Je suis tentée de dire régalez-vous mais ce livre qui nous fait partager la façon de se nourrir
De Balzac et nous fait voyager dans la Comédie humaine ne met pas forcément l'eau à la bouche.
Balzac lui-même fait se succéder les périodes de jeûne lorsqu'il plonge dans l'écriture, et les «excès énormes, choquants, comparables aux bordées que tirent les marins arrivés au port après une longue traversée» quand il en émerge.
Et l'on passe de l'opulence des agapes chez Véry, (un repas chez Véry coûte à Lucien de Rubempré un mois de son existence à Angoulême), qui changera d'adresse et deviendra ensuite le Grand Véfour, ou au Rocher de Cancale où
Balzac et d'autres n'hésitaient pas à engloutir un cent d'huitres à des gargottes pour étudiants ou journalistes désargentés jusqu'à la pension Vauquer beaucoup moins avenantes.
"Katcomb, le Veau qui tête, le Cheval Rouge avec lequel nous entrons dans le domaine des décidément sans étoiles, des restaurants pour étudiants, endroits où l'on mange pour moins de deux francs." p 71
Balzac cite encore Tabar, derrière la rue Saint-Honoré, que fréquente le journaliste Finot à ses débuts quand «il marchait sur les tiges de ses bottes et que son habit lui tenait sur le corps par un mystère aussi impénétrable que celui de l'immaculée conception» p 74
Flicoteaux «ce temple de la faim et de la misère» qui donnait sur la place de la Sorbonne où tout le petit groupe des
Illusions perdues se donne rendez-vous et dont «Une vieille calomnie, répétée au moment où Lucien(de Rubempré) y venait, consistait à attribuer l'apparition des beefsteaks à quelque mortalité sur les chevaux. etc...
Des restaurants aux réceptions données par les nouveaux et anciens riches en passant par les noces campagnardes et les repas familiaux c'est tout le panorama des mets et des maux de la société du XIXème siècle que l'on découvre à travers la Comédie humaine qu'
Anka Muhlstein nous fait revisiter de manière très vivante. La façon d'accommoder les victuailles ou leur absence traduisant le caractère et la façon de vivre de ceux qui les ingurgitent ou les partagent «... car la table est le lieu où se dévoilent l'avarice la plus exacte comme la générosité la plus débridée». Et ce n'est pas moins d'une quarantaine de restaurants qui sont cités dans la comédie humaine sans compter les multiples repas et tables des bourgeois et petits bourgeois de Paris et de province.