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EAN : 9782330128135
480 pages
Actes Sud (02/10/2019)
4.09/5   199 notes
Résumé :
En 1971, un jeune couple franco-norvégien trouve la mort au fond d’un étang de la Somme dans d’étranges circonstances. Edvard, leur fils de trois ans, est porté disparu. Il n’est retrouvé que quatre jours plus tard, à une centaine de kilomètres du lieu du drame. Comment le petit garçon a-t-il échoué là ? Où était-il pendant tout ce temps ? Et pourquoi ses parents s’étaient-ils aventurés en pleine nuit dans cette forêt encore truf­fée d’obus et de grenades à gaz data... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (55) Voir plus Ajouter une critique
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Lorsque nos tragédies se font belles madrures…

Nos passions reflètent souvent notre part la plus intime, nos qualités ou encore les failles que nous désirons inconsciemment compenser, panser, repenser. le héros de ce livre, Edouard Hirijfell, a pour passion la photographie argentique, leica en bandoulière, un moyen troublant pour ce jeune homme d'une vingtaine d'années de capturer le temps alors qu'il est quelqu'un qui a un jour précisément perdu le temps qui lui appartenait. Il a en effet vécu durant l'enfance un épisode traumatisant de plusieurs jours durant lesquels il ne se souvient de rien. Un temps volé lors de cette disparition que nous qualifierions aujourd'hui d'inquiétante.
Cette passion donne d'ailleurs une approche très photographique au récit et c'est un aspect qui m'a particulièrement plu. L'angle d'approche des paysages, des personnages est singulier comme peut l'être l'oeil d'un photographe. Tessiture, grain, angles plus ou moins rapprochés imprègnent la narration d'une aura particulière. Que ce soit un chalet norvégien sous la neige, un champ de pommes de terre en fleurs, un manoir écossais en décrépitude à l'intérieur duquel nous découvrons un arboretum stupéfiant, une maisonnette en pierres chauffée à la tourbe, un salon de coiffure Art Déco perdu au fin fond des Iles Shetland, ou encore l'intérieur d'une vieille voiture des années 60 aux sièges en cuir imprégnée d'odeur de tabac, les photos surgissent et nous immergent.
De même que la passion d'un des membres de la famille pour le bouleau flammé est une autre manière de garder intacte, au coeur même des veines du bois, ce que l'arbre a pu vivre de tragédies, de retenir à jamais le passé sombre pour ne jamais oublier.

« Voilà que j'y étais de nouveau, avec mon leica à la main, cette fois, parmi les hautes colonnes blanches que formaient ces bouleaux aux anneaux de rouille. Certains s'étaient libérés de leur joug depuis ma dernière visite, d'autres avaient abandonné la lutte et laissé les cercles s'incruster. Je changeai de position, étudiai la direction dans laquelle tombaient les ombres, cherchai mon motif du regard.
Le soleil arriva. Je m'allongeai sur le dos et regardai vers le haut. A travers le grand-angle, je voyais les troncs s'étirer jusqu'au ciel. C'allait être bien. Ce que je voyais était identique à ce que je souhaitais voir. le feuillage, la couche nuageuse, les troncs et l'élément étranger, le fer, ce qui allait faire de cette image une photographie et pas un simple instantané.
L'obturateur émit ce bref chuchotement de Leica qui capture quelque chose qui est pour le transformer en quelque chose qui a été ».

Alors qu'il était un enfant d'environ trois ans, au début des années 1970, Edouard Hirijfell part en voyage en France avec ses parents, jeune couple franco-norvégien. le couple trouve la mort au fond d'un étang de la Somme au coeur d'une forêt truffée d'obus et de grenades datant de la Première Guerre Mondiale, forêt fermée au public, donc dans des circonstances pour le moins étranges et le petit Edouard est porté disparu. Il n'est retrouvé que quatre jours plus tard à une centaine de kilomètres du lieu du drame. A-t-il été enlevé ? Par qui ? Comment a-t-il pu échouer si loin de la tragédie ? Et que faisaient-ils tous les trois dans cette forêt mythique qui a été le lieu d'une des plus grande bataille de la Grande Guerre ? L'autopsie a révélé qu'ils ont inhalé le gaz d'une vieille grenade, qu'ils sont tombés à l'eau et n'ont pas pu regagner le bord. Pourquoi des parents emmènent un petit garçon dans un endroit plein de grenades ?
Edouard sera ensuite élevé par ses grands-parents paternels en Norvège dans une ferme isolée et ne saura jamais ce qui s'est vraiment passé, ce d'autant plus que le drame semble être devenu un véritable tabou pour le grand-père. Lors du décès de ce dernier au début des années 1990, il apprend qu'un magnifique cercueil en bois flammé a été livré aux pompes funèbres quelques années auparavant, cadeau de son grand-oncle, frère du grand-père, un ébéniste d'exception avec lequel le patriarche était brouillé depuis des années. Or ce grand-oncle, Einar, est mort juste après la guerre, il y a des décennies.

Voilà Edouard, désormais seul, qui va tenter de reconstituer le puzzle de ce passé trouble à partir de ce cercueil aussi beau que mystérieux. Des îles Shetland à la Somme, nous le suivons à en recueillir une à une les pièces qui peu à peu s'emboitent sous nos yeux. C'est le tableau d'une histoire familiale liée aux conflits qui apparait progressivement.


Je ne suis pas friande d'histoires trop romanesques. Et celle-ci ne fait pas du tout exception. Les nombreux fils qui s'entrelacent quasi parfaitement, les coïncidences trop nombreuses, les rebondissements au tempo régulier, les enchainements impeccables, les rendez-vous qui tombent toujours à point nommé au point de paraitre invraisemblables, l'histoire est (trop) bien huilée pour me plaire. J'ai l'impression confuse que l'auteur, au préalable, a préparé la trame de son roman de façon si précise que le livre est en quelque sorte une mécanique de précision. Tout est tiré au cordeau de sorte que je m'y suis parfois ennuyée.


C'est bien plutôt la plume de Lars Mytting qui a été pour moi une très belle découverte, sa façon de nous présenter les îles Shetland, la ferme norvégienne, la culture des pommes de terre et surtout l'hommage absolument magnifique, pictural, sensoriel, quasi sensuel, fait aux arbres. J'ai évoqué dans la première partie de mon retour le bouleau flammé. « Il s'agit du plus beau matériau d'ébénisterie qui vient d'arbres blessés. La madrure se crée quand l'arbre s'autosoigne ». Au moyen de liens en métal contenant les troncs, il est fait des cicatrices à l'arbre qui doit alors enfermer la blessure et continuer de pousser. Les cernes du bois trouvent des chemins contournés. Ils s'étirent au-dessus de la plaie. C'est seulement en sciant le matériau qu'on peut voir ce que donne l'arbre. Cette façon de faire, assez barbare, donne un bois aux nuances exceptionnelles, aux madrures singulières, colorées. Un drapé de feu à la beauté flamboyante.
Ce travail du bois, notamment des essences rares, est le fil directeur d'une quête et est, par ailleurs, une image symbolique qui montre comment un drame, un accident, une tragédie s'inscrivent en chaque être pour lui donner plus de profondeur, de singularité et de beauté. Encore faut-il savoir mettre à jour ces madrures.
Donner à cet art une place centrale peut sembler étonnant mais ça ne l'est pas vraiment lorsque l'on sait que Lars Mytting avait un grand-père ébéniste qui pratiquait cette façon étrange de faire pousser le bois en le contraignant. Sans doute lui a-t-il transmis son virus et nous ressentons dans ce roman l'amour que l'auteur porte pour cet artisanat qui se fait art.

L'auteur, et là réside toute l'originalité du livre, se demande si, par analogie avec cette technique relativement violente, des arbres en plein coeur d'une bataille, pourraient contenir la mémoire de la guerre et notamment des gaz dont on a abusé à cette période tragique. Là réside la clé du livre. Là réside le mystère des seize arbres de la Somme.



Les seize arbres de la Somme est ainsi une quête familiale, voire une enquête historique quasi policière, qui relie la Norvège aux soubresauts de l'histoire mondiale, dont le côté romanesque m'a quelque peu déplu du fait d'une mécanique trop bien huilée. J'ai aimé en revanche l'ambiance poétique de ce livre et la psychologie des personnages hauts en couleur auxquels je me suis attachée. C'est surtout un bel hommage pittoresque à la nature et aux arbres, à la photographie et aux gestes artisanaux qui domptent, cadrent ou au contraire déchainent, subliment la nature. Ces derniers aspects, centraux, ont vraiment enchanté ma lecture et ont compensé largement ma petite déception en termes scénaristiques, en cela je remercie chaleureusement Idil à qui, une fois encore, je dois cette lecture !

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Edvard Hirifjell, petit garçon orphelin vit avec son grand-père qui l'a adopté, dans un bled au fin fond de la Norvège. Ses parents, un couple franco-norvégien retrouvés morts dans une rivière, durant des vacances en France dans la Somme, le 23 septembre 1971, visitaient un champ de bataille fermé au public de la Première Guerre mondiale. L'autopsie révèle qu'ils ont inhalé le gaz d'une vieille grenade, sont tombés à l'eau et n'ont pas pu regagner le bord. Jusqu'ici l'histoire, Edvard le connaît plus ou moins des chiches explications du grand-père, mais c'est quand il découvre par hasard dans une ferme voisine la suite des choses dans des vieux journaux de l'époque, que tout se complique (« J'ai donc découvert la vérité trop tôt, et il était alors trop tard. »); Il avait trois ans et il était avec eux,mais....... il sera retrouvé sain et sauf, quatre jours plus tard, dans un cabinet médical à cent vingt kilomètres, dans la petite ville portuaire du Crotoy.....Difficile à comprendre et lui n'en garde aucun souvenir ,(« Pourquoi mes parents m'avaient-ils emmené dans un endroit plein de grenades ? Et qu'y faisaient-ils ? La réponse avait disparu, mon père et ma mère avaient disparu, disparu comme des cendres dispersées au vent, et je devins adulte à Hirifjell. »).

Voici un début palpitant qui va nous entraîner loin, en compagnie d'une prose sublime. L'histoire de la famille est liée à celle de la Norvège et de l'Europe. Une histoire opaque, lourde de secrets, peuplée de personnages absents et mystérieux, dont Edvard, le narrateur, vingt ans plus tard, va commencer à en rassembler les pièces. La beauté du texte vient surtout de la subtilité des détails, des sensations décrites avec finesse, et des faits évoqués par soupçons dont l'amour,(« elle apportait de l'air frais.......Mais quand elle fit coulisser les vantaux de la penderie, qui occupait toute la longueur de la chambre de grand-père, les nuages s'amoncelèrent de nouveau en moi. L'obscurité du placard généra un appel vers quelque chose de poussiéreux, sombre et vieux. Des vêtements auxquels il manquait désormais un corps. »). C'est aussi un voyage, en Norvège, dans les îles Shetland et dans la Somme, tombeau de milliers de personnes tombées pendant la Grande guerre, .....un voyage dans le temps.

J'ai aimé Edvard et sa solitude, le grand-père mélomane, l'oncle ébéniste de génie...,
J'ai aimé la mélancolie irrésistible des îles Shetland et la nostalgie de ces vies à jamais disparues,
J'ai aimé la pudeur, la sensibilité et la richesse de la narration,
Bref j'ai adoré ce livre palpitant et sa trame originale que je vous laisse découvrir, et qui me rappelle vaguement un autre auteur norvégien Per Petterson, un de mes écrivains de prédilection.

« Mon histoire débutait bien avant l'année de ma naissance. Elle avait déjà commencé quatre cents ans auparavant, avec la germination à Authuille de seize noyers. »

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« le mensonge, c'est peut-être comme l'alcool, me dis-je, il faut boire régulièrement pour se cacher à soi-même qu'on boit. Mais la vérité aussi a quelque chose de similaire : on est obligé de boire jusqu'à ce que la bouteille soit vide ».

Après avoir pris connaissance de la critique de @Palamède, c'est avec avidité que je me suis plongée dans les brumes de la mémoire d'Edvard Hirifjell ; Récit qui ne vous laisse pas une minute de répit tant on a du mal à lâcher ce livre.

Edvard a trois ans, en 1971, lorsqu'il devient orphelin de père et de mère. C'est au cours d'un séjour dans la Somme, plus précisément dans la forêt d'Authuille, que ces derniers vont être retrouvés noyés dans un étang. Qu'est donc devenu l'enfant qui les accompagnait ? Edvard sera retrouvé quelques jours plus tard dans un cabinet médical du Crotoy et confié à son grand-père.

Edvard est élevé par son grand-père Sverre, dans une ferme isolée où il élève des moutons et cultive des pommes de terre sur l'Ubac du lac Saksum en Norvège. Sverre est un taiseux. Devant le silence qui entoure la disparition de ses parents, Edvard grandit sans pouvoir poser de questions. Même mutisme quant à la brouille qui a séparé les deux frères, Sverre et Einar. C'est ainsi qu'Edvard, adulte, doit nettoyer la croix gammée qui a été dessinée sur la vieille Mercédès de Grand-père, moment particulièrement pénible dans un petit village norvégien où les ragots vont bon train. La seule chose que sait Edvard c'est que les deux frères ont combattu chacun dans un camp opposé pendant la seconde guerre mondiale.

Mais grand-père n'est pas éternel. Vient le jour où Edvard le découvre sur le canapé du salon, endormi ad vitam aeternam. le mystère s'épaissit dès l'instant où Edvard investit le bureau de grand-père et où il trouve cinq enveloppes cachetées, chacune portant le nom de Walter et de Nicole, ses parents, d'Edvard, d'Einar et d'Alma, la grand-mère. Et puis une clef. Sans compter le pasteur Thallaug qui vit à Saksum depuis 1927 et qui est, à ce titre, une mémoire vivante. C'est ce vieux pasteur qui lui révèle qu'aux Pompes Funèbres, un magnifique cercueil attend Sverre.

C'est devant toutes ces énigmes qu'Edvard va prendre sa décision de quitter sa ferme, ses moutons et ses pommes de terre au volant de la vieille Mercédès noire de Grand-père. La quête initiatique peut commencer.

Lars Mytting nous emmène de la Norvège aux îles Shetland, des îles Shetland en Ecosse pour parvenir en France, sur les champs de bataille de la Somme. Une énigme est résolue, qu'un mystère surgit, la tension est palpable tout au long du récit. Dans le silence de ma lecture, totalement immergée dans l'histoire, je me suis entendue formuler des sons devant le secret qui rebondissait.

Ce qui a le plus retenu mon attention, ce sont les scènes de tempête et de navigation, c'est intense, et les passages qui font honneur au travail sur bois, ce matériau vivant et noble qui sous la main de l'artiste devient oeuvre d'art. Lars Mytting aime la nature, il observe tout ce qui l'entoure et nous donne à lire de très beaux passages. Son héros n'ayant jamais quitté sa ferme, ses voyages successifs nous permettent d'apprécier la plume de son auteur tant Lars Mytting sait nous téléporter, nous secouer, nous captiver. On y ressent la solitude, la rudesse du climat, une certaine habitude de vivre au contact des éléments, on y admire la force qu'il faut pour s'adapter à certains environnements. On touche du coeur à la beauté sauvage !

Et puis, si vous êtes amateur d'Histoire, vous découvrirez comme moi, les Black Watch, le Shetland Bus et vous aurez envie de vous rendre derechef sur le Thiepval Memorial.

C'est une intrigue passionnante mais assez complexe comme ses personnages. Il y a quelques erreurs de traduction qui ne gêne pas la lecture. C'est un excellent livre d'un auteur qui vous mènera de somptueux paysages en somptueux paysages et tout cela, par le bout du nez!


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Parce ce qu'il avait combattu sur le front de l'Est aux côtés des Allemands, Sverre Hihrifjell était mal vu par la population de son village, jusqu'à ce qu'il récupère Edvard son petit-fils de trois ans après la mort mystérieuse de ses parents. Walter Hirifjell et Nicole Daireaux. Père né en 1944, mère née en 1945. Décédés le 23 septembre 1971. Retrouvé dans un étang de la Somme, un couple franco-norvégien dont le fils Edvard, à la mort de son grand-père, va chercher pourquoi Einar, son grand oncle, a fabriqué longtemps avant sa mort un cercueil pour son frère avec qui il était brouillé — Einar, un ébéniste d'exception qui avait appris son art chez Ruhlmann — et surtout chercher la vérité sur ses parents.

Une amie lui avait dit au moment où il commençait à remuer le passé « Tu ne trouveras rien d'autre que de vieilles scories qui te tourmenteront. » Et de fait Edvard, qui n'a jamais été un garçon serein, est ébranlé par ce qu'il apprend de ses parents... et se demande quand il va découvrir qui il est. Une quête de soi et d'une vérité complexe aux multiples ramifications qui nous intrigue et nous fascine. L'époque des deux conflits mondiaux y contribuant beaucoup, entre la Norvège, les îles Shetland et les champs de bataille de la Somme où tant perdirent la vie. le talent de conteur et la poésie, mais aussi la passion du bois de Lars Mytting achevant de nous immerger dans les profondeurs d'un pays âpre, sauvage et secret, à l'image de l'âme des hommes qui l'habitent.

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Passionnante et complexe saga norvégienne ! Coup de foudre pour l'histoire, les personnages, l'écriture! Merci, Idil, de m'avoir dit de ne pas passer à côté de ce livre, tu avais raison... J'ai parcouru avidement les 556 pages, sans aucun essoufflement. C'est plutôt un grand souffle d'aventure et de frissons, d'émotions qui m'a enveloppée durant toute ma lecture...

Je me permets un jeu de mots , très approprié ici. Le fil conducteur, c'est le fils. Qui est aussi le narrateur : Edvard. Un drame a ravagé sa petite enfance. Lors d'un voyage en France avec lui, ses parents sont morts à cause de grenades qui ont explosé sous leurs pieds, vestiges des batailles de la Somme, durant la première guerre mondiale. Le petit Edvard, a, lui, disparu pendant quatre jours , pour réapparaître dans un cabinet médical au Crotoy. Son grand-père paternel est venu le chercher et l'a élevé dans sa ferme isolée, en Norvège.

Lorsque le récit commence, Edvard a vingt-cinq ans. Sensible et tourmenté, solitaire, il évolue dans un univers taiseux, où on n'évoque pas le passé. Mais le quotidien rude et calme de la ferme productrice de pommes de terre va exploser , à la mort de son grand-père. De nombreuses questions vont se poser à lui : pourquoi un cercueil d'une beauté inouïe a-t-il été commandé pour l'enterrement ? Pourquoi ses parents avaient-ils entrepris ce voyage dans la Somme? Certes, sa mère était d'origine française mais elle est née dans un camp de concentration, à Ravensbrück.

Laissant Hanne, son amour d'adolescence revenue vers lui, Edvard se rend d'abord sur les îles Shetland, où son grand-oncle mystérieux, Einar, ébéniste de talent, a vécu ses dernières années... Il y rencontrera une certaine Gwen.

Je n'ai pas envie d'en dire plus, j'aimerais juste vous inciter à découvrir ce magnifique roman, quête intime poignante, récit d'aventure qui vous entrainera dans différents pays, aux allures aussi policières, en raison des recherches effectuées et des secrets à dévoiler. Vous découvrirez également des choses intéressantes, comme l'influence norvégienne aux Shetland, et les bouleaux flammés, perle rare en ébénisterie. Et bien sûr, vous saurez tout sur les seize arbres de la Somme, témoins historiques des plaies de la guerre.... Finalement, je ne peux pas m'empêcher de l'évoquer, cette belle oeuvre !

Le style est superbe, enlevé, délicat, tout à fait en accord avec les douleurs de l'âme, les espoirs des personnages. Ils sont tous attachants, même dans leurs mauvais choix. J'ai aimé surtout le sauvage et émouvant Edvard, en manque maternel, portant , sans le vouloir, le poids des morts.

Pourquoi aussi peu de critiques et de lecteurs pour ce livre? C'est injuste, il mérite d'être connu! Allez, laissez-vous prendre dans ce tourbillon norvégien, intense et bouleversant!
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critiques presse (1)
Actualitte
31 octobre 2018
Exhumer le passé familial, remonter les cercles du temps comme l'on compte les cernes d'un arbre, tel est le voyage auquel nous convie Lars Mytting : Les seize arbres de la Somme est une intense quête d'identité, foisonnante et profonde, à la recherche de la vérité.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (69) Voir plus Ajouter une citation
Les bruits et les odeurs étaient très différents de mes forêts. Eau saline mêlée de viscères de poisson et d’épaisse fumée de charbon ou de tourbe. Cris d’oiseaux marins, grondement des brisants contre les falaises face au large. La mer du Nord et l’océan Atlantique de part et d’autre, qui se hissaient sans relâche sur le rivage, comme si j’étais dans une forteresse assiégée.
Je restai à humer la mer. Un vent froid, salé. Pourri, mais frais. Il me plaisait et me déplaisait à la fois, me rappelait le terreau qui fait de la place au neuf.
Quelque chose manquait. Une chose que j’attendais, mais que je n’arrivais pas à identifier. Bien sûr, me rendis-je compte après avoir repris la route. Il n’y avait pas d’arbres. Pas un seul. Rien que des petits fourrés, des maisons en pierre et des pâturages. Pas la moindre pousse de tremble. Comment un ébéniste pouvait-il supporter ça ?
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Dans le vestibule, je dus mettre tout mon poids sur la porte pour parvenir à l'ouvrir. Lorsqu'elle le fut à moitié, la tempête trouva prise et l'arracha presque de ses fonds, s'engouffra dans la maison et repoussa les vestes de pluie sur la tringle. Le vent hurlait dans mes oreilles et j'avais à peine passé le coin de la maison que j'étais trempé jusqu'aux os. Autour, la mer semblait avoir monté de plusieurs mètres, verdâtre, pleine d'écume, elle était prête à engloutir l'île entière. J'avançais encore, courbé en avant, comme si je grimpais sur terrain plat, me retournant parfois pour reprendre mon souffle. Sur la grève résonnaient des claquements secs, comme les contrecoups du déchargement d'un camion de pierres quand chacune d'entre elles cherchait un endroit où se poser.
Je libérais les volets sous les jets de pierre, son bras sortie par la vitre brisée et elle les tira vers elle. Nous poursuivîmes jusqu'à ce que la maison soit fortifiée de l'extérieur et obscure à l'intérieur.

page 274
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Le centre était désert. Ce n’était pas une nouveauté : aux heures apathiques entre la fermeture de l’épicerie et le dîner, personne ne sortait. Rien d’autre que les voitures en transit qui se traînaient à cinquante à l’heure. Les gens regardaient par la vitre en se félicitant de ne pas avoir à vivre à Saksum.
Mais ils ne savaient pas ce que nous possédions.
Car ici, il y avait de la place pour nous. De la place pour moi,pour Carl Brænd, le freak de l’électronique qui, à l’âge de cinquante-cinq ans, habitait toujours chez sa mère, construisait des amplis de génie et roulait jusqu’au kiosque à hot-dogs à dix heures moins cinq pour avoir les saucisses livides à moitié prix de l’heure de la fermeture.
Ici, nos tares étaient visibles. Nous en avions connaissance, nous nous en servions pour nous maltraiter les uns les autres, mais les ragots nous soudaient. En chacun de nous il y avait un trou et nous le recherchions chez les impeccables, parce que c’était par là que le village passait son fil.
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Let us die Young or let us live forever.
Et ce n'était peut-être qu'une illusion, ou séduction, car il s'agissait d'une simple chanson pop, du plastique là où la vraie musique était d'acier, du carton-pâte là où il aurait dû y avoir de la maçonnerie, mais encore une fois je l'entendis.
Cette chanson était sincère. Et soudain, je sus que je vivais là l'un de ces épisodes très rares dans une vie où la musique s'attache à un instant. Instant dont je me souviendrais encore dans cinq, dans dix ans. Je vis que Gwen le comprenait aussi et que nous avions la chance de le comprendre en temps réel et pas seulement à posteriori.
C'était un instant décisif dans sa vie aussi, le seul instant, le seul endroit avec mes yeux bruns et ses yeux bruns, cet instant qui apparaîtrait chaque fois que nous entendrions Forever Young.
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Les visages de mes parents, eux, ne vieillirent jamais. Ils existaient sur une photo de la commode, juste à côté du téléphone. En pantalon pattes d'éléphant et gilet rayé, papa est appuyé contre la Mercedes. Maman est accroupie, elle caresse Pelle, notre buhund norvégien. Il semble lui barrer la route, comme s'il refusait de nous laisser partir.
Les bêtes comprennent peut-être ces choses-là.
Quant à moi, j'agite la main sur la banquette arrière, la photo a donc dû être prise le jour de notre départ.
Je continue de me figurer que je me souviens du trajet vers la France, comme d'une odeur de skaï émanant des sièges chauds, comme d'un défilé d'arbres par la vitre latérale. Longtemps, j'ai cru me souvenir aussi de l'odeur particulière de maman ce jour-là, et de leurs voix par-dessus le vent de vitesse.
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