Christine Oddo raconte la vie de
Mary Reynolds, une femme américaine immigrée en France en même temps que la « génération perdue » selon
Gertrude Stein, devenue artiste grâce à son compagnonnage avec
Marcel Duchamp. Son histoire traverse le XXè siècle et le mouvement artistique du Paris de l'Entre deux guerres qui reste la ville lumière et attire encore nombre d'artistes par ses excès et sa liberté.
Originaire de Minneapolis, Marie Reynolds est rétive aux volonté parentales. Elle ne veut rallier les conditions de vie de la haute-bourgeoisie dont elle est issue. Conquérant son indépendance, elle s'installe à New-York en plein quartier de Greenwich Village. Elle y découvre le foisonnement d'idées au moment de l'Armory Show.
Elle aime les nuits dansantes au rythme du jazz naissant avec à ses côtés Matthew, un jeune et beau jeune homme. Seulement l'engagement des États-Unis dans la première guerre mondiale amène le deuil. Elle n'était pas fidèle à ce jeune devenu soldat et mort de la grippe espagnole au Luxembourg. Néanmoins, elle noie son chagrin lors de l'après guerre et s'habitue aux bars clandestins depuis qu'en octobre 1919 la vente et la distribution d'alcool est interdite. Son amant du moment est français et lui parle de l'art et de la France.
En mai 1921, Mary s'embarque pour un voyage en Europe, qui passera par l'Italie pour la découverte de l'art, la France pour y retrouver son amant, Laurence Vail, et la Suisse. En novembre, elle arrive à Paris. En 1925, ils seront 40 000 américains à fouler le sol parisien.
Quartier Montparnasse qu'elle ne quittera plus
Mary s'enivre dans tous les sens du terme. Comme beaucoup de ses compatriotes, Mary découvre la liberté sexuelle, l'alcool qui coule à flots et même la drogue. Montmartre s'efface peu à peu pour le quartier Montparnasse, lieu de l'avant-garde artistique.
Elle découvre le cabaret le Boeuf sur le toit, lieu de rendez-vous de
Jean Cocteau et de tout le milieu intellectuel et artistique de Paris, situé dans VIIIè arrondissement. Elle en fait son quartier général du haut de son mètre soixante-treize, son fume cigarette, ses cheveux courts plaqués en arrière. Elle offre à boire à tous.
Mary fait la connaissance de Breton,
Eluard,
Soupault,
Aragon et le peintre Picabia et tant d'autres. Mais surtout, elle rencontre
Marcel Duchamp, ténébreux mais irrésistible séducteur, malgré son teint gris-vert, et son corps émacié. Il a trente-six ou trente cinq, peut-être. Elle l'engage pour apprendre à comprendre les subtilités de notre langue. Puis, peu à peu, plus car affinités !
Ami de Picabia et amant de
Gabrielle Buffet, un temps, Duchamp introduit Mary au coeur du mouvement surréaliste et dadaïsme.
Man Ray devient un habitué, Brancusi, un ami. Mais surtout des liens indéfectibles relient Marcel à
Henri-Pierre Roché, dandy artiste et collectionneur. Tous deux passionnés de libertinage partagent tout y compris les maîtresses. Étrange, Duchamp ne cesse de l'être même lorsqu'il se fait appeler
Au coeur de la modernité littéraire, musicale et artistique du cubisme, surréalisme et dadaïsme, Marie Reynolds devient une relieuse d'art reconnue.
Refusant de retourner aux États-Unis, malgré l'insistance de Duchamp, elle entre dans un réseau de la résistance enrôlée par la fille de Picabia, Jeannine, dès mars 1941. Elle l'engage car elle a confiance en cette femme sûre comme elle avait engagé sa mère l'indomptable Gabrielle Buffet Picabia, compositrice de musique et avant-gardiste.
Les liens avec Gabriel Buffet Picabia sont nombreux. Malgré la liberté dont elles se revendiquent, elles se dissimulent toutes les deux derrière leurs amants et les poussent dans la lumière. Leurs passions sont dévorantes. Mais, elles se dépasseront par leurs parcours de résistantes.
Journaliste littéraire chez Elle,
Christine Oddo écrit des biographies historiques. Elle a « rencontré » Marie Reyrolds au travers de la
correspondance de son frère, travaillé lors d'une précédente biographie. Elle vivait à Paris au coeur de la seconde guerre mondiale. Elle disait dans ses lettres qu'elle aidait les autres. C'est ce qui a intrigué
Christine Oddo car elle a tout de suite pensé à un réseau de résistance. du coup, elle s'est immergée dans cette vie si haute en couleurs.
Médiatrice des arts pour les uns, intermédiaire entre les gens, Marie Reynolds est une figure que je ne connaissais pas mais qui ne s'oublie pas.
Le récit de
Christine Oddo foisonne de détails et de précisions concernant une vie hors du commun. Elle propose un portrait de femme indépendante, libre et attachante. Au fur et à mesure qu'elle vieillit et avec son implication dans la résistance, elle acquiert toute l'admiration du lecteur.
Au coeur du milieu intellectuel parisien, Marie Reynolds témoigne de multitude de rencontres. C'est une foule de personnalités connues ou non que
Christine Oddo présente au cours de situations vivantes décrites avec épaisseur.
C'est passionnant et attachant tant le portrait est passionné ! A découvrir vraiment !
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