MEMENTO
à Pippo Delbono
extrait 1
écoute
quelque chose ici appelle
et ce n’est pas qu’une voix
cette laisse invisible qui me pousse au retour
comme tous les grands vivants
épuisée de brûlures
du bruit de zinc de la rue
les engrenages dans les corps
les machines debout
coups de fouet sur l’oxyde des visages
l’imaginaire tari à la source du pétrole
la laideur à bouts de mots
sans plus de remèdes que la fièvre quotidienne
toute la vie dansée pour d’autres
sans musique
je reviens aux chambres blanches
aux pièces dociles des absents
j’ai vu l’enfance larguer les amarres
couleur indigo le soleil passer
de l’autre côté – ultraviolet
percer les coques de mille petits bateaux
origami orgie des fictions de papier
la crête des jours se précipite
jusqu’à celui marqué d’une croix
…
je marche dans bien d’autres nuits
je marche dans bien d’autres nuits : dont les images me traversent si fugaces qu’elles ne laissent pas d’adresse / et poussent les rêveries anonymes du merveilleux indéfini / je ne veux pas d’ailleurs / je suis / dans toutes ces histoires que je parle-marche / je veux vivre de poésie de révolutions en révélations et mordre le poème / le transmettre de fille en fille avec le souvenir de la première chute
MEMENTO
à Pippo Delbono
extrait 4
ti voglio raccontare una storia
des joies explosives soudaines inquiétantes
des abattements mystérieux des enfants de cent ans
qui savent l’usage du souvenir
de conjuguer le désir au présent
les bleus du soir
la pluie dans la mémoire
dans l’attente des revenants
j’affirme la vie POSSIBLE
j’affirme la vie POSSIBLE
n’en déplaise aux patrons de la misère
je suis poète
mes morsures sont de soleil
je suis cent mille et cent mille femmes debout
je n’attends pas demain
je n’attends pas la fin du monde
sans répit la beauté sauve le monde
et se dresse immense
la foule qui me ressemble
MEMENTO
à Pippo Delbono
extrait 3
pazzo pazzo pazzo
la folie est un exercice de répétition
là où le rictus dérange
la démangeaison la transe
les yeux des bêtes les mains des anges
j’ai vu la beauté exécutée sans un cri
des fous carencés d’amour
entre fleurs pendues et feuilles mortes
bruissements malins de robes en loques
les froufrous liturgiques des je me souviens
VLEEL Printemps des poètes 2022, L'éphémère avec cinq auteurs, éditions Bruno Doucey