Charles Nodier a probablement plus de lieux à son nom que de lecteurs, de nos jours. Découvrons donc ce précurseur du romantisme, qui fut apparemment prolixe. Une vingtaine d'années à peine le séparent de Xavier de Maistre, mais la rupture de style est déjà évidente. Plus d'action, peu d'intériorisation et d'analyse des sentiments, une exaltation romantique qui, commençant par les intellectuels, deviendra celle des peuples.
Comme ‘
Expédition nocturne autour de ma chambre' (la suite de ‘Voyage autours de ma chambre'), l'histoire se passe parmi les proscrits français réfugiés en Italie.
Xavier de Maistre fuyait la Révolution, le héros de Nodier l'Empire. Mais alors que le premier, depuis sa petite chambre, contemple les toits de Turin et s'interroge sur ce que sera l'avenir, le second se jette à corps perdu dans les complots et les sociétés secrètes ! L'occasion de faire connaissance avec les Carbonaris italiens et leurs confrères allemands du Tugendbund, qui oeuvrèrent à l'unifications de leurs patries respectives. Les complotistes n'avaient sans doute pas assez de culture pour les intégrer à leur complot mondial avec les Skulls and Bones et les rosicruciens.
L'histoire en elle-même, avec ses aristocrates maudits au regard de braise et ses vieux châteaux piégeant les imprudents, reste très plaisante à lire, d'autant qu'elle est courte et par certains égards préfigure déjà
Edgard Poe. Mais on y trouve aussi nombre de figures intéressantes, comme la petite marchande de lazagne ou le père trahit. le style, à mi-chemin entre les aristocratiques et les romantiques, est élégant mais vigoureux, les descriptions rapides et colorées.
Découverte intéressante d'un écrivain à la charnière de deux époques.