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EAN : 9782809716535
160 pages
Editions Picquier (02/02/2024)
3.65/5   13 notes
Résumé :
Presque tout est vrai dans ce roman percutant, bouleversant.Midori est une jeune femme dévastée par le tsunami de 2011 et la catastrophe de Fukushima. Midori a tué ses enfants. Comment la société japonaise va-t-elle appréhender les raisons et décider la sanction d'une mère infanticide, dans un pays où la peine capitale existe et où elle est toujours appliquée ?

Une journaliste française en poste au Japon va se poser ces questions. Elle va suivre pas à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'ai failli ne pas finir ce livre, tant il était douloureux à lire. Oui, ce n'est pas une histoire « réelle » mais elle est inspirée de faits réels, et remet en cause l'image que l'on a de la société japonaise, tout en nous questionnant sur la manière dont nous consommons l'information.
J'ai bien dit « livre » parce que l'autrice a beau dire que c'est un roman, j'y vois plus un livre d'enquête. La société japonaise est l'une des plus policée au monde ? Rien n'est prévu pour les jeunes parents en difficultés, ou plutôt je devrais dire « les jeunes mamans » même si être mère célibataire est extrêmement rare au Japon, extrêmement mal vu, c'est pour cette raison que Midori n'a pas parlé de sa grossesse à ses parents, eux qui avaient de hautes ambitions pour elle, n'écoutant pas ses aspirations. Ils ont aussi plus ou moins coupé les ponts avec leur fils aîné, le père, parce qu'il n'approuvait pas les choix de vie de son fils, la mère, parce qu'elle n'avait pas la force de s'opposer à son mari dans la société patriarcale japonaise. Face à ses événements d'ordre privé, il est aussi les catastrophes naturelles qui ont jalonné leur vie. le tsunami de 2011 et la catastrophe de Fukushima ont privé les parents de Midori de leurs maisons, de leurs affaires personnelles, de leur outil de travail aussi. Mais « les japonais ne se plaignent pas », mais « les japonais sont résilients ». Non, ils sont plutôt résignés, alors que ceux qui ont été forcés de quitter leur logement en 2011 et furent relogés dans des habitations de fortune vivaient toujours, huit ans plus tard, dans ces logements de fortune. A-t-on des statistiques sur le nombre de japonais qui ont pris la même décision que le père de Midori, c'est à dire le suicide ? Je ne pense pas.
De même, s'intéresse-t-on au système judiciaire japonais, et aux exécutions qui ont encore cours dans ce pays ? Non plus. D'ailleurs, on ne critique pas une décision de justice. Les rares personnes sont la narratrice a lu les témoignages sont pour la peine de mort, surtout pour les personnes qui tuent leur propre enfant. le paradoxe est qu'ils réclament moins la peine de mort pour ceux qui tuent les enfants des autres. L'idée est qu'exécuter ceux qui maltraitent leurs enfants dissuaderaient d'autres parents de le faire. Jamais ces journalistes, ces blogeurs, ne cherchent à comprendre comment ces parents en sont venus à maltraiter leurs enfants, parce qu'on ne nait pas parents maltraitants. Il ne s'agit pas d'excuser – Midori sait très bien qu'elle n'a pas d'excuses – mais de relever ce qui, dans la société, dans leurs conditions de vie, les a menés à être violents envers leur propre enfant. Je dévie un peu dans mon analyse, mais la narratrice parle aussi des apparences, de ses enfants qui ont à peine à manger chez eux, mais dont les parents ont acheté le portable dernier cri, pour que leurs camarades ne voient pas qu'ils sont en difficultés financières. Ne pas parler, jamais, ne pas se parler aussi : la société japonaise est une société dans laquelle on communique peu : on colle une étiquette sur son portable pour prouver que les pleurs de l'enfant ne gênent pas, mais on ne lèvera pas le nez de son portable pour découvrir que l'on a en face de soi une jeune femme enceinte qui n'ose pas demander une place assise. Les jeunes femmes militent pour ne plus porter de talons aiguilles au travail, c'est le combat social de ces années-là, relayés jusqu'en France par les magazines féminins.
Alors oui, la narratrice nous parle autant d'elle que de Midori, parce qu'elle s'interroge sur la course à l'information, sur les dépêches toutes faites que l'on bombarde d'une rédaction à l'autre, sans chercher à approfondir les sujets, sans se questionner jamais ce qui est important ou pas : non, l'important est d'être le premier au courant, et tant pis pour ce qui se cache véritablement derrière les faits.
Ces 176 sont extrêmement riches de réflexions sur la société japonaise. Les rares personnes qui tentent de faire bouger les choses, comme ce gynécologue qui a installé une tour d'abandon dans l'hôpital où il travaille, pour que les mères puissent abandonner leur enfant (et non les tuer) rencontrent le plus souvent l'opposition de tous. Par comparaison, en France, 700 femmes environ accouchent sous x, ce qui n'est pas possible au Japon – ce même médecin se dit prêt à pratiquer ce type d'accouchement, en dépit des pressions qu'il subit, si cela peut sauver la vie d'un enfant. Midori le dit : si elle avait eu la possibilité d'abandonner ses enfants, elle ne les aurait pas tués. Constat atroce.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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« Tout est presque vrai dans cette fiction. »
Karyn Nishimura a mixé l'histoire réelle de plusieurs prévenues pour donner vie à Midori : une jeune femme coupable d'un triple infanticide.
Récit qui sert d'arrière-plan à l'analyse d'une face plus sombre du Japon. Tout autre que celle connue habituellement « la plus visible, la plus agréable, celle du Japon de la politesse, de la fidélité, de la serviabilité, de la gentillesse, du civisme, de la propreté, de la ponctualité, de la qualité et même de la perfection. »

L'histoire : Une famille simple, une petite fille sans histoire, Midori. A 21 ans, son histoire bascule avec le tsunami de 2011 et la catastrophe de Fukushima. Son père se suicide, comme des centaines de japonais.
L'autrice se situe dans le roman, à la première personne du singulier, « comme une journaliste française au Japon », ce qu'elle est réellement. Elle relate le procès (Midori a tué sa petite fille et deux jumeaux, encore nourrissons), et tente de mieux comprendre la personnalité et l'environnement social de Midori qui risque la peine de mort…

Percevoir à travers le personnage, la génération des 20 / 30 ans japonais. Une génération désenchantée, malléable, qui souhaite une vie tranquille et ne s'intéresse pas à la politique :
« Elle avait les faiblesses de sa génération, celle qui ne bat pas, celle qui baisse les bras. Elle aussi, au départ, voulait les trois AN : ANZEN, ANSHIN, ANTEI, sécurité, tranquillité, stabilité, cette quête des jeunes de vingt-trente ans, cette quête qui les paralyse, leur fait craindre et fuir le risque. »
« Les trois AN étaient presque devenus une réalité. Ils avaient tous au moins une promesse d'embauche des semaines ou des mois avant d'avoir fini leur cursus : plus ils étaient mous et malléables, plus ils avaient de chances d'avoir une vie professionnelle stable, la sécurité de l'emploi. »

Une personnalité que Fukushima a renversée, a mise à terre, complètement détruite par son acte. « Midori se sentit alors prise dans un engrenage. Toute la haine qu'elle avait pour elle-même se projetait sur sa fille. Et elle devint alors ce qu'elle n'aurait jamais imaginé : un monstre pour son enfant qu'elle se mit à négliger sans le vouloir pourtant. Si bien que le jour de son arrestation fut pour elle un soulagement. »

En arrière-plan de ce procès à fort retentissement, se profile également une vision politique et sociale du Japon :
- Fukushima dont l'importance a été minorée par le gouvernement.
« L'accident de Fukushima n'a donc pour ainsi dire tué personne directement. le bilan est pourtant bien différent : plus de 2500 habitants du département sont morts d'avoir été transbahutés dans des conditions ignobles lors des opérations d'évacuation, d'avoir vécu des jours interminables dans des refuges mal équipés. »
La négligence et la responsabilité de l'exploitant de la centrale. Les 3 dirigeants de Tepco, (Tokyo Electric Power) ont été innocentés par les tribunaux

- L'absence de perspectives écologiques
« le Japon est un des pays qui pâtissent le plus des effets des catastrophes naturelles d'origine météorologiques, un de ceux où les politiques parlent le moins d'écologie, de changements climatiques. »

- L'interdiction de l'avortement même si la le Japon autorise un accès à la pilule abortive, mais très encadré, depuis avril 2023.
Il existe même à 900 km à l'ouest de Tokyo, à Kumamoto, une « boîte à bébés » où les femmes peuvent déposer leur nourrisson. « Ici, se trouve un grand hôpital catholique où est installée la seule « boîte à bébés » du japon, une couveuse où on peut dignement abandonner son nourrisson, faute de pouvoir l'élever. »

- La justice. Elle est qualifiée d'expéditive : « Au japon, 99,4 % des personnes envoyées devant le tribunal sont jugées coupables. »
Et surtout, la peine de mort est toujours effective au Japon. On parle souvent des délais à rallonges des prisonniers américains dans le couloir de la mort, il en est de même au Japon. L'autrice cite le cas d'un « condamné à mort en 1968, peine confirmée en 1980, jamais exécuté, libéré en 2014 pour être rejugé. »
L'autrice cite le cas d'un « condamné à mort en 1968, peine confirmée en 1980, jamais exécuté, libéré en 2014 pour être rejugé. »

C'est aussi, et c'est passionnant, une propre remise en cause de son métier de journaliste. Prendre le temps de l'information, le temps de l'analyse…
« Quel est le temps de l'information ? C'est ça, la question qu'il faut se poser aujourd'hui, je crois, à l'heure de l'accélération, de l'urgence, de la communication à outrance, de la défiance envers ceux qui la font, la sélectionnent et la diffusent. »

Un challenge particulièrement réussi sur les deux éléments de ce roman : la fiction (histoire et personnalité de Midori) et le documentaire.

Lu dans le cadre du prix Orange 2024.
Je remercie la Fondation Orange et les Editions Picquier pour cette belle découverte.

instagram : commelaplume

Lien : https://commelaplume.blogspo..
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Qualifié de roman par les éditions Picquier, ce livre tient bien plus de l'enquête journalistique. En effet, L'affaire Midori est le récit d'une journaliste, Karyn Nishimura, qui enquête sur une affaire d'infanticide, ayant eu un grand retentissement au Japon. En 2017, Midori, une jeune femme traumatisée par les terribles événements de 2011 et usée par la vie, tue ses enfants. Karyn Nishimura assiste au déferlement médiatique qui entoure cette affaire et s'interroge sur le rapport de la société japonaise aux médias et à la transmission de l'information. La journaliste cherche aussi à comprendre comment Midori a pu en arriver à commettre ce geste atroce. Tandis qu'elle enquête sur le passé de cette jeune femme, elle aborde l'impact qu'a eu le tsunami et la catastrophe nucléaire de 2011 sur les habitants de Fukushima et des environs, et montre le peu de considération que l'état a eu envers eux et comment ils ont été traités en pestiférés par la population japonaise. C'est un récit très intéressant qui montre les défaillances du système judiciaire et social japonais.
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
15 février 2024
La journaliste franco-japonaise Karyn Nishimura signe un roman où “tout est presque vrai”. Une fiction aux accents de pamphlet limpide.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Jamais je ne comprendrai comment des individus instruits, professionnels, mariés, pères ou mères de famille, tous, pris un à un, si polis, bien éduqués, serviables, sympathiques même, le sens civique chevillé au corps, peuvent, une fois regroupés dans un ensemble que l’on appellera au choix « administration » ou « bureaucratie », se muer en une machine aussi effroyable, froide, inhumaine.
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Résultat de notre lâche neutralité, le ministère des Affaires étrangères a beau jeu d'écrire et dire que "seulement 2,7% de la surface de la préfecture de Fukushima est inhabitable" et qu'ailleurs "on peut mener une vie normale". Une vie normale ? J'ai posé la question à un préposé du ministère, en conférence de presse. Une vie normale quand on doit dire aux enfants, "ne jouez pas à plus de vingt mètres de la maison", "nous n'irons plus au bois, ils sont tout irradiés", "surtout ne cueillez pas de champignons" ? Une vie normale quand on ne peut plus aller pêcher dans la rivière ? Quand on évite de passer plus de huit heures par jour à l'extérieur pour ne pas dépasser une exposition annuelle de plus de vingt millisieverts par an ? C'est normal d'avoir un dosimètre à la ceinture ? C'est normal cette vie adaptée à la présence de la radioactivité en permanence, cette stratégie d'évitement ? En fait, je ne devrais pas écrire cela. C'est politiquement incorrect. Car il en est qui considèrent que cela participe à la fabrication de la mauvaise réputation de la région de Fukushima dont la habitants vont de ce fait subir une double peine. C'est peut-être vrai. Mais alors, que dire et ne pas dire pour les aider, ne pas les enfoncer, ne pas les offenser, et ne pas non plus les laisser seuls avec leur détresse non exprimée, pour parler à leur place ? Je ne sais pas, je ne sais plus, c'est sans issue.
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Expliquer, ça ne tient pas en trois mots en rouge en bas de l’écran, ni en quinze secondes au micro. Expliquer, ça exige du temps, ce temps qu’on a pas, cette place qu’on a plus.
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Mais un dédommagement financier, bien qu’utile, ne pourra jamais réparer un désastre humain.
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Midori avait les faiblesses de sa génération, celle qui ne bat pas, celle qui baisse les bras. Elle aussi, au départ, voulait les trois AN : ANZEN, ANSHIN, ANTEI, sécurité, tranquillité, stabilité, cette quête des jeunes de vingt-trente ans, cette quête qui les paralyse, leur fait craindre et fuir le risque.(…)
Les trois AN étaient presque devenus une réalité. Ils avaient tous au moins une promesse d’embauche des semaines ou des mois avant d’avoir fini leur cursus : plus ils étaient mous et malléables, plus ils avaient de chances d’avoir une vie professionnelle stable, la sécurité de l’emploi.
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