La Bête saisit-elle un mouton ? Notre bergère fait tout pour le lui arracher. C'est alors seulement qu'elle subit des blessures au visage mais sans mauvaise suite : la Bête n'est pas un loup enragé. Et elle ne résiste pas à une défense résolue. Elle s'esquive devant les boeufs et ne s'enhardit que devant ses victimes les plus faibles. Mais l'horreur qu'elle inspire ne connaît point de frontières.
"Je passe sous silence les autres accidents pour vous donner la description de ce furieux animal [...]. Cette bête a la tête très large, très grosse, allongée comme celle d'un veau et terminée en museau de lévrier. Le poil rougeâtre, rayé de noir sur le dos, le poitrail large et un peu gris, les jambes de devant un peu basses, la queue extrêmement large et touffue et longue. Elle court en bondissant, les oreilles droites ; sa marche au pas est très lente. Quand elle chasse, elle se couche, ventre à terre et rampe ; alors elle ne paraît pas plus grande qu'un gros renard. Quand elle est à la distance qui lui convient, elle s'élance sur sa proie et l'expédition est faite en un clin d'oeil. Elle mange les moutons en l'air, droit sur ses pieds de derrière ; alors elle est assez grande pour attaquer un homme à cheval. Sa taille est plus haute que celle d'un grand loup."
"La bête farouche qui répand depuis un mois dans tout le Gévaudan la plus grande consternation [...] a déjà dévoré neuf enfants du côté de Langogne, deux dans la terre de Peyre, deux dans celle de Saint-Alban ; elle a de plus attaqué trois personnes, dont l'une est morte des suites de sa peur dans des accès épouvantables de frénésie."
En revanche, ce qui fascine toujours l'observateur c'est que la Bête du Gévaudan constitue, au-delà des frontières du temps et de l'espace, un modèle emblématique du renversement du rapport de forces entre l'homme et l'animal sauvage dans le monde.
Le mythe du "gentil loup".