdant des semaines à faire des expérimentations de son vaseuses, en retardant au maximum le moment de s'y mettre...Ils n'y sont plus : le groupe a atteint tous ses objectifs, leur vie privée bat de l'aile.
Et puis le choc de la vision d'un Syd Barret obèse et déphasé..."Wish you where here" (où ils vont quand même reprendre l'idée des verres musicaux pour l'intro).
8. L'ère du gonflable
Après la pyramide gonflable des tournées "Dark Side...", voici le cochon volant. Mêmes motifs, même punitions avec des difficultés techniques à la pelle... Au niveau musical, titillés par les punks, les dinosaures durcissent le son. Gilmour lui est chagrin : en scindant le titre "Pigs On the Wing" en 2, Waters va gagner plus que lui (la rémunération s'établit au nombre de chansons...). Wright commence à décrocher, Mason ne s'intéresse plus guère qu'aux courses automobiles.
9. Les briques d'un mur
Le groupe est aux abois après avoir été escroqué et devoir des arriérés d'impôt monstrueux. Waters leur fait choisir entre les maquettes qui deviendront "Pro and cons of Hitch Hicking" et "The Wall". Les problèmes d'égo sont insolubles, Wright et Mason ne participent plus guère et deviennent de plus en plus des accompagnateurs.
Mais le succès au final sera fabuleux et les rares shows, complexes.
10. Problèmes de communication
Le capitaine Waters a pris la barre du navire et
Pink Floyd prend l'eau. Seul Gilmour tente de résister à la main mise du grand Roger, mais ses compositions ne suivent pas.
11. A vos marques… Prêts ? Repartez !
Mason et Gilmour (Wright est allé se faire voir chez les Grecs) veulent faire un album ensemble, sans Waters, mais sans abandonner
Pink Floyd pour autant. D'un autre côté, Waters donne l'impression de saborder le vaisseau amiral pour pouvoir enfin évoluer en solo.
12. La morale de l'histoire
L'album "A momentary Lapse Of reason" (quel titre !), puis "Division Bell" qui au fond ne satisfont pas grand monde (mais les
Pink Floyd vont beaucoup axer leurs concerts sur le show technique). Il s'agit surtout de montrer à Waters que
Pink Floyd peut vivre sans lui.
Post-scriptum
C'est la note d'espoir. Après des années de séparation, Waters invite Mason à le rejoindre sur une tournée.
Chronologie
Principales dates de la carrière des
Pink Floyd.
Et tout ça donne quoi ?
Beaucoup de détails techniques sur les conceptions des effets spéciaux (à le lire, on a quand même l'impression qu'ils foiraient une fois sur deux), sur les machins gonflables, les courses automobiles de Mason, certains détails de tournée...
Mais pour le reste, Mason donne l'impression gênante de n'être guère impliqué, ni comme batteur (il dévalue son rôle la plupart du temps -il faut dire aussi qu'il perdra quand même un peu pied à la fin), ni même réellement comme témoin de son temps. Ainsi, quand il croise Hendrix, Cream ou les Who, j'aurais aimé davantage de détails.
L'épisode crucial de l'éviction de Barret et dans une moindre mesure, le limogeage de Wright (il sera réembauché comme salarié !) semblent traités par dessus la jambe.
Les anecdotes de studio, de conception d'albums...Tout ça est sous traité.
L'humour assez présent au début du livre, s'effiloche et on sent Mason en permanence en train de marcher sur la corde raide. Comme il a fait relire son manuscrit à Waters et Gilmour qui l'ont tous les 2 sérieusement amendé, le résultat donne un ton mi-chèvre, Michou (comme on dit dans certains cabarets). C'est de l'eau tiède !
Bref, ça commence fort et puis ça se délite et finit par ennuyer (à part les photos).
Dommage.
Hey Mason, j'aurais aimé que tu sois davantage là.
Si tu n'en avais rien a faire de ce qu'il pouvait m'arriver.
Et que je n'en avais rien à faire de toi.
Nous aurions zigzagué au travers de l'ennui et la douleur, à l'occasion, jeté un coup d'oeil a travers la pluie.
En se demandant lequel de ces emmerdeurs est à blâmer
Et en espérant voir des cochons ailés... (Animals)