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EAN : 9782882502148
176 pages
Noir sur blanc (12/02/2009)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Franceska Michalska naît en 1923 dans une famille polonaise de Volhynie, région frontière des confins polonais alors sous obédience soviétique. L’univers paisible de la société campagnarde traditionnelle de son enfance où Polonais, juifs et Ukrainiens cohabitent paisiblement depuis des lustres ne tarde pas à se fissurer. Les autorités politiques décident de mettre au pas la région. Cela commence par des arrestations et des exécutions arbitraires : deux de ses oncles... >Voir plus
Que lire après Accrochée à la vie : Volhynie, Kazakhstan, Pologne 1923-1951Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Née en 1923 en Volhynie, territoire arraché à la Pologne par l'injuste traité de Riga (1921), Franceska va voir sa vie de petite fille polonaise dans son petit monde paisible, campagnard et tolérant, basculer dans l'arbitraire aveugle et l'horreur absolue. Staline, qui détestait les Polonais, décide dans les années trente de « normaliser » la région. Aux arrestations arbitraires et aux exécutions sommaires (ses deux oncles sont fusillés lors de la « dékoulakisation ») succède une monstrueuse famine organisée pour affaiblir les paysans et les obliger à accepter la collectivisation de l'agriculture. Puis en 1936, c'est le village entier qui est déporté dans des wagons à bestiaux au fin fond du Kazakhstan, dans une steppe désertique et glaciale en hiver où il n'y a rien et même pas d'eau potable. Les gens meurent par dizaines et la vie doit s'organiser dans des conditions terribles. En 1941, Franceska entame un véritable parcours du combattant pour suivre des études de médecine qui l'entraineront d'Alma-Ata à Wroclaw en passant par Kharkov entre pérégrinations et vicissitudes. Elle survivra en se nourrissant de pain séché mélangé à de l'eau chaude, mais ne parviendra jamais à rapatrier ses parents dans la mère patrie.
Un très beau témoignage, rédigé avec une économie de moyens, sans aucun effet de style ni jugement de valeur qui nous touche au plus profond par sa sincérité et son authenticité. Des faits, rien que des faits, mais ils sont accablants pour le stalinisme qui ne fut qu'une variante du communisme et sans doute son aboutissement. Ce récit éclaire un pan peu connu de l'Histoire du vingtième siècle que certains voudraient voir occulté. (cf Katyn) Et au-delà de toutes ces horreurs, c'est une formidable leçon de courage et de volonté car elle parvient à forcer son destin et à échapper à un totalitarisme redoutable qui aurait dû l'anéantir. C'est une survivante (autour d'elle, nombreux seront qui ceux ne sont jamais revenus !) qui n'a jamais cédé et qui nous délivre un joli message d'espoir encore valable aujourd'hui.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Dans ma septième année, j'ai commencé à aller à l'école. Lors des hivers rudes et neigeux, il me fallait rester à la maison. Ni à Maraczowka, ni dans aucune petite ville alentour, on ne pouvait acheter de chaussures. D'autre part, tous les bénéfices de l'exploitation servaient à payer des impôts de plus en plus lourds. Notre père travaillait dur et lorsqu'il amassait quelques roubles, il disait : " J'arriverai encore à payer cet impôt, peut-être qu'ils n'en rajouteront plus. " Mais dès qu'un impôt était réglé, on nous ordonnait d'en payer un autre, plusieurs plus élevé que le précédent. En plus de l'argent, nous devions donner du blé, du bétail, du lait et des œufs. Dans les années 19330-32, avant les récoltes, il n'y avait plus rien à manger. Maman sortait du coffre les belles jupes, robes, châles en laine de son trousseau, qui datait encore de l'époque tsariste (mes parents se sont mariés en 1913) ; elle échangeait ces pièces contre quelques mesures de seigle ou de farine. C'était ainsi que nous arrivions à survivre, tant bien que mal, jusqu'aux moissons suivantes.
Dès qu'il fit chaud, je courus à l'école. L'instituteur constata que je savais lire et estima que je pouvais passer dans la classe suivante. Cependant, en deuxième classe, ce fut la même histoire. Avec les premières neiges, je cessai d'aller à l'école.
À l'automne, une nouvelle institutrice, une komsomole du nom de Horbaczenko, remplaça notre maître. Souvent, il n'y avait pas cours car, comme activiste, elle prenait part aux réunions du soviet rural, qui décidait de choses du genre : qui paierait le prochain impôt, les biens qui seraient vendus aux enchères et à qui on pourrait encore prendre quelque chose. Lorsque mon père ne fut plus capable de payer un énième impôt, les activistes décidèrent de nous enlever notre dernière vache, notre seule nourricière à l'époque. Notre génisse était très paisible, elle donnait un bon lait bien gras et se laissait traire par tout le monde. Assis à la fenêtre, nous les avons regardés l'emmener. Elle se retourna plusieurs fois, mugit, puis disparut à nos yeux.
Tous les jours, maman allait se poster devant le magasin pour m'acheter des chaussures. Il fallait attendre jusqu'au lendemain matin. Par deux fois, elle avait donné les soixante œufs exigés, mais le magasin n'était toujours pas approvisionné et moi, en attendant, je ne pouvais pas aller à l'école.
Un jour, je regardais par la fenêtre et j'attendais maman. De loin, j'avais bien vu qu'elle rentrait bredouille cette fois encore. De retour, elle a déclaré qu'elle n'irait plus faire la queue, car elle ne croyait plus à une hypothétique livraison de chaussures. Elle regrettait d'avoir donné des oeufs pour rien. Elle a recousu de vieilles chaussures de mon frère, a défait un coussin et a bourré mes bas de plumes pour que je ne gèle pas. Contente, j'ai couru à l'école, les pieds bien au chaud. L'institutrice n'était pas là, elle avait une réunion. Nous espérions qu'elle ne viendrait plus ce jour-là et nous sautions sur nos bancs, des bancs sur nos tables, des tables sur le sol. Au bout d'un moment, mes chaussures n'ont pas résisté à ce jeu, mes bas se sont déchirés et les plumes se sont envolées. Soufflant, toussant, nous l'avons poursuivi jusqu'au moment où l'institutrice a fait irruption dans la classe. Tous les enfants sont rentrés chez eux, mais moi, il m'a fallu remettre tout en ordre. L'institutrice a fait appeler Marysia, ma sœur aînée, pour m'aider. Avec l'eau du puits que nous allées chercher, nous avons lavé le sol pendant plusieurs heures, ramassé les plumes avec la serpillère et avec nos mains, mais sans grand résultat en vérité. Le jour suivant, la gazette placardée aux murs affichait nos caricatures : on nous y montrait sales et échevelées, avec des plumes qui nous sortaient du nez et des oreilles. Nous avons été la risée de tous les autres enfants.
C'est ainsi que s'est achevée ma scolarité en troisième classe de primaire.
Pour la quatrième, mes parents m'ont envoyée chez ma grand-mère à Berezdov. L'instituteur faisait souvent mon éloge. Mes nouvelles camarades étaient gentilles et ignoraient l'histoire des plumes.
La maison de grand-mère se trouvait dans la rue principale, bordée d'innombrables petites échoppes juives. Cette rue menait au rynek, la place sur laquelle se tenait le marché et qui constituait le centre de la petite ville. Quand un paysan mariait sa fille et qu'il lui manquait de l'argent, les juifs le lui prêtaient volontiers, car ils savaient que tout serait rendu avec surplus. Les relations étaient très bonnes en général. C'étaient d'excellents artisans. Ainsi, par exemple, pour ne pas avoir à se rendre en ville, on envoyait une charrette de Maraczowka pour aller chercher le tailleur Zejda, son employé et la machine à coudre. On les logeait tous deux dans la maison d'un paysan et on cuisinait casher. Et eux, en quelques semaines, cousaient des vêtements pour tout le village. Puis on les ramenait à Berezdov et les deux parties étaient satisfaites. Le tailleur prodiguait ses conseils pour le choix des vêtements et personne n'avait à se déplacer en ville pour les accessoires. Zejda m'a cousu, à moi aussi, une veste à partir d'une jupe de maman. Je trouvais cela dommage, car maman était très élégante dans cette longue jupe, couleur olive, qui datait de sa jeunesse. Elle était resserrée à la taille par une large ceinture avec une boucle décorative et agrémentée en bas par un galon à franges.
Quand elle était encore jeune fille, maman aidait ses voisins juifs au moment su sabbat : elle allumait les bougies, apportait de l'eau et faisait du feu dans les fourneaux puisque, comme on le sait, la religion ne leur permet pas d'accomplir le moindre travail ce jour-là. Une juive, Calycha, rendait souvent visite à grand-mère et elles s'entretenaient toutes deux pendant de longues heures. Les juifs les plus fortunés la payaient pour qu'elle se lamente pendant les enterrements et qu'elle prie à côté des tombes. Elle collait alors son oreille près du tombeau, écoutant ce que disait le mort pour le répéter à la famille. Mais comme souvent le mort n'était pas bavard, Calycha revenait plusieurs fois auprès du même tombeau.
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Dans la partie occidentale de notre continent, on garde surtout la mémoire de la barbarie nazie et on s'efforce de la maintenir vivante. Il s'ensuit une grande sensibilité aux crimes et méfaits du " fascisme " et des mouvements apparentés, qu'ils soient européens, latino-américains ou asiatiques. La vraie nature du système soviétique est moins connue et soulève moins de réactions émotionnelles comparables. En France, en Italie et dans bien d'autres pays de l'Ouest, l'URSS a même constitué pendant longtemps un objet de sympathie, sinon d'admiration, pour une grande partie de la société. De nombreux politiciens, intellectuels et hommes des médias y ont créé un climat qui a laissé des traces profondes et qui ne se dissipe que lentement.
Les Polonais connaissent trop bien la barbarie nazie. Ils furent les premiers à lui résister les armes à la main et ils en payèrent le prix. Certains segments de la population furent exterminés totalement, d'autres décimés d'une façon ayant peu de précédents dans l'Histoire. Les principales villes anéanties, le pays démembré. Le souvenir de ce cataclysme reste présent à leur esprit.
Mais ils se rappellent aussi quelle puissance a été, en 1939, l'alliée de l'Allemagne hitlérienne, a envahi l'est de leur pays, prêté main-forte à l'écrasement de la résistance polonaise, participé au partage de la Pologne et instauré un épouvantable régime de terreur dans les territoires occupés. La mémoire des Polonais, comme celle d'autres peuples de l'Europe du Centre et de l'Est, est donc différente de celle de leurs voisins occidentaux.
( Extrait de l'avant-propos de Jerzy Lukasewski, ambassadeur de Pologne en France de 1990 à 1996. )

Mais revenons aux souvenirs les plus importants. Je me rapppelle que mes parents venaient de terminer la construction de leur nouvelle maison qui était très belle. Maraczowka était un joli village avec des fermes proprettes ; les toits des maisons étaient soigneusement recouverts de chaume et des palissades en bois entouraient chaque ferme. La route était parsemée de petites campanules vertes, la terre était fertile et noire ; il y avait de magnifiques prairies et une rivière traversait le village. Mon père cultivait des pommes de terre et du blé, semait du millet, du lin, du chanvre, plantait des betteraves ; nous avions un grand potager. La terre bien entretenue donnait d'abondantes récoltes. Chaque activité se faisait au moment voulu ; rien, jamais, ne se perdait.
On avait déjà déporté " chez les ours blancs " les paysans les plus riches, les koulaks. Aucun n'est jamais revenu à Maraczowka et tous leurs biens ont été pillés.
À l'autre bout du village, il ne restait plus que Jozef Orlowski, un paysan très travailleur ; il possédait de beaux bâtiments aux toits recouverts de tuiles rouges. Un jour, une " brigade de choc " est arrivée de la ville et les hommes se sont introduits dans la propriété des Orlowski. Avec ma soeur, nous sommes accourues pour voir comment ils allaient s'y prendre pour les " dékoulakiser ". Les activistes ont grimpé sur les toits des bâtiments qu'ils se se sont mis à démonter. Les tuiles tombaient de toutes parts. Les poutres étaient grosses et lourdes ; ils les coupaient à la scie et les jetaient par terre en petits morceaux. Ils étaient accompagnés d'un accordéoniste qui jouait joyeusement et tout le village l'entendait. Jozef Orlowski et sa femme Walentyna couraient en tous sens pour sortir tout ce qu'ils pouvaient de la maison. Mais le démontage avançait vite. Ce n'est que lorsque les activistes se sont attaqués au plafond et que l'argile s'est déversée à l'intérieur de la maison, que les Orlowski se sont souvenus de leur fillette Fela, restée dans son berceau. Des colonnes de poussières s'élevaient dans la chambre, des planches et des gravats traînaient autour du berceau mais, par miracle, l'enfant était sauf.
Après avoir été " dékoulakisés ", les paysans obtenaient des papiers sans aucune valeur qui ne leur permettaient ni de se faire enregistrer auprès de l'administration, ni d'obtenir du travail. Le plus riche de nos voisins, Chotyna, a été arrêté, et on n'a plus jamais entendu parler de lui. Sa femme et ses filles, Tamara et Olga, ont été déportées. On n'a pas démonté leur maison, mais on en a fait une école de quatre classes. Les Orlowski ont eu plus de chance. Ils sont restés à Maraczowka. Dans le jardin, ils ont construit une petite maison en planches, semblable à une niche pour chien, et s'y sont installés avec leurs enfants, Wladek et Fela. Ils ont vécu ainsi six années entières jusqu'à notre déportation commune au Kazakhstan en 1936.
Dans ma septième année, j'ai commencé à aller à l'école. Lors des hivers rudes et neigeux, il me fallait rester à la maison. Ni à Maraczowka, ni dans aucune petite ville alentour, on ne pouvait acheter de chaussures. D'autre part, tous les bénéfices de l'exploitation servaient à payer des impôts de plus en plus lourds. Notre père travaillait dur et lorsqu'il amassait quelques roubles, il disait : " J'arriverai encore à payer cet impôt, peut-être qu'ils n'en rajouteront plus. " Mais dès qu'un impôt était réglé, on nous ordonnait d'en payer un autre, plusieurs plus élevé que le précédent. En plus de l'argent, nous devions donner du blé, du bétail, du lait et des œufs. Dans les années 19330-32, avant les récoltes, il n'y avait plus rien à manger. Maman sortait du coffre les belles jupes, robes, châles en laine de son trousseau, qui datait encore de l'époque tsariste (mes parents se sont mariés en 1913) ; elle échangeait ces pièces contre quelques mesures de seigle ou de farine. C'était ainsi que nous arrivions à survivre, tant bien que mal, jusqu'aux moissons suivantes.
Dès qu'il fit chaud, je courus à l'école. L'instituteur constata que je savais lire et estima que je pouvais passer dans la classe suivante. Cependant, en deuxième classe, ce fut la même histoire. Avec les premières neiges, je cessai d'aller à l'école.
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La faim ne tarda pas à se faire sentir. Grand-mère répétait :
-Mange, mon enfant, autant, autant que tu peux, ne t'inquiète pas. J'irai en ville. Les Juifs me donneront du pain à crédit.
Et cela se passa ainsi pendant tout l'hiver. Les uns et les autres se faisaient confiance, il était clair qu'on rendrait sa dette en été avec un pourcentage, sous forme d'oignons, d'ail ou de haricots. Pourtant, avec le temps, le pain se mit à manquer chez les juifs aussi. Et ce fut la fin de la vie à crédit. Grand-mère ne parvenait plus à se procurer quoi que ce soit. Lorsqu'ils revenaient de Maraczowka, mes parents racontaient que la famine régnait au village. Pourtant, jour après jour, des brigades d'activistes visitaient les maisons, défonçant les planchers à la recherche de provisions cachées.
À Berezdov aussi tout le monde ressentait la famine et de moins en moins d'enfants allaient à l'école ; les instituteurs eux-mêmes n'avaient rien à manger. Les conversations ne traitaient plus que de la famine et des provisions cachées qui avaient été entièrement mangées. Parfois, quelqu'un dénichait encore dans le grenier d'une remise un reste de vieux haricots, mais bientôt on ne trouva plus rien. Il fut impossible d'acheter ou d'emprunter quoique ce soit, ni en ville, ni à la campagne. Partout c'était la même chose. Dans les villes, nuit et jour, on voyait des queues devant les magasins, et si parfois on y distribuait un peu de pain, il y avait une telle cohue que très souvent quelqu'un mourait étouffé. Grand-mère finit par dire à maman :
-Emmène la petite, peut-être qu'au village tu trouveras plus facilement quelque chose, car ici les gens meurent de faim.
Personne n'attendait la fin de l'année scolaire, personne n'avait la force ni d'étudier, ni d'aller à l'école.
Je revins à Maraczowka. Le village était triste, on ne voyait pas d'enfants jouer dans les rues, mais uniquement les brigades du parti, en réalité des brigades policières, qui se comportaient de façon de plus en plus féroce, passant de maison en maison à la recherche de nourriture.
On créait sans cesse de nouveaux kolkhozes et beaucoup de paysans cédaient leurs chevaux, leurs charrettes et leurs charrues. Mais les chevaux n'étaient pas nourris et les charrues, abandonnées sous la pluie, rouillaient. Alors, au bout d'un moment, les gens se rassemblèrent et se rendirent en nombre dans la cour du kolkhoze pour reprendre ce qui leur appartenait, puisque cette forme d'économie collective n'était qu'une nouvelle fiction. Au bout d'un moment pourtant, la pression des autorités s'accentua et les plus craintifs y retournèrent. Les premiers à s'y rendre furent ceux qui se disaient les plus pauvres ou qui étaient les plus paresseux mais, par la suite, beaucoup de bons paysans furent obligés de rejoindre le kolkhoze. On tourmentait par des perquisitions incessantes ceux qui continuaient à résister, même si depuis longtemps il n'y avait plus rien à manger. Maman se rendait dans des villages plus riches pour échanger contre quelques pommes de terre ou un verre de lentilles soit un beau manteau, soit une robe, mais bientôt plus personne ne voulut même regarder ces vêtements.
À l'école de Maraczowka, on préparait quelquefois un bouillon de grumeaux de farine pour les enfants qui avaient encore la force de suivre les cours. J'y allai moi aussi, beaucoup de gens étaient assis et attentaient que quelqu'un arrive et apporte de la farine, mais personne ne se montrait et l'eau continuait à bouillir pour rien dans la casserole. Un jour, un activiste apporta un peu de farine ; une des mères fit quelques boulettes de pâte et les jeta dans l'eau salée qui bouillait très fort ; au bout de quelques minutes l'eau devint trouble et quelques boulettes plus ou moins grosses surnagèrent ça et là. Quelqu'un déclara que seuls les enfants dont les familles s'étaient inscrites au kolkhoze avaient droit au bouillon. Mais la nouvelle institutrice, très belle dans sa robe bleu marine à rayures rouges, en versa à tout le monde sans exception.
Je partageais mon banc d'école avec Helenka Stelmach. Alors que nous mangions notre soupe, j'ai remarqué qu'elle ne buvait que le jus et que lorsqu'elle tombait sur une boulette plus grosse, elle la recrachait dans un morceau de journal. Je lui ai demandé pourquoi elle ne mangeait pas. Elle m'a répondu que c'était pour sa mère, qui n'avait rien mangé depuis une semaine, qui n'avait plus la force de marcher et qui restait couchée, tout enflée de faim. J'ai eu honte, car je ne savais pas quand ma mère avait mangé pour la dernière fois. La maman de Hela mourut peu après.
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