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Clément Baude (Traducteur)
EAN : 9782226469854
384 pages
Albin Michel (10/05/2023)
3.8/5   28 notes
Résumé :
"D'une guerre à un ouragan, d'un océan traversé à une terrible inondation : voilà un roman qui nourrit l'âme et le corps". Viet Thanh Nguyen, auteur du Sympathisant, prix Pulitzer

Lorsque la jeune Hýõng débarque à La Nouvelle-Orléans en 1978 avec ses deux enfants, comme tant d'autres boat people ayant fui le régime communiste, elle n'a ni argent ni travail et ne parle pas un mot d'anglais. Inquiète pour son mari resté au Vietnam, elle vit dans l'espoi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
C'est par une catastrophe que s'ouvre le premier roman de l'américain Eric Nguyen et c'est par une catastrophe qu'il se conclut.
Comme si l'histoire était condamnée à la répétition, comme si l'on perdait encore et encore. C'est précisément de perte et de reconstruction que va nous parler le nouveau livre de la collection Terres d'Amérique.
Lorsque La Solitude des Tempêtes commence, c'est au Viêtnam que nous sommes, alors que la guerre se termine et qu'elle jette sur la mer les fameux « boat people » après la chute de Saïgon en 1975.
Parmi ces réfugiés se trouve Hương, une jeune femme vietnamienne, et son fils, Tuấn. En réalité, trois personnes dérivent sur les flots à ce moment-là puisque Hương est enceinte, d'un autre garçon, Bình, qui, comme son grand frère, ne connaîtra pas son père.
Fuyant les communistes, Hương et son mari Công pensent enfin sortir du cauchemar qui s'est abattu sur eux après la défaite américaine. Mais tout ne se passe pas comme prévu et Công ne monte jamais sur le bateau qui emmène sa famille au loin.
Débarquée à la Nouvelle-Orléans, Hương doit refaire sa vie et absorber le choc du déracinement, ballotté de famille d'accueil en motels avant de poser ses valises à Versailles, sorte de village pour réfugiés au bord du bayou, dont le nom résonne d'ironie avec la pauvreté de ce qu'il offre à ses nouveaux habitants. Dès lors, Eric Nguyen va séparer son récit selon les années mais aussi, et surtout, selon les personnages de son récit, adoptant successivement les points de vue d'Hương, de Tuấn et de Bình.
Trois générations, trois ressentis différentes, trois destins.

Notre père, toujours
En partant des conséquences de la guerre du Viêtnam sur ceux qui sont restés, ces gens ordinaires qui se sont battus ou retrouvés du côté américain, Eric Nguyen commence par expliquer l'horreur du régime communiste qui s'abat sur Saïgon et sur le Sud-Viêtnam.
Công, professeur et amoureux de littérature française, croit en la liberté intellectuelle et individuelle. Il se heurte naturellement à l'idéologie nouvelle venue du Nord et finit en camp de rééducation. de là, tout change et la fuite semble la seule solution dans un pays transformé en dictature.
De l'autre côté de l'océan pourtant, l'échappatoire déçoit.
Hương et ses enfants se retrouvent pris au piège dans une Amérique banalement raciste qui traite ses anciens alliés comme d'encombrants parasites. Des parasites que l'on tolère tant bien que mal.
La Solitude des tempêtes nous fait pénétrer dans les affres de la transition culturelle vécue par Hương tout d'abord, qui réalise bien davantage que ses fils que leur vie a complètement changé et qu'elle ne sera pas forcément meilleure. C'est un personnage blessé et hanté que l'on découvre petit à petit, hanté par le chagrin et par ce mari qu'elle a laissé au pays, qui n'a pas pu monter à bord et dont la main a glissé. Un fantôme qui va étendre son ombre sur tout le récit et survoler toutes les autres problématiques.
Eric Nguyen parle de la figure du père et de l'époux, à ce qu'elle fait à ceux qui ne peuvent savoir, à ceux qui espèrent en vain. Công devient au fur et à mesure du récit comme un mythe, reconstruit différemment par sa femme et par ses enfants, une sorte de figure qui endosse tous les fantasmes et toutes les attentes. Un fantôme auquel on parle par des lettres ou par des cassettes pour dire la difficulté de sa nouvelle vie ou simplement se rattacher à ce qui a été. de façon étrange et fascinante, Nguyen fait de Công un personnage aux contours flous, un leitmotiv familial qui règne sans être.
C'est là toute la complexité du survivant, s'imaginer ce qu'aurait voulu le disparu, ce qu'il aurait fait ou été. Pour Tuấn, et encore davantage pour Bình, le père devient un mythe, une sorte de légende qui nous guette au coin de l'oeil. Chacun essayant d'en tirer son parti et de se le réapproprier.

Retrouver un foyer
En grandissant, les enfants deviennent des images de leur père, et trouvent leur voie malgré les embuches. Eric Nguyen mêle alors l'identité et la paternité, ou comment être américain et vietnamien dans un monde où son père existe et n'existe pas. Chacun affronte des épreuves et choisit d'embrasser son histoire différemment. Tuấn s'y confronte, accumulant les mauvaises fréquentations mais ne reniant jamais ses origines, tentant un équilibre impossible entre les deux. Bình devient Ben, lui qui n'a jamais connu le Viêtnam ou son propre père, lui qui, de son premier souffle est américain, ou presque. Il devra aussi se confronter à son homosexualité, dans une culture peu propice à ce genre de coming-out, avant d'être poursuivi par son histoire familiale à nouveau.
Autour de ce trio de personnages, Eric Nguyen choisit sans hasard aucun, la cadre de la Nouvelle-Orléans, de son bayou, de ses ouragans. Un autre pays instable balayé par des tempêtes et qui finira, lui aussi, sous les eaux. Bouclant la boucle, l'auteur américain montre que le passé est toujours là à guetter, que le traumatisme, la perte, le déracinement, cette sensation qui fait que l'on ne sera jamais plus chez soi, toute cette force émotionnelle nous rattrape encore et encore.
La Solitude des tempêtes s'affirme comme une triple histoire intime, qui sait fouiller les fantômes et comprendre la complexité de celui qui n'a plus d'identité propre, qui doit sans cesse se débattre entre plusieurs images qui ne sont jamais tout à fait lui. Avec pudeur et sans débordement émotionnel, avec justesse et grandeur, témoignant pour ceux qui sont restés piégés quelque part là-bas, sur les flots de la catastrophe.

Poignant mais pudique, le roman d'Eric Nguyen est un moment de littérature magnifique, à mi-chemin entre Histoire et fiction et dans laquelle les personnages se cherchent après la catastrophe.
La Solitude des tempêtes convoque l'ombre du père disparu pour mieux parler de ceux qui doivent composer avec la lumière en attendant d'être soi, enfin, un jour.
Lien : https://justaword.fr/la-soli..
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La Solitude des tempêtes de Éric Nguyen. J'ai eu beaucoup de mal à lire ce livre, mais cela doit venir de ma liseuse, tous les noms étaient déformés, pas très agréable.

Août 1979, un long hurlement, Hýõng, s'affole, abandonne la vaisselle dans l'évier, récupère ses deux fils et sort de l'immeuble en courant, elle est paniquée, elle pense que la Nouvelle-Orléans est en guerre.

Juste une alerte ouragan, un test, au cas où il arriverait quelque chose.

En 1975, après la chute de Saigon, Hýõng et son mari Cong, espéraient toujours, pouvoir continuer à vivre chez eux, mais certains évènements, les poussèrent à prendre une décision qui changera leur vie à tout jamais.

En 1978, ils décident de partir, un passeur, un bateau, une semaine en mer, elle est enceinte, avec son fils Tuán, ils arrivent dans un camp à Singapour, plein d'autres boat people, mais sans son mari. Elle ne sait pas à quel moment ils se sont perdus. Ils restent plusieurs mois, elle a le temps d'accoucher de son deuxième fils Binh. Puis ils montent à bord d'un avion tous les trois, ils arrivent dans leur nouveau pays d'accueil, la Nouvelle-Orléans.

Espérant toujours que son mari les rejoigne un jour, elle lui écrit très souvent, enregistre des cassettes avec leur voix, mais elle comprendra rapidement qu'elle ne le reverra jamais.

Elle n'a pas d'argent, ne parle pas l'anglais, mais courageusement elle fera tout pour élever ses enfants et s'en sortir.

Deux enfants, aux caractères différents qui se cherchent, Tuán a la nostalgie de son pays, de ses origines, il va intégrer un gang vietnamien.
Binh ou Ben, il veut qu'on l'appelle ainsi, veut s'intégrer complètement aux américains, il veut écrire et assume son homosexualité.

« Tandis qu'au fil des années leurs différentes expériences de l'exil menacent de les éloigner pour toujours, l'ouragan Katrina s'approche, les forçant à trouver une nouvelle manière d'honorer les liens qui les unissent. »

Un récit poignant sur l'émigration.


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En 1978, Hýõng quitte Saigon avec son mari et son fils. La ville est devenue trop dangereuse. Ils s'installent alors dans le village natal de la jeune femme. Un soir, Cong déclare qu'ils feraient mieux de partir, de quitter le pays. Sur des carnets, il élabore des plans. Une visite des communistes le persuade qu'ils ne peuvent plus rester, que les risques sont trop grands. Mais au moment du départ, dans la panique, la famille est séparée. Hýõng passe dix jours en mer, avec son petit garçon et son bébé dans le ventre. Après une longue traversée périlleuse sur une mer agitée, elle passe plusieurs mois dans un camp à Singapour avant de prendre un avion pour l'Amérique.


Lorsqu'elle s'installe à la Nouvelle-Orléans, avec ses deux fils, Hýõng ne parle pas un mot d'anglais. Mais elle est courageuse. Armée de phrases toutes faites, elle cherche du travail. Elle attend que son époux la rejoigne. Puis elle comprend que Cong ne viendra pas, qu'il est resté au Vietnam. Elle est forcée de composer avec l'absence d'homme pour elle et de figure paternelle pour ses enfants. Tuán était trop jeune pour se souvenir de son père et Binh (qui a choisi de se faire appeler Ben) ne l'a pas connu. L'aîné recherche ses racines vietnamiennes par tous les moyens, en faisant, parfois, des mauvais choix, comme celui d'intégrer un gang. le cadet, lui, ne rêve que d'assimilation. Chacun cherche sa place, se débat avec le poids de l'exil.


Ce roman déroule vingt-six ans de l'histoire de cette famille d'exilés, après leur fuite du régime communiste, au Vietnam. Il déroule leurs espoirs d'un nouveau départ, la douleur de l'exil, les souffrances de l'intolérance et la nécessité de se reconstruire, de se réinventer ou tout simplement d'exister. Comme une métaphore des remous de leur existence, le thème de l'eau est omniprésent. L'élément est dans la traversée en bateau, en passant par des cours de natation, une piscine où Ben découvre sa sexualité, le bayou, l'accès au confort de l'eau, jusqu'au passage de l'ouragan Katrina. Il est un fil conducteur du roman. Il est parfois une aide, parfois un obstacle. Deux générations, trois personnalités différentes sont en quête d'identité.


La solitude des tempêtes est un roman envoûtant sur l'exil de boat people. Je me suis attachée aux trois protagonistes, en raison de leurs errements et de l'authenticité de leurs émotions. le sujet est universel, mais conté de manière intimiste à travers trois perceptions différentes, liées au vécu des personnages. Même s'ils sont de la même famille, le souvenir de leurs origines n'a pas la même profondeur d'enracinement.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Un énorme coup de coeur pour ce roman qui nous ramène vers la fin des années 70, au moment de ces drames singuliers que l'occident engloba sous l'étiquette « Boat people », pour vivre avec Huong et ses deux fils ce drame d'exil, son empreinte, ses conséquences, sur une durée de 27 ans.
Une belle construction, en mosaïque de moments clés décrits du point de vue du personnage concerné, et en un mouvement symbolique circulaire autour des dangerosités de l'eau, nous embarque dans sa traversée sous l'ombre portée de Cong, le mari, le père, fantôme qui ne livre rien de ce que fût la vérité de l'homme condamnant ainsi chacun.e à l'errance d'une quête jusqu'en tempête.
Peinture sociale autant qu'intime des problématiques de cet exil là, en touches colorées qui donnent à sentir bien plus qu'elles ne racontent, le texte nous retient dans son atmosphère… Un livre dont on sort à regret.
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LA SOLITUDE DES TEMPETES de Eric Nguyen
Après la chute de Saïgon, Huong quitte avec son fils Tuan sa terre natale, le Vietnam. Au moment de monter dans le bateau son mari Cuong, professeur menacé par le régime communiste ne l'accompagne pas dans cette fuite. Huong est enceinte et accouche d'un autre garçon qu'elle prénomme Binh.
Leur installation à La Nouvelle-Orleans n'est pas simple, elle est seule cependant ne perd pas espoir et continue pendant des années à envoyer à son mari des courriers et des cassettes. Pourtant celui-ci ne viendra pas rejoindre sa famille, elle-même et ses enfants vont souffrir de cette absence.
Un roman intimiste riche en Histoire, aux personnages attachants dont l'analyse des personnalités et comportements est fine et bien menée. de nombreux thèmes sont abordés tels que l'exil, l'absence, la filiation, l'identité, le déracinement, l'intégration, le besoin de reconnaissance, la politique...
Ce texte à plusieurs voix, offrant à chaque chapitre le point de vue et les ressentis de chaque protagoniste à tour de rôle, est à la fois violent et pudique.
Un bel hommage à tous les "boat people".
A lire sans hésiter.
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critiques presse (1)
LeSoir
13 juin 2023
De l’océan des boat people à l’inondation de La Nouvelle-Orléans, Eric Nguyen raconte l’histoire puissante et intime d’une famille d’immigrés vietnamiens.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Chacun doit faire des choix dans la vie, et parfois il n'y en a que des mauvais. Partout où tu regardes, c'est un océan de mauvais choix, et tu es obligé d'en faire un, le moins pire ou juste n'importe lequel. »
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Si la guerre lui avait appris une chose, c'est que l'idéologie - l'idée que l'on se fait du monde tel qu'il devrait être, ce pour quoi on est prêt à mourir - est toujours imparfaite et que, aussi innocente soit-elle dans son essence, elle peut mener à la tragédie.
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C’est le calme avant la tempête. […] C’est seulement plus tard qu’elle a compris qu’il n’y avait pas de guerre à La Nouvelle-Orléans : pas de guerre ici. La dernière guerre a eu lieu sur d’autres rives, avec d’autres gens, dans un autre pays, et il n’y aura jamais de retour en arrière vers cette vie-là. Elle s’en rend compte aujourd’hui, mais ça n’atténue pas pour autant la douleur. Au contraire, la douleur grandit. Elle grandit et prend la forme de deux garçons et les deux garçons grandissent et prennent la forme de deux fils, et ces deux fils grandissent et ressemblent à leur père, d’une façon irréelle, dans leurs humeurs, leurs gestes, leurs voix, si bien qu’elle a en permanence le sentiment de le perdre une seconde fois- arraché par le monde, par la vie, par le destin.
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C’est le calme avant la tempête. C’est seulement plus tard qu’elle a compris qu’il n’y avait pas de guerre à La Nouvelle-Orléans : pas de guerre ici. La dernière guerre a eu lieu sur d’autres rives, avec d’autres gens, dans un autre pays, et il n’y aura jamais de retour en arrière vers cette vie-là. Elle s’en rend compte aujourd’hui, mais ça n’atténue pas pour autant la douleur. Au contraire, la douleur grandit. Elle grandit et prend la forme de deux garçons et les deux garçons grandissent et prennent la forme de deux fils, et ces deux fils grandissent et ressemblent à leur père, d’une façon irréelle, dans leurs humeurs, leurs gestes, leurs voix, si bien qu’elle a en permanence le sentiment de le perdre une seconde fois- arraché par le monde, par la vie, par le destin.
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Oublier, elle en avait la certitude, serait facile. La chose la plus facile du monde. On n'arrête pas d'oublier - les noms et les adresses, la couleur d'une robe d'enfance, le titre d'une chanson adorée. On pouvait oublier tout et n'importe quoi à condition d'essayer, à condition de s'en donner la peine.
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