Il arrive parfois que certains grands auteurs de polars, qui nous régalent avec leurs héros récurrents, s'essaient à des oeuvres hors–série ou à des romans d'un autre genre. J'avoue avoir parfois été un peu déçu. Qu'en est–il lorsque
Deon Meyer délaisse Benny Griessel, Mat Joubert etc… et le genre polar, pour une incursion dans le roman d'anticipation post–apocalyptique ? C'est une réussite digne du chef–d'oeuvre !
L'Année du Lion est une pure merveille !
En plus, le lire en ce moment est un fabuleux clin d'oeil. Imaginez un peu : un coronavirus, provenant d'une chauve–souris, infecte le monde entier et tue 95 % de la population humaine. Tout cela écrit en 2016 ! Pour ma part, la coïncidence de l'épidémie actuelle de coronavirus est fortuite car, en prenant le roman, je ne savais pas de quoi il traitait. Heureusement, les similitudes entre fiction et réalité s'arrêtent là.
Deon Meyer décrit une société violente où les hommes sont revenus à l'état d'animaux, luttant pour leur survie. Mais ce n'est pas un simple roman de plus du genre. Il y a bien plus dans
L'année du Lion, qui oscille sans cesse entre des visions de l'humanité remplie d'espérance ou de noirceur. le père du narrateur construit une nouvelle société où la communauté est plus forte que l'individualisme. Sont développées toutes les valeurs et les qualités positives de l'homme : l'entraide, la solidarité, l'amitié, l'amour, mais aussi l'ingéniosité qui a permis à notre espèce de progresser. Mais, l'autre revers de la médaille humaine est les extrémités auxquelles l'instinct de survie pousse certains. Vols, viols, meurtres… Hormis ces personnes redoutables, les survivants doivent aussi composer avec de féroces meutes de chiens errants, rendus à la vie sauvage, une fois la civilisation humaine effondrée. L'auteur fait le parallèle entre ces hordes canines et les bandes de motards, qui pillent et tuent. Il fait dire à l'un de ses personnages, qu'homme et chien sont semblables. Une fois le vernis de la vie en société et de la civilisation a disparu, les deux redeviennent des animaux sauvages qui suivent leur instinct. C'est le contraire que veut démontrer le fondateur de la communauté d'Amanzi, en exploitant le meilleur de l'humanité. Mais, très vite, des dissensions apparaissent, qui entraînent des scissions. On voit aussi comment certains bonimenteurs profitent de la faiblesse psychologique des gens, dans cette condition de survie, pour s'ériger en faux prophète.
Outre l'histoire de cette communauté, le roman s'apparente de loin au polar car on apprend, dès la première page, que le fondateur d'Amanzi a été assassiné et que son fils, qui écrit plusieurs décennies plus tard, en guise de témoignage, est bien disposé à le venger la mémoire de son père.
La fin est très inattendue, tant sur l'identité des meurtriers, que sur la véritable origine du virus assassin… de quoi alimenter les âmes tourmentées des complotistes de tout poil.
Du fait de la pandémie actuelle, on a sorti
Deon Meyer de son confinement près du Cap, pour l'interviewer à propos de l'aspect prophétique de
L'année du Lion. L'auteur a déclaré qu'il avait pris beaucoup de plaisir à écrire ce roman, dont l'élaboration a pris 4 ans et qu'il avait, un temps, songé à continuer dans ce genre littéraire, mais que la situation actuelle l'amenait à abandonner ce projet… tout en affirmant que le confinement est un excellent contexte pour situer une nouvelle enquête policière.
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