Traque intense de mystères et d'évanescences, la poésie de
Sandra Moussempès déployait déjà ses motifs subtilement questionneurs de certitudes, il y a plus de dix ans.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/12/14/note-de-lecture-
photogenie-des-ombres-peintes-sandra-moussempes/
C'est en 2009 que
Sandra Moussempès nous offre ce septième recueil publié, le troisième dans la collection Poésie de Flammarion, après «
Vestiges de fillette » (1997) et «
Captures » (2004). Comme dans le recueil précédent, et à nouveau d'une manière pourtant sauvagement différente, la poétesse élabore soigneusement des munitions perforantes et des mécanismes rusés d'envoûtement, qu'il s'agit de tester profondément et de bien connaître, lorsque son art la conduira, plus tard, au fil d'un cheminement qui emprunte au conscient comme à l'inconscient, vers les recueils plus tardifs qui ont tout de multiples désenvoûtements fantomatiques et sonores d'une sorcellerie capitaliste et patriarcale qui ne dit que bien rarement son nom véritable, à l'image de « Acrobaties dessinées« (2012), de «
Sunny Girls« (2015), de «
Colloque des télépathes« (2017), de « Cinéma de l'affect« (2020) ou encore tout récemment de «
Cassandre à bout portant » (2021), en forme de précoce apothéose.
Il est réellement fascinant, en entreprenant ce voyage légèrement à rebours, mêlant le tout récent au nettement plus ancien, dans l'oeuvre d'une artiste bien vivante et agissante (on notera encore, il y a quelques semaines seulement, sa superbe contribution au recueil collectif « Lettres aux jeunes poétesses »), artiste dont chaque performance vocale et sonore, en lecture musicale, semble pouvoir instantanément réveiller quelques démons nécessaires de la langue et du songe, de ressentir chaque recueil pour ce qu'il est, mais aussi pour la manière dont il s'insère, en coins et recoins, dans un édifice qui n'a pas besoin, évidemment, d'avoir été entièrement pensé à l'avance.
On est ici vite conquis par la puissance inquiète des titres et des intertitres qui rythment le recueil en orientant subtilement chacun des textes : une « question de perception » s'effaçant vite devant une « exploration des voix naturelles et sollicitude », une « cosmétologie des disparitions » cédant la place à « une illusion sérigraphique », avant que la « divergence des mondes simultanés » ne produise ses effets, puis que de « petites déconstructions en garde corps » ne prennent le relais, et qu'une «
biographie des idylles » puisse enfin se déployer pleinement.
Comme peut-être la
Suzanne Doppelt de «
Vak spectra », de «
Rien à cette magie » ou de «
Meta donna », mais d'une manière pourtant bien différente,
Sandra Moussempès traque pour nous des mystères et des évanescences, soumet des schémas relationnels, les enthousiasmants comme les délétères, au crible du songe analytique et du rêve passionné, scalpel de l'écriture toujours à portée de main, parcourt des possibles, des dits et des non-dits, pour révéler le petit dissimulé dans le grand, comme sa proposition inverse, heureusement.
Aux détours de quelque jardin japonais, où d'étranges bifurcations sentimentales, physiques et psychiques se nouent et se dénouent,
Sandra Moussempès sait toujours cerner, sous ses multiples déguisements, une mesquinerie à détruire, un faux-semblant à identifier et extirper. D'une poésie tout aussi clinique que généreuse, portant son fer doux là où cela pourrait bien faire mal, au coeur des illusions de chacune et de chacun, «
Photogénie des ombres peintes » se vit à plus d'un titre comme une annonce, qu'il ne s'agit certainement pas de fuir, mais bien au contraire d'embrasser, de développer et de chérir, hier comme aujourd'hui – et demain.
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