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EAN : 9782919122455
272 pages
Soukha Editions (01/11/2010)
3.56/5   8 notes
Résumé :

Rénovation ou Révolution nationale ? Un maréchal thaïlandais contre un amiral français. La compétition a-t-elle un sens sous ces cieux écrasés par la chaleur, quand le vieux monde s'écroule sous les coups de boutoir conjugués de l'ordre nouveau hitlérien et du nouvel ordre américain ? Sous le regard intéressé du prédateur japonais en embuscade ? La Thaïlande, pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
« Koh Chang la victoire perdue », un très bon moment de lecture pour ce roman historique qui évoque une époque importante – et plutôt méconnue – de l'histoire de l'Indochine et de la Thaïlande par le biais de la saga haute en couleur d'une puissante famille française, commerçante et militaire, établie sur toute la région.
Le père, « Berthie », homme d'affaires à l'ambition démesurée, s'accommode de tous les régimes pourvu qu'ils l'aident dans ses intérêts – il passera d'un fascisme assumé à un pro-américanisme décomplexé – tout en ne manquant pas de clairvoyance, certes cynique mais efficace. de son épouse, pur produit de l'aristocratie coloniale – l'aïeul, le marquis de Lusse, est un héros de la « Conquête » –, il a un fils, Laurent, qui vient de terminer sa formation d'officier de marine à Brest et revient en mai 1940 à Bangkok avant de prendre ses fonctions à Saïgon. Mais arrive la débâcle en métropole… Et, sur toute l'Asie, l'ombre inquiétante du Japon et de sa « sphère de coprospérité » n'augure rien de bon.
Le cadre est posé. Si on y ajoute, malgré un mariage convenu et une façade sociale qui ne l'est pas moins dans la haute société saïgonnaise d'alors, la passion à laquelle finira par succomber Laurent pour son frère d'adoption – d'origine thaïlandaise et de quatre ans son cadet –, on a là tous les ingrédients, très maîtrisés sous l'écriture élégante de l'auteur, d'un bon roman qui bouscule quelques idées reçues.
Et, parmi ces idées reçues mises à mal, celle d'une Indochine « vichyste » – maltraitée par un amiral Decoux réactionnaire – en prend pour son grade. Car comment expliquer sinon la dévotion qui entoure alors le Gouverneur général qui règne sur « les cinq petites patries » (Tonkin, Annam, Cochinchine, Laos et Cambodge) pour le compte de la « Mère patrie » – la France – et, surtout, la mise en oeuvre réussie d'une politique d'autosuffisance qui rend de fait, et pour la première fois de son histoire coloniale, l'Indochine indépendante de la métropole ? Éric Miné nous restitue ce contexte, nous l'explique en le mettant en scène dans son écrin d'alors – fastueux –, jusqu'à la chute finale…
Enfin, et ce n'est pas le moindre intérêt du livre, la description de la naissance de la Thaïlande moderne – sous la férule du maréchal Luang Pibull Songgram – qui succède au Siam et à sa monarchie absolue, tout en restituant fidèlement ces évènements et les personnages qui les mettent en oeuvre, nous donne, je crois, les clés indispensables pour comprendre la Thaïlande d'aujourd'hui. N'oublions pas que ce beau pays accueillant n'est pas seulement un paradis pour touristes en quête d'exotisme de toutes sortes, mais qu'il est aussi une nation dynamique qui connaît elle aussi ses conflits internes et externes, profondément enracinés dans son passé.
Le pivot du livre est la « bataille de Koh Chang ». Victoire indéniable de la France, seule bataille navale, d'ailleurs, remportée par le pavillon national, flotte contre flotte, au cours des deux guerres mondiales réunies. Mais le rapport de force de l'époque – le Japon imposant un cessez-le-feu entre la Thaïlande et la France ainsi que sa médiation diplomatique – donne, au final, l'avantage à la Thaïlande en lui permettant de « récupérer » des territoires dont elle s'estime avoir été spoliée de longue date par la France, à savoir une petite partie du Laos, et, surtout, une étendue stratégique au Cambodge qui s'étend de la chaîne montagneuses des Dangreks jusqu'au lac Tonlé Sap en passant par Battambang. Un « Victory Monument » est alors édifié à Bangkok, en 1941, pour célébrer la « victoire » de la Thaïlande. Las, après la seconde guerre mondiale, la France récupèrera ces territoires en 1947 à l'issue d'un accord imposé par les puissances victorieuses. Depuis, il faut bien comprendre que la Thaïlande n'a jamais accepté ce qu'elle considère comme une totale injustice. On comprend mieux, au rappel de l'Histoire que ce livre nous offre, que le conflit récurrent et qui fait toujours aujourd'hui de nombreuses victimes à la frontière cambodgienne ne concerne pas uniquement des vieilles ruines de temples à l'emplacement disputé mais a des origines beaucoup plus anciennes et complexes.
En conclusion, c'est l'intérêt d'un roman historique bien écrit et celui-ci en est l'illustration : on passe un bon moment avec des personnages attachants, on apprend beaucoup d'une époque et des portes s'ouvrent sur des débats passionnants.
Vous l'avez compris, « Koh Chang la victoire perdue » est, pour toutes ces raisons, un ouvrage que je recommande avec la plus grande chaleur !
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Mes critères de sélections habituels deviennent poreux, me semble-t-il, lorsqu'il s'agit de lire à propos de l'Asie du sud-est.
Koh Chang, le nom de cette ile magnifique m'avait immédiatement emporté, un coup d'oeil rapide sur le quatrième de couverture et j'avais embarqué le bouquin.

L'auteur connait bien les lieux et leur histoire, il restitue le tout de façon assez convaincante.
L'attitude ambigüe, plus opportuniste qu'idéologique, des milieux d'affaire notamment mais aussi les opinions et agissements de ses personnages qui reflètent sans doute la réalité de l'époque.

Bien qu'il s'évertue à équilibrer son propos, les sympathies d'Eric Miné affleurent au fil des pages.
Par soucis d'objectivité, je me suis renseigné après avoir terminé son livre.
Il semble appartenir à une mouvance politique que j'abhorre.
Ceci dit je ne regrette pas cette lecture, rien de nouveau, les thèses qui y sont exposées sont partagées par les nostalgiques de l'époque coloniale et par les derniers ​irréductibles Pétainistes.
Le recours au travail d'historiens patentés et objectifs permettra d'éclairer le lecteur sur le sujet.

Pour finir, le comportement sexuel prêté au personnage central et la romance presque incestueuse qu'il entretient avec son frère adoptif m'ont beaucoup surpris dans ce contexte plutôt réactionnaire et viril.
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J'ai reçu ce livre suite à une erreur de ma part, lors d'un Masse Critique. Je pensais demander une bande dessinée, j'ai reçu un roman historique. Flûte... J'ai décidé d'honorer le "contrat", et de le lire jusqu'au bout pour en proposer une critique. Voici donc. Gardez à l'esprit que je n'ai pas l'habitude de critiquer de tels ouvrages.

Je ressors plutôt déçu de cette lecture. La thématique générale me plaisait beaucoup, c'est toujours le cas, mais le traitement proposé est bien trop insuffisant. Cette idée de traiter de l'Histoire de l'Indochine pendant la seconde Guerre Mondiale était une excellente idée. Eric Miné est d'ailleurs très bon pour tout ce qui relève de la fresque historique, dans ce livre. Mais c'est sur les aspects techniques, et sur l'intrigue générale, qu'il se perd.
Fondamentalement, je ne vois toujours pas l'intrigue générale, et le pourquoi de l'utilisation de ces personnages. le personnage de Laurent s'avère en lui-même assez peu intéressant. Il est relativement creux, timoré et mièvre, dans une époque tourmentée. Il fait un bien mauvais héros, et ce n'est pas son frère adoptif qui relèvera ce point, vu qu'il est absent bien souvent de l'histoire. En fait, je pense que le véritable personnage de ce livre, c'est l'Indochine en elle-même, mais c'est alors fort dommage d'avoir placé au milieu cette famille qui apporte si peu à l'histoire. En fait, il y a deux couches dans ce livre. L'Histoire de l'Indochine, passionnante, contrastée, et l'histoire de Laurent, fade et sans grand intérêt. Il y a une ligne narrative de trop, la romance était inutile, le reportage historique était bien plus intéressant. C'est vraiment dommage.
Dans les défauts de ce livre, il y a aussi des détails techniques qui m'ont déplus. Les dialogues sont très mal identifiés, surtout pour ce qui est de leur conclusion. Comme ils sont longs et très descriptifs (faut bien caser de l'Histoire via l'histoire), on ne sait pas toujours quand ils prennent fin. Un mélange déroutant, qui se fait aussi pour les pensées. L'auteur semble en description, et pourtant utilise des termes potentiellement sortis des pensées de Laurent. Non, vraiment, ce flou est regrettable. L'évolution temporelle de l'histoire est elle aussi mal menée, et les ellipses nombreuses ne permettent pas toujours de comprendre à quelle période on se trouve.

Lecture décevante donc, car pour moi l'auteur a dilué sa force, l'ouvrage historique, par une intrigue romanesque qui n'apporte que peu au final. Expérience intéressante, mais pas concluante pour moi.
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Plus qu'un roman, un livre très complet et documenté sur la Thaïlande et l'Indochine des années 40 (une bibliographie et une carte du Saïgon colonial sont publiées à la fin de l'ouvrage). On est vraiment dans l'ambiance et on apprend beaucoup sur ce conflit oublié de la Seconde guerre mondiale ainsi aussi, et c'est très étonnant, sur les origines historiques et idéologiques de la Thaïlande d'aujourd'hui qui peuvent surprendre dans nos démocraties occidentales.
Une trame romanesque surprenante et plutôt bien imaginée qui tourne autour d'une passion entre deux frères (dont l'un d'adoption) qui pimente encore cette histoire très haute en couleur.
Plutôt bien écrit et plein de rebondissements. Bref, à conseiller.
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Article paru dans la revue trimestrielle « Guerres & Histoire », n° 3, septembre 2011.
« le titre de ce roman fait référence à une bataille navale qui opposa, en janvier 1941, la Marine française, basée en Indochine, à celle du Siam [qui deviendra officiellement Thaïlande en 1949]. Non loin de la frontière du Cambodge, les deux pays se sont affrontés dans le golfe de Siam à proximité de l'île de Koh Chang. La France réplique alors à une série d'attaques de l'armée siamoise sur le territoire indochinois. le Siam cherche à récupérer des terres situées à l'est du fleuve Mékong, alors que la France métropolitaine est occupée. Mais que les amateurs de combats navals ne se laissent pas tromper par le titre : à peine dix pages sont consacrées à la bataille elle-même ! L'intérêt est ailleurs : dans les descriptions de l'Indochine et du Siam de l'époque. On suit aussi avec délectation l'embrouillamini d'alliances et de mésalliances de l'époque, caractérisé par les « affaires » d'un marchand d'armes. Tout au long du roman, on marche sur les pas d'un lieutenant de la Marine, Laurent Albert de Lusse, pétainiste, bourré de certitudes, qui joue le naïf de l'histoire. Une histoire ironique puisque Koh Chang, en tant que victoire de la Marine de Vichy et surtout du bout du monde, ne sera pas longtemps célébrée à l'époque. Tandis que du côté thaïlandais, on la célèbre encore comme une victoire au terme de laquelle fut repoussée la flotte française !
E. D. »
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
« Le chapeau sert à protéger la tête contre le soleil, la poussière, la pluie, et à éviter d’avoir les cheveux en désordre. Il peut même, dans certains cas, empêcher de devenir chauve… À présent, il aidera à rehausser l’honneur des Thaïlandais et pourra constituer l’un des facteurs qui feront de la Thaïlande une grande puissance. Aux yeux des étrangers, nous récolterons les éloges ; on dira de nous que nous sommes la première nation du monde populaire pour le port convenable des coiffures, et aucun autre pays ne pourra plus se mesurer avec nous. »
Communiqué de la Présidence du Conseil. Thaïlande, 1940.
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[…] Quand, face à toutes les situations, les Thaïlandais vont privilégier entre eux, spontanément, le moindre mal, l’arrangement à la confrontation, les Français, par atavisme, agiront à l’opposé. Tant que leur confort sera préservé, ou que la main qui les contraint sera assez ferme, ils se satisferont de l’ordre que tu leur imposes et l’unanimité passive sera la règle. Que des troubles surviennent, que l’autorité vacille, et alors leurs plus bas instincts reprennent le dessus. Ils redeviennent jaloux, coupeurs de têtes, assoiffés de vengeance aveugle et envieuse, ce qu’ils n’ont, en fait, jamais cessé d’être.
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[…]
— Allonge-toi.
Laurent s’exécuta. Il entendit Anucha craquer une allumette à ses côtés. La faible lueur d’une lampe à huile auréola le jeune homme qui s’affairait déjà sur un plateau. Agenouillé, Anucha vérifiait le bambou de la pipe. Il malaxa longuement une boulette d’opium contre le verre chaud de la lampe avant de la coller sur le fourneau.
— Tiens.
La première aspiration lui racla la gorge et le fit violemment tousser. […] l’émanation bienfaisante s’immisça dans tout son corps, imbiba tous ses pores. Ses bras, ses jambes flottaient sous l’effet apaisant du massage de son frère. Sa fournée achevée, il en prit une seconde, puis une autre. Bientôt Anucha ne fut plus qu’un elfe, un page intemporel. Il savait sa présence mais ne pouvait plus le voir. […]
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[…] Que crois-tu donc ? Que la vieille Europe aurait pu durer encore des années comme ça ? Avec ses colonies, ses marchés protégés, ses bons indigènes reconnaissants qui produisaient pour rien les matières premières dont elle avait besoin. Tu crois que la France dopée au pastis et aux ritournelles de Maurice Chevalier en avait encore pour longtemps dans l’ère moderne ? Non, Laurent, ce monde-là, en 40, il était déjà mort. Si l’Axe avait gagné, tes Viets qui brandissent maintenant leur chiffon rouge, ils auraient défilé au pas de l’oie. C’est du pareil au même.
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[…] Belle victoire navale que celle de Koh Chang. Mais qui ne sera jamais célébrée, fêtée, […] Aucun navire français ne portera jamais sur ses flancs les noms de Bérenger, de Decoux, ou de cette île où vous avez triomphé. Pour les nouveaux maîtres de l’Histoire, vous êtes condamnés à l’oubli, salis de la tache indélébile du pétainisme. La Thaïlande peut continuer de commémorer fièrement son succès. Personne n’ira lui en contester la paternité. C’était une guerre pour rien, […] une bataille inutile. Une victoire perdue.
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