Le Peintre d'enseignes

Raman, le personnage principal du roman, est peintre d'enseignes et il met un point d'honneur et un plaisir à peindre ses enseignes avec grand soin en utilisant la calligraphie appropriée selon l'enseigne. Narayan nous introduit dans la vie plutôt bien réglée de son personnage, entre ses amis, sa vieille tante... en y racontant nombre d'anecdotes savoureuses sur la vie à Malgudi, cette ville qu'il a imaginée et dans laquelle la plupart de ses récits se passent. La tante de Raman, très pieuse qui s'occupe de tenir le foyer, voudrait qu'il se marie avec une jeune fille convenable. Mais voilà…Raman rencontre Daisy, une jeune femme décidée et libérée qui travaille pour le planning familial et qui est chargée de faire la tournée des villages autour de Malgudi pour y développer l'utilisation de la contraception. Elle emploi Raman pour peindre des enseignes ‘éducatives'. Raman part en tournée avec elle et il est fasciné par cette femme qu'il rêve d'épouser.

C'est un vrai bonheur que de suivre Raman, adopter son rythme, jamais pressé, toujours le temps de regarder autour de lui, de voir les gens, les petits détails du quotidien, de boire ou manger quelque chose. Il est l'observateur privilégié d'une communauté, d'un quartier. Et lorsqu'il voyage avec Daisy, il porte me même regard intéressé sur les gens des villages qu'ils traversent, sans jugement, avec de la sympathie, prêt à accepter les gens qu'il rencontre et ce qui lui arrive tel quel.

J'ai eu la sensation que sa philosophie de la vie devait être proche de celle de l'auteur, qui dépeint son personnage principal et tous les autres, avec une indéniable tendresse, mais aussi avec d'humour beaucoup d'humour, n'hésitant pas à se moquer gentiment de ses personnages, comme Raman est finalement prêt à se moquer de lui-même. Les passages du voyage sur le char à boeuf, ou celui dans lequel Raman craint d'être arrêté par le police et pour tester ce qu'il risque s'approche de plus en plus du commissariat, sont vraiment drôles.

Raman, peintre d'enseignes dans une Inde des années 70 et élevé par une tante superstitieuse, résiste difficilement à l'attirance qu'il éprouve pour la solide et mystérieuse Daisy dont le seul but est de faire chuter le taux de natalité du pays.

De nouveau, je constate combien une histoire simple peut me plaire. C'est également un témoignage intéressant sur la vie en Inde, religion, mariage, dépouillement et pauvreté.

Raman est un peintre d'enseigne, il doit composer avec les superstitions de ses clients, leur filouterie et leur tergiversation. C'est un être qui se veut rationnel, lecteur de livre. C'est surtout un célibataire endurci qui a décidé de ne rien avoir à faire avec les femmes et qui les craint peut-être un peu. Il vit chez sa tante qui lui est toute dévouée. Son train-train déraille quand il fait la connaissance d'une femme du planning familial qui va le sortir de sa zone de confort.

Le roman met en scène des personnages attachant par leur humanité. On aime la rencontre improbable entre un vieux garçon misogyne et une pasionaria du contrôle des naissances.. C'est aussi aussi une illustration des traditions, des préjugés et des superstitions qui ont la vie dure dans ce pays.

Raman est peintre d'enseignes, Daisy employée fanatique ( et assez hermétique) du Planning familial (voir les excellents résumés d'autres lecteurs). le roman nous plonge dans l'Inde des années 70 pendant la période de contrôle des naissances, au cours de laquelle on stérilisait, parfois de force, les hommes (vasectomie) ou les femmes. Les fonctionnaires avaient des quotas à atteindre. C'est en filigrane ce qu'on peut lire, mais pas seulement. On partage le quotidien des petits citadins, des paysans : croyances, castes, mariage, dot, cuisine, literie, liens sociaux…. Et l'amour et le désir dans tout ça ? Hé bien, lisez…

Dans un rythme assez lent et très évocateur de l'ambiance d'une ville moyenne d'Inde (je n'oserais pas essayer de deviner de quelle région), nous suivons Raman, peintre d'enseigne, dans son business, sa vie avec une vieille tante et son ébahissement devant une jeune femme qui fait voler en éclat ses préjugés sur les relations entre hommes et femmes.
Ce livre écrit en 1976 est militant en ce sens qu'une grande partie de l'histoire tourne autour des campagnes de sensibilisation au contrôle des naisssances, mais laisse aussi la part belle au quotidien réaliste, aux réflexions rationalistes et aux scènes de spiritualité.
On voyage avec plaisir dans ce court roman, où on retrouve certainement des éléments autobiographiques de l'auteur.