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EAN : 9782070325269
160 pages
Gallimard (24/01/1989)
3.5/5   3 notes
Résumé :
«Ma rencontre avec la poésie vivante d'un poète vivant, à peine plus âgé que moi (de trois ans), fut un choc, une révélation, voire une initiation. Je sus brusquement que la poésie ne faisait pas seulement partie de la culture mais aussi de la vie, directement - qu'elle pouvait être plus vécue, et vécue autrement que je ne l'avais fait jusque-là. C'est la dimension de la poésie de René Char, entre 1938 et 1946, dans Le Visage nuptial, Seuls demeurent et Les Feuillet... >Voir plus
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Un échange de lettres, d'avril 1943 à décembre 1944, entre Georges Mounin et René Char, a suscité l'écriture de cet texte lumineux (publié en 1946), sur le poète. Redécouvert très heureusement dans ma bibliothèque. L'essai s'adresse à tous ceux qui voudraient mieux connaître la première période de la poésie de René Char, ou ne sauraient comment l'aborder, car, pour accessible qu'elle apparaisse dans certains de ses aspects (« Congé au vent »), l'oeuvre est aussi réputée difficile ; mais, d'une manière plus générale, la lecture de Georges Mounin, grand amateur et connaisseur de poésie et professeur de linguistique, permet d'élargir les vues sur le langage poétique lui-même, et la manière de l'appréhender. Les lettres, une vingtaine au total, ne sont pas retranscrites. Leur thème constitue les chapitres de l'essai.

Si René Char a l'air parfois de manier une langue étrangère (dans « Le Visage nuptial », par exemple), éloignée de la langue poétique connue, cette difficulté ne relève en rien d'un hermétisme ou d'un ésotérisme quelconque et recherché, prévient tout de suite l'auteur. Il n'y a pas de dédain ou de volonté délibérée du poète de restreindre l'accès à son art. Aucun parti-pris de mystère. Pas donc d'effort de l'esprit à accomplir, de droit d'entrée requis. Le poème de Char ne se mérite pas, ne se décrypte pas. C'est une poésie qui exprime la matière de l'émotion, plus qu'elle ne cherche à en opérer une traduction qui en facilite l'interprétation. Car à trop vouloir traduire (à la manière d'un Paul Valery), la substance se perd. Char, inventeur d'«un intransmissible autrement», que «Le Loriot» (3 septembre 1939), illustre parfaitement et dont Georges Mounin nous donne généreusement les clés. L'expression poétique reste, dans le cas de Char, au plus près de la source de son inspiration, à laquelle le lecteur est possiblement convié. Une affaire de patience qu'aucun raisonnement ne peut venir forcer.

« La création du poème par le lecteur est une opération parallèle à celle du poème par le poète » (p.44).

Que voir, alors, dans sa poésie et que savoir, que lire mais que sentir surtout, qu'elle ne nous reste pas définitivement fermée ? C'est ce à quoi répond Mounin, communiste militant mis en quarantaine par Vichy, dans le Dauphiné, par ses échanges avec Char, résistant dans le maquis des Basses-Alpes. Des choses immédiatement visibles ou perceptibles, tout d'abord : la Provence vauclusienne, la Sorgue et le monde méridional, celui que René Char habite et n'hésite pas à citer ; l'espace et la lumière ; l'image de fleuves, comme image du devenir. La poésie de René Char est une poésie du devenir, nourrie à la pensée présocratique d'Héraclite, où l'image cosmique a sa place. Inscrite dans le temps psychologique. René Char est un penseur de l'espace-temps, dont les visions (anticipées parfois, nous dit Mounin, par Vigny et Leconte de Lisle), aux raccourcis spectaculaires, évitent les métaphores les plus pittoresques et les plus faciles, chères à bien d'autres poètes (Victor Hugo, Jules Supervielle).

Les rapports de Char au surréalisme, ensuite – entre indépendance et fidélité –, restent incontournables, pour accéder à son œuvre, en profondeur. Le surréalisme, dans les années vingt, est le cadre dans lequel Char fait son apprentissage de poète. Premières œuvres dans lesquelles transparaît une forme d'orthodoxie surréaliste : songe, exaltation du rêve et du sommeil (Artine, 1930). Mais, Georges Mounin s'attache bien plus à montrer, dans son texte, comment René Char s'est démarqué du mouvement, pour recentrer sa méditation sur la question de la PRESENCE de la poésie non pas sur ses moyens, s'attacher à ce qu'il faut dire plus qu'à la manière de le dire. Qualifiée par l'auteur « d'école à ficelles stylistiques », à partir du moment où la règle devient, pour certains, « c'est beau parce que c'est paradoxal », le surréalisme a pu prendre un tour mécaniste, auquel René Char n'a pas succombé.

La poésie de René Char s'inscrit dans un langage où l'émotion et la raison ne s'excluent pas l'une l'autre. Contrairement au surréalisme qui place l'émotion, la connaissance intuitive, au-dessus de la connaissance rationnelle, René Char reste dans une conception de la création poétique que se partagent l'inspiration et le travail. Ce qu'il faut dire renvoie directement à l'enfance, à l'émotion primitive à laquelle il n'y a pas lieu de substituer une technique, élevée à la hauteur d'un dogme. La sûreté de ton, le chant continu, le rythme, le souffle qui se fait partisan, la violence physique aussi présente, donnent toute leur vigueur et leur plénitude à une œuvre forte et engagée, en train de s'écrire dans le présent et dont la dimension est l'homme, puisqu'au moment de cet échange épistolaire, « Seuls demeurent » (1938-1944) est en train de voir le jour. Une « Lecture vécue » de Georges Mounin qui rend son commentaire particulièrement vibratoire.

« Claudel, un très grand poète […] : il a sa vie durant tenté d'être ou cru qu'il était chrétien. Mais il n'a pas pu s'inventer des émotions qui n'étaient pas pour lui. A côté, ce pouvoir d'aimer sans effort est donné à l'athée le plus ferme. Et Char inlassablement penché sur le sort de tous les hommes, inlassablement soucieux d'aider l'homme à se faire sur la terre, trouve à tout coup les mots qui nous font savoir que, par ce poète, nous sommes tous aimés, non à titre d'exercice et pour son propre salut, mais pour nous-mêmes. » (p. 152)
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Ma découverte de Char , en 1968, fut un éblouissement . Après avoir lu et relu les oeuvres , je fus tenté de rechercher des aides pour , au delà de l'émotion, en approfondir la compréhension . L'achat du présent ouvrage ne m'a que peu fait avancer dans ce domaine (contrairement aux Cahiers de l'Herne ) . J'ai trouvé ce livre peu facile d'accès et très marqué par la mode linguistique du moment. .Il comporte une partie directement relié à Char et une suite de textes regoupés sous le titre "La communication poétique" portant sur diverses problématiques et auteurs .
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
En règle générale, ce n'est pas à la lecture qu'on reçoit le poème. Ni à la première lecture, évidemment, ni à celles qui suivent bien souvent. (Non qu'on ne puisse être ébloui, frappé; bien au contraire.) L'esprit sensible aux poèmes, mais fruste encore, inexpérimenté, s'étonne parfois, se décourage à constater ceci : qu'il a envie de prendre un poète préféré, qu'il le prend, qu'il le lit, - et qu'il ne se passe rien. Quelquefois nous savons que le poème est beau, mais nous ne le sentons pas; ou bien, avec désespoir, nous ne le sentons plus. Nous croyons que le poème est devenu aride, alors que presque toujours c'est nous qui le sommes. La lecture est acquisition, la plupart du temps, et non possession. Les vrais lecteurs des poètes le savent bien, les poèmes ne se lisent pas, on les fréquente, on les sait par coeur, à son insu même. Puis un jour, au hasard, une émotion personnelle interrompt votre méditation, votre rêverie, votre travail, n'importe où : la création du poème par le lecteur est une opération parallèle à celle du poème par le poète. Pour le lecteur aussi la poésie est involontaire, l'authentique rencontre avec la poésie et non l'échauffement artificieux sur un texte. (p. 44)

Plaisir au poème
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Au contraire de ce que pense Valery, ce n'est pas parce que tel langage est éternel qu'il y a poésie; c'est parce qu'il y a poésie, qu'il devient éternel. Il ne s' agit pas d'abord d'éterniser son langage : il peut y avoir des lois pour exprimer ses émotions, il n'y en a pas pour les éprouver. Ce n'est pas la matière linguistique qui doit être indestructible, c'est ce que l'homme a voulu lui faire dire. Sinon, l'on aura écrit pour les Athénée à venir, les philologues et les compilateurs, les historiens de la langue et de la littérature : mais non pour les hommes. C'est une émotion d'abord et qui le vaille, qu'il faut éterniser. (p. 105)

La poésie

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J'aperçois aussi deux poètes parmi tant d'autres, pour avoir marqué, mais dans une langue d'une propriété admirable, ces rapports entre deux modes de connaissance distincts, qu'ils ne confondaient ni n'opposaient : "La poésie écrit Wordsworth, est le souffle et l'esprit subtil de tout savoir; l'expression passionnée qui se lit sur le visage, de toute science". et dans sa Defense of Poetry, Shelley : "Poetry is at once the center and circumference of knowledge... It is at the same time the root and the blossom of all other systems of thoughts" - "La poésie est à la fois le centre et la circonférence de la connaissance... Elle est en même temps la racine et la fleur de tous les autres modes de penser. " (p. 94)

La poésie
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Char a commencé lui aussi très tôt, plus peut-être que nul autre, cette correction expérimentale du surréalisme; et l'a faite à mon sens plus totale. Doué d'un élan poétique antérieur à toute formule, il confronte les lois qu'on lui propose avec ce qu'il sent qu'il faut faire. En d'autres termes, il ne va pas de la formule poétique au fait poétique (ceci est poétique parce que conforme à la définition de l'image surréaliste); mais de la donnée poétique dont il possède en soi le sens irrécusable, à la formule (telle expression est bonne parce qu'elle exprime ce que je sens qu'il faut traduire). [...]
René Char se distingue par son extrême attention à la poésie elle-même, qu'aucune question secondaire de métier ne lui fait jamais perdre de vue. Sa méditation reste essentiellement une méditation sur la présence de la poésie; et non sur les moyens de la poésie. Toutes les discussions sur les mille et une manières de creuser des fontaines ne le détournent jamais de penser à l'eau sans laquelle les fontaines sont des édifices inutiles. (p. 77)

L'apprentissage de la poésie
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Char est un de ces voyageurs interstellaires dont l'imagination parcourt le continuum espace-temps sans recourir au véhicule des métaphores poussives et soigneusement construites. (p. 61)

Paraphrase
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