Avec sa trilogie « le sang du Capricorne »,
Bernard Mathieu nous emmène au Brésil, sur les traces d'individus aux destins douloureux... Chacun des volumes qui composent cette trilogie a pour titre le prénom de l'un de ses personnages principaux.
Dans le troisième opus, nous retrouvons Carmelita, dont le prénom a donné son titre au roman. Accompagné de son fils aîné Emerson -16 ans- elle débarque à Rio de Janeiro. Loin des avenues ombragées, et des Cariocas bronzés et nonchalants que les images télévisuelles lui avaient fait imaginer, elle se retrouve dans la puanteur et la promiscuité, à vivre au milieu des excréments des favelas, dont certaines baraques à flanc de colline menacent à tout instant de dégringoler quelques centaines de mètres plus bas. Malgré son courage et sa persévérance, malgré les exigeants espoirs qu'elle nourrit pour Emerson, qu'elle souhaite instruit et honnête, elle ne sera pas de force à lutter contre le poids de la misère qui plombe la jeunesse de ces quartiers considéré comme "le premier cercle de l'enfer". Son fils, bouillonnant de sa libido insatiable d'adolescent, miné par le besoin d'argent, ne fera pas exception et tombera, comme les autres, dans les bras de la délinquance...
Dès les premières pages de la trilogie, le décor est planté : loin des images scintillantes du carnaval, des clichés footballistiques, nous plongeons dans le Brésil de la misère, au sein de quartiers dont les habitants sont condamnés à mourir jeunes, après une vie de galère, de violence, à tenter de gagner chaque jour de quoi manger et/ou nourrir leurs familles. Nous ne sommes pas en Inde, mais c'est bien une société de castes que décrit
Bernard Mathieu. Accéder aux classes moyennes si l'on est issu des favelas est considéré comme un tabou, et les plus nantis, pourtant loin d'être exemplaires -certains seraient plutôt des modèles en matière de corruption et de perversion-, ne considèrent même pas les plus pauvres comme des êtres humains, préférant les expulser bien loin de leurs luxueuses résidences pour ne pas avoir sous les yeux le spectacle de leur indigence... Zé lui-même, parce qu'il est issu des basses couches de la population, subit une discrimination muette mais tangible de la part de ses collègues. Il est conscient que son statut de pauvre annihile toute valeur liée à sa personne et à son existence. Dès le départ, le lecteur devine que Brasilia, où les maîtres mots sont pouvoir et business, n'en fera qu'une bouchée, que sa naïveté et sa foi le rendent d'autant plus vulnérable dans un monde où la corruption et la cupidité semblent représenter les seules planches de salut, bien qu'elles occasionnent aussi la perte de certains...
Avec une écriture alliant puissance d'évocation et limpidité,
Bernard Mathieu nous livre un récit à la fois sombre, sensuel et vénéneux. J'ai pour ma part préféré le premier volet de sa trilogie, que j'ai trouvé très efficace et maîtrisé. le deuxième opus, prometteur dans la mesure où l'auteur s'attache à y dépeindre des personnages dont la psychologie devient plus complexe au fil du récit, comporte des longueurs qui ont parfois émoussé mon intérêt. J'ai trouvé par moments que "Carmelita" souffrait du même défaut, mais dans une moindre mesure. de plus, l'auteur dépeint le cadre de son récit, dans ce dernier ouvrage du "Sang du Capricorne", avec un tel talent, qu'on lui pardonne aisément ce petit travers...
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