Une société de l'imposture est une société qui se base sur l'autorité magique générée par la valse des nombres pour fonder sa légitimité et son système de valeurs. En tout cas c'est ce que racontait
Roland Gori un jour tandis que j'écoutais la rediffusion sur France Cul, la radio pour ceux qui n'ont pas envie de chercher bien loin (https://www.franceculture.fr/conferences/universite-de-nantes/
la-fabrique-des-imposteurs-et-la-toute-puissance-du-pervers), ceci tout en me brossant les dents et en tentant d'effacer les traces de coussin gravées sur ma face édentée avant d'aller au boulot me faire chier. On a l'opium que l'on mérite. Dans une société de l'imposture, rien de tel que de parler en nombres et chiffres.
Thomas Melle a tout compris :
3000€, c'est le titre qui accroche l'oeil dans les rayons de la bibliouc lorsqu'on erre à la recherche d'un bouquin de prolétaire. Merde, les gens de mon calibre n'ont pas toujours envie de lire des histoires avec des hippies libérés qui partent à l'autre bout du monde rencontrer l'altérité avant qu'elle ne devienne immigrance.
Bref, l'intrigue colle à la turpitude suggérée par le titre. Il s'agit d'une bête, étrange et mièvre histoire d'amour entre une mère célibataire et un mec transféré en centre de transition pour clochard.
3000 balles, c'est ce qui rapproche cet homme de cette femme.
3000 balles, c'est la somme que doit le mec sans quoi on lui collera un procès au cul.
3000 balles, c'est la somme qu'attend de recevoir la meuf en récompense de sa participation à un film de boules. le hasard fait bien les choses.
Thomas Melle est d'accord avec nous (c'est-à-dire avec moi) sur une chose : rien n'est simple dans ce bordel de couilles de monde. L'histoire pourrait être réglée en trois pages si la meuf, approximativement amoureuse du mec, décidait de lui refiler le salaire de son film de cul pour le sortir d'affaires. Mais ils n'ont pas gardé les cochons ensemble et qui sait de quoi demain sera fait ? D'ailleurs, le salaire n'arrive pas et il se peut que le film de boules n'ait été que pur bénévolat, baisant ainsi Denise deux fois. Cette histoire d'amour est un peu pourrie, comme dans toute société de l'imposture. Qui de l'autre sera largué en premier ? Telle est la question qui angoisse les amants éperdus qui n'ont même plus confiance en leur propre constance. Bref, cette histoire retombe un peu comme un soufflé surtout qu'à son apogée, c'était encore de la demi-molle. La chose-en-soi kantienne, la vérité éternelle et inatteignable de ce roman philosophique de la société de l'imposture, c'est cette somme en creux, cette somme qui n'existe pas mais qui fait tourner la tête et la vie de plusieurs branquignoles aussi inintéressants que vous et moi (et surtout moi) - mais on s'en porte bien après tout.