Un peu déçu par ce tome d'Enquêtes en Bretagne. L'ambiance générale laisse assez perplexe et les préjugés culturels collent aux personnages tout au long de cette histoire un peu tirée par les cheveux. Surtout, le format n'est plus tout à fait celui des enquêtes qui ont précédé. Peu d'enquête, pas d'intrigue mais surtout une intervention commando. Il rappelle un peu "Du bois bandé dans le chouchen" mais l'histoire manque de suspens.
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Le tueur vérifia avec ses jumelles le numéro de la plaque d’immatriculation. Nul doute. C’était bien son contrat. Il avança sa grosse berline le long du chemin de terre qui longeait les étangs de la petite ville de Saint Renan au nord de Brest et attendit, tapi derrière un bosquet. L’autre ne devrait pas tarder à arriver.
Quelle bonne idée il avait eu, ce type, de rendre visite à sa tante, car celle-ci vivait dans un penti un peu perdu, loin de toute âme et de tout regard curieux. Le soir plongeait tranquillement ses derniers feux sur les eaux paisibles et le vent de mer caressait les têtes délicates de derniers roseaux. Avec la nuit, l’opération serait parfaitement discrète.
Ensuite, il irait traiter son deuxième contrat : liquider la vieille. Bonne affaire finalement. Deux opérations dans la même soirée pour un gros paquet de billets. Et en plus, l’imam de la mosquée de Brest lui avait assuré que c’était dans l’intérêt des serviteurs de la foi. Si déjà il n’avait pas beaucoup de scrupules, les recommandations de l’imam avaient réduit à néant le peu de morale qui lui restait.
Une lumière troua le noir dans la cour du penti. La cible venait de sortir. Parfait. Normalement, elle devrait prendre le chemin de terre à petite allure pour regagner la ville et là…
Le son du véhicule ronronna sur le passage. Le tueur embraya, le pied sur le changement de vitesse, l’autre prêt à accélérer. Ça y est ; elle approchait ; dans un instant elle serait là. La voilà ! Le tueur lança son lourd véhicule contre la frêle voiture, enfonça la portière du conducteur et provoqua une série de tonneaux qui se conclurent par une chute dans l’étang. Le conducteur, choqué ou assommé, ne réagit pas. L’eau envahit rapidement l’habitacle tandis que la masse de tôles froissées glissait dans le néant liquide. Bientôt, il ne resta plus que le toit et la lumière des phares brouillée par l’eau puis dans un bruit de succion, la noirceur de l’étang finit de l’engloutir.
Seules quelques rides à peine visibles auraient pu témoigner du passage d’une voiture dans un trou des étangs de saint Renan.
— Et d’un, songea le tueur. À la vioc maintenant.
Il fit marche arrière pour ramener sa voiture près du bosquet, tira un automatique de la boîte à gant et sortit dans la nuit.
Apparemment, la vieille vivait seule. L’imam avait dit vrai. Ce serait un jeu d’enfant. Il se glissa silencieusement le long du mur de la longère pour faire le tour du bâtiment. Dans son esprit, l’ancêtre se serait probablement installée devant la télévision ou même serait au lit avec un roman. C’est donc avec surprise qu’il la trouva dans le jardin, installée sur une balancelle malgré les assauts de l’hiver breton. Elle le vit immédiatement et le fixa du regard :
— Que voulez-vous jeune homme ? De l’argent ? Je n’en ai pas. Des bijoux ? Je n’en ai pas non plus ! Vous perdez votre temps !
Le tueur s’arrêta un instant, surpris d’une telle détermination. Il eut un moment d’hésitation. Abattre une femme allongée dans son lit, c’est comme couper le cou à un poulet. On le fait presque sans y penser. Mais cette femme-là avait du cran. Un début de respect envahit ses pensées, qu’il chassa comme s’il s’était agi d’une mouche sur son front. Il ferma les yeux, respira profondément, se rapprocha de la silhouette qui le toisait vertement, tendit son bras en avant et tira. Le silencieux au bout du canon transforma la détonation en simple « plop » comme un bouchon de champagne qui saute. Un trou noir avait allumé un troisième œil sur le front de la Bretonne, mais curieusement, son corps resta immobile sans chanceler ni tomber à la renverse.
— Je n’aime pas beaucoup ça ! fit-il à mi-voix.
Il s’approcha de sa victime et apposa prudemment deux doigts sur la jugulaire. Plus aucun flux de sang n’y circulait. Mais même dans la mort, la vieille dame continuait de le fixer de ses yeux sévères.
Perturbé, il fit demi-tour et se précipita vers sa voiture avant de disparaître vers Brest.