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3,35

sur 272 notes
Sofi Oksanen signe un premier roman rude, âpre, en prise directe avec les destins, celui d'une mère et de sa fille.

Deux parcours marqués par les changements politiques d'une nation en désagrégation. Pour la mère la lutte pour l'intégration passait par « oublier et cacher » son identité de peur d'être stigmatisée et refusée. Pour la fille cela signifie ne pas comprendre qui elle est et somatiser sa quête d'identité et son refus d'oublier ses vraies origines par une plongée vertigineuse dans la boulimarexie.

Certains passages très crus sur les dessous de la boulimie/anorexie, sont durs à encaisser, on étouffe, on ressent le mal-être et la douleur.
Sofi Oksanen a le sens de la construction croisée, stratifiée, pour mieux nous alerter que le présent se nourrit du silence des générations précédentes.

Cette quête de passé et d'identité presque incongrue dans ce décor, vibre d'une vitalité et d'une force véritablement poétique, alliage réussi de ce roman original et poignant.


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Les vaches de Staline est le premier roman de Sofi Oksanen , écrit avant Purge .
Comme Anna dans le roman , Sofi O. est née en Finlande de père finlandais et de mère estonienne .Le récit alterne entre l' Estonie et la Finlande pendant les années 50 jusqu'au années 90 .
La période la plus terrible se passe en Estonie à la fin de la guerre lorsque l' Estonie devient communiste , dénonciations , déportations massives sont le lot des personnes qui se révoltent contre Moscou , les partisans de l' Estonie libre , considérés comme ennemis de l'état , comme fascistes , et cela sans nuances , les enfants , amis même lointains sont tous déportés. La mère d' Anna a vécu son enfance pendant cette période de terreur , au début des années 70 , elle rencontre un Finlandais de passage à Tallin , à ce moment il y a beaucoup d'échanges entre la Finlande et les pays communistes .Katariina va se marier avec 'le renne' et va empêcher sa fille de parler estonien , de dire qu'elle est d'origine estonienne . Les deux cultures sont antinomiques et cla va provoquer bien des dégâts chez Anna qui souffre de graves troubles alimentaires .
De chaque côté de la frontière , c'est l'incompréhension , les malentendus . Quand elle voyage en Estonie , Katariina doit apporter des cadeaux pour tous les membres de sa famille mais aussi des pots de vin pour passer la douane et ne pas s'attirer d'ennuis , tellement de cadeaux , qu'elle en arrive au paradoxe de devoir se priver tout en vivant dans une société d'abondance ., elle suscite la rancoeur , la jalousie , personne ne la croit quand elle dit qu'il y a du chômage en Finlande , que c'est vrai qu'on n'y connaît pas de restrictions , qu'on trouve de tout dans les magasins mais que tout coûte cher . En Finlande , on ne peut pas parler des années sous Staline , les gens ne peuvent pas croire que tout cela a existé .
Anna navigue difficilement entre ses deux mondes , puis lorsque le bloc communiste s'effondre , il lui reste un sentiment intense de nostalgie , le monde de sa mère , le monde quelle a connu enfant , n'existe plus , tout s'occidentalise , les panneaux publicitaires , les MacDo envahissent l' Estonie , Anna ne retrouve plus les bonbons de son enfance .
Même le magasin du village devient un Spar , il y a quelque chose du film ' Goodbye Lénin ' dans ses pages .
J'ai beaucoup aimé ce roman même si l'écriture hachée rend parfois la lecture ardue , certains passages sont peu clairs et on a du mal à s'y retrouver , mais dans l'ensemble , j'ai passé un bon moment de lecture , ce livre est un témoignage plus qu'un roman . J'ajouterai que je l'ai trouvé moins noir que Purge , car à la fin du roman , il y a une note d' optimisme , Anna n'est pas guérie de ses troubles alimentaires mais elle en a pris conscience .
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J'ai mis beaucoup de temps à vraiment comprendre ce qui m'émouvait autant dans ce roman. le personnage principal, Anna, ne m'était pas particulièrement sympathique mais me touchait profondément. Derrière la dureté, l'apparente indifférence, le silence, la honte et l'anesthésie à sa propre souffrance. Anna est née en Finlande mais sa mère vient d'Estonie et sur ce passé si proche et envers ce pays si proche, il y a interdiction de parler, interdiction maternelle. le secret est total alors que les allers-retours Finlande-Estonie sont fréquents pour rendre visite à la grand-mère. La méfiance générale que la mère colporte de sa jeunesse jusqu'à celle de sa fille s'explique par les déportations d'Estoniens en Sibérie courantes dans les années 50.
Anna enfant est écartelée entre un monde d'opulence, une société de consommation où il est facile de tout avoir et un pays qui vit encore, à quelque chose près, comme au XIXe siècle et avec lequel elle entretient un rapport affectif fort. Ainsi des lieux, des goûts, des odeurs "différentes", plus authentiques, tout cela étant attaché d'une manière ou d'une autre à la figure grand-maternelle. Entre ces deux mondes, il y a Anna et une souffrance indiscernable, silencieuse. Sans mots pour la remarquer, c'est comme si elle n'existait tout bonnement pas.
En Estonie, du temps de la jeunesse de la mère (années 70), il n'y avait rien que de longues files d'attente, en Finlande, il y a tout. La souffrance d'Anna ne se manifeste que dans la rapport à la nourriture (anorexie-boulimie) et dans cette apparence de perfection (corps désirable, façade entretenue à la perfection, cachant l'effondrement et l' impossibilité d'avoir des relations de confiance avec autrui.)
Ce roman est également remarquable parc la grande attention qu'il porte aux détails sensoriels, atmosphères, goûts, matières, vêtements décrits avec sensualité, rendant des mondes lointains familiers. Il réussit également à rendre compte de l'influence de l'histoire des sociétés malades et caricaturales sur les individus (paranoïa légitime et répandue en Estonie face aux dénonciations et déportations, société de consommation en Finlande dont fait partie celle des'"putes estoniennes" par les Finlandais). L'influence de cette histoire a pénétré jusqu'au plus intime de l'être d'Anna.
Ce livre est dur sans être désespérant. Si l'enfer de la maladie dont souffre Anna est présent, le personnage n'est pas condamné, il réussit avec beauté à s'ouvrir à une autre façon de communiquer, une autre façon d'être. Parce qu'au fond, la maladie dont il est question est une maladie de l'avoir, du paraître et de la difficulté à "être" libre.
C'est un livre très attachant, d'une grande intelligence, je n'ai pas senti qu'il s'agissait d'un premier roman, ce que d'autres lecteurs ont souligné, j'ai senti au contraire un roman très maîtrisé, possédant une grande force, celle du vécu.
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Sofi Oksanen est née d'un père finlandais et d'une mère estonienne, et cette double origine l'a "nourrie" des destinées individuelles de ses deux familles, de chaque coté de la frontière implacable du Rideau de fer.

Anna, petit avatar littéraire de l'auteure, nous accompagne dans la vie quotidienne en Estonie avant la chute du communisme.
Une vie de silences, de suspicion, de peurs au quotidien sous le régime totalitaire, une vie de déracinées à la difficile intégration, pour cette famille à demi expatriée, honteuse de ses origines estoniennes, incomprise et surveillée en Finlande.
La double identité, le double apprentissage linguistique sous forme d'interdits, le climat oppressant de non-dits et de crainte induisent des troubles alimentaires précoces chez Anna.

Comment ne pas développer dans son propre corps une maitrise virtuose pathologique, jusque dans l'alimentation? Anna domine et dirige sa boulimie et son anorexie avec totalitarisme.

Antérieur à Purge, la puissance romanesque de ce livre est moins forte et la narration plus personnelle. le propos reste passionnant pour la compréhension du contexte historique.
Le quotidien des individus est particulièrement explicite, la mentalité des populations face au régime totalitaire est glaçant et paranoïaque.

Avec les souvenirs d'enfance, le parcours matrimonial de ses parents et son identité finlandaise, Anna se raconte. On souffre et on subit en empathie les contraintes de la bureaucratie, la marginalité de sa famille, les trafics pour améliorer un quotidien grisâtre fait de privations et d'envies, mais aussi les souvenirs heureux, les odeurs, les jeux...
Un brin de nostalgie dans un regard d'enfant heureuse, clairvoyante mais fragilisée.

En dépit d'une trame narrative entremêlant les époques ( il faut parfois un peu de concentration pour s'y retrouver...) et beaucoup trop de redondances à mon gout, concernant la pathologie alimentaire, l'ensemble constitue un bon moment de lecture, pour les destins individuels dans le contexte historique collectif.


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Votre rouge, Madame Oksanen, n'est pas le notre. Rouge sang, rouge obsédant ; votre rouge est celui de la sensualité, de la sexualité, il tire un peu, parfois, sur la pornographie.

Votre roman, Madame Oksanen, n'a rien à voir avec mes romans. Mes romans à moi rebondissent et virevoltent dans une épidémie de péripéties. Là où vous affirmez votre identité estonnienne, Madame Oksanen, vous n'échappez pas à une étrange filiation avec le roman russe : dans ce soucis du détail, je reconnais Tolstoï ; dans votre héroïne dépassée par une force intérieure qui la dévore, je reconnais Dostoïevski ; dans votre kitch du vomi, je reconnais le kitch de la merde et, par là-même, celui de Kundera. Oui, me direz-vous, mais ce n'est pas le même orifice... vous me concèderez que c'est bien la même tuyauterie... Mais ce ne sont là que mes repères de petite européenne (de l'Ouest, je le précise).

Alors bravo à vous, Madame Oksanen, non seulement parce que vous honorez le prénom que nous portons toutes deux, mais aussi, et surtout, pour le courage que vous avez eu de malmener mes petits clichés occidentaux, celui de la pute de l'est, notamment ; cliché qui perdure intact depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à ce jour et du fin fond de la Finlande jusqu'au pays des droits de l'homme. Et cette pute de l'est, dont la taille de guêpe fait blémir la bonne mère de famille française et que nos maris engraissent allègrement et si discêtement, en bons pères de famille qu'ils sont, celle que nous regardons tous avec tant de condescendance, en bons petits occidentaux que nous sommes.
Et bien, Madame Oksanen, vous avez eu le cran de nous jeter à la figure, et sans vergogne, le cliché le plus honteux que nous entretenons depuis des décennies et de nous montrer que la pute de l'est, dans un dernier sursaut d'humanité, là où Césaire, le Grand Césaire, peut encore s'esclaffer de nous voir "remâcher le vomi de Hitler", elle, la pute de l'est, traînée dans la fange, exploitée et humiliée, roulée dans la merde de son propre bourreau, elle est capable, sans dire un mot, de se relever des années après, de parcourir à pieds les centaines de kilomètres qui la séparent de sa ville natale et, l'estomac noué de plusieurs générations meurtries, d'aller vomir sur la tombe d'un Lénine ou d'un Staline.

La puissance de vos non-dits, Madame Oksanen, me laisse sans voix et, si elle ne correspond pas à mes petits poncifs d'étudiante savante, elle a su me toucher là où sa fait hum...
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"Purge" a été une révélation, pour moi et pour bien d'autres lecteurs. Par la maîtrise du récit, l'originalité de la construction, la richesse de l'écriture, les portraits des héroïnes. Jusqu'à la chute finale qui prend le lecteur à la gorge.
Je suis très partagée sur "Les vaches de Staline", écrit d'ailleurs avant "Purge", et cela se sent !
L'histoire est séduisante, celle d'une jeune fille victime de troubles alimentaires recherchant son identité entre deux pays, et dont le récit s'entrecroise avec le passé d'une mère pour le moins traumatisante qui rejette ses origines.
Mais que dire de cette écriture hachée, ce rythme saccadé, de cette absence de fil et de cohérence, de ces flash back incessants où se perd le lecteur, de ces chapitres trop courts où l'on s'empêtre. On finit par n'y plus rien comprendre, entre absences et sous-entendus. Et on finit par se lasser.
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Petite précision : je n'ai pas lu Purge, c'est donc mon premier roman de Sofi Oksanen.
Sofi Oksanen ne prend pas de gant pour nous parler tant de son passé que de la « boulimarexie » d'Anna et ce dernier aspect m'a mise très mal à l'aise devant l'étalement et le luxe des détails.

Katariina, sa mère, en épousant son finlandais, il sera souvent appelé ainsi, quitte l'Estonie annexée par l'URSS. En partant, elle doit abandonner la dépouille de sa vie antérieure à sa mère avec tous les souvenirs. « Contrainte d'abandonner son livret scolaire et le moindre document faisant référence à sa scolarité ; ainsi que ses certificats de travail ». Par contre, elle amène avec elle ses peurs, devenues phobies, son refus de parler de son passé, tous les non-dits, les horreurs, les déportations. . Elle refuse tout contact avec d'autres expatriées, de parler l'estonien... Il en va de même pour sa fille Anna à qui elle inculque ce déni.
« Je devais devenir finlandaise. Je devais parler, marcher comme une Finlandaise, avoir l'air d'une Finlandaise, même si je ne me sentais jamais au bon endroit, en quelque sorte jamais à ma place, comme dans un manteau avec des manches de longueurs différentes et trop petit pour moi, dans des chaussures qui m'écorcheraient à chaque pas. »

Anna exprime cette douleur par son corps et devient comme les vaches de Staline en alternant boulimie et anorexie. Elle fait payer à son corps ce qu'elle ne peut plus dire, plus sortir autrement qu'en se faisant vomir. « Je me suis mise à mesurer le temps en kilocalories »

Nous passons d'une époque à une autre, de la mère à la fille, voire aux grands-parents, de l'Estonie à la Finlande. Ces sauts dans le temps, dans la géographie, l'écriture heurtée et violente de Sofi Oksanen, l'apparent fouillis des chapitres participent au malaise mais aident à la compréhension de la confusion mentale d'Anna et de sa mère. le refus de l'amour, l'abandon et l'incommunicabilité sont les pierres angulaires. le père est au diapason lui qui fait le trajet inverse. Finlandais, il travaille en URSS où il mène une double vie.

C'est un sacré réquisitoire contre le totalitarisme. Ici l'on voit l'ogre russo-communiste tout dévorer et digérer. Il faut tout contrôler, tout épier, se méfier de tout….. Katariina agit ainsi avec sa fille, tout comme ses voisins et parentèle l'on fait avec eux. Anna est le résultat final de ce gâchis, des souffrances endurées par les générations d'avant sous le joug communiste. Anna et sa mère ne se donnent pas le droit d'être heureuses simplement ;
Je ne sais rien faire d'autre, pour ma peur, qu'essayer de la vomir. Mais elle ne part pas. La honte, j'ai réussi à la vomir ; mais qu'est-ce qui c'est passé ? Elle a été remplacée par une nouvelle chose à vomir. J'ai tellement peur que ça me fait bouffer tout le temps. Bouffer tout le temps me fait dormir. J'ai tout le temps envie de dormir. Parler me dessèche la bouche encore plus que la boulimie. »

C'est un livre âpre qui ne coule pas de source, il faut s'accrocher comme Anna et Katariina et on ne sort pas indemne de cette lecture. Bien qu'ayant eu la tentation de l'abandonner, d'avoir lu les chapitres concernant la « boulimarexie » en diagonale, je ne regrette aucunement cette lecture qui m'a ouvert un pan de l'histoire balte.

Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Ce roman est le premier d'une jeune Finlandaise, mais le deuxième traduit en français après Purge l'an dernier. Comme je lis très peu de nouveautés et qu'il n'y avait aucun polar parmi les livres proposés, j'ai choisi ce roman parce que son titre m'intriguait et que je suis très intéressée par tout ce qui touche à l'histoire du siècle dernier. J'aurais pu choisir en lisant les critiques des livres proposés, mais je tenais avoir la surprise et ne pas partir avec des a-priori.

Staline n'est pas héros du livre, qui raconte l'histoire d'Anna et de sa mère Katarina. Cette dernière est Estonienne, ingénieure et rencontre un collègue finlandais. Ils se marient, elle tombe enceinte et elle obtient l'autorisation d'émigrer en Finlande.

Le père est le grand absent, il est à peine cité. On comprend très vite que le couple n'a pas tenu, il travaille à Moscou et trompe allégrement sa femme.

Anna est la narratrice, elle parle d'elle-même tantôt à la première personne, comme on s'y attend, tantôt à la troisième. Elle mêle parfois les deux dans la même phrase lorsqu'elle parle du « monde d'Anna ». Ce style non conventionnel ne m'a pas dérangée du tout..

Anna évoque son enfance avec sa mère qui l'étouffe et veut en faire un Finlandaise parfaite. Katarina est complètement déracinée, vit dans la peur du KGB et évoque les souffrances endurées par sa famille durant l'occupation soviétique. Anna souffre de graves troubles alimentaires (boulimie-anorexie), elle obsédée par la nourriture et aucun détail de sa dérive ne nous est épargné.

Le roman se déroule en trois parties qui s'entrecroisent, la maladie d'Anna, la vie en Estonie où elles passent les vacances d'été chaque année et l'occupation soviétique et son cortège de violations des droits de l'Homme.

Katarina est enfermée dans son déracinement et dans sa peur du KGB, elle aimerait faire de sa fille une parfaite Finlandaise pour lui épargner cela. Mais Anna s'enferme dans sa maladie et reproduit les sévices contre son propre corps. C'est deux enfermements parallèles.

J'ai beaucoup aimé ce livre, qui raconte l'histoire de deux femmes prisonnières de leurs peurs.

Par contre un gros bémol sur les détails des crises d'Anna, c'est souvent très lourd et peu agréable à lire, même pour une infirmière.

Par contre je ne connaissais pas du tout l'Estonie et on oublie un peu vite ce qu'était le quotidien des pays de l'Est il n'y a pas si longtemps. Par moment, ce livre m'a fait penser au pavillon des cancéreux de Soljénitsyme, un belle découverte qui me donne envie de lire le deuxième livre de l'auteur.
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Je n'ai pas cédé l'an dernier à la vague de Purge. Pas envie, pas le moment.
Aussi, c'est avec le regard vierge que j'ai abordé cette lecture du premier roman de Sofi Oksanen - parce qu'au moment de choisir parmi tous les livres proposés par PriceMinister, c'est celui qui m'a sauté aux yeux.
Et de fait, ce roman saisit le lecteur par la peau du cou, lui met la tête dans l'écriture et ne le ménage pas.

Plusieurs générations y sont brossées, plusieurs pays et plusieurs H/histoires (avec la majuscule et la minuscule).
L'Estonie des années staliniennes et les vies bouleversées d'Arnold et Sofia ; l'Estonie des années 70, toujours aussi rouge et le destin de Katariina qui part s'installer en Finlande avec son mari sans nom ; enfin la vie chaotique d'Anna prise entre deux cultures qui semblent ne pas pouvoir cohabiter - ainsi que son corps ne cohabite pas avec la nourriture.

Les vaches de Staline apparait comme un roman des origines, un décodage de l'être à travers son ancrage familial et le façonnage de la grande Histoire. Car c'est Anna qui ouvre et referme la narration, Anna qui construit - ou plutôt déconstruit - le récit à l'image de ses vomissements et de sa difficulté à être. C'est Anna qui creuse toutes ces générations comme elle creuse son ventre pour chercher dans les tréfonds qui elle est dans toute cette Histoire. C'est Anna qui déballe en vrac toutes ces pièces de puzzle et qui les étale pour mieux leur chercher du sens.

Entre le conflit des cultures et la plongée âpre dans l'auto-destruction, voilà un roman sacrément percutant - on n'est pas là pour se divertir, c'est certain ! Même si la lecture m'est apparue un peu fastidieuse sur la longueur, non à cause des épisodes crus de la boulimarexie mais par l'obsession répétitive de certains épisodes, il n'en reste pas moins que j'ai été scotchée par le regard aiguisé et sans concession de l'auteur qui saisit avec une profonde clairvoyance les enjeux de l'Histoire sur l'empreinte de l'être.
Un livre, sans nul doute, d'un grand talent et qui donne à réfléchir.
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Mourir de dire la honte, titre Boris Cyrulnik.
Anna, l'héroïne de Sofi Oksannen(auteur finnoise qui a reçu le prix Fémina 2010 pour Purge), se meurt de ne rien dire.Elle est anorexique. Enfin, elle se plie aux contraintes ("Bien sûr je vais finir l'assiette maman") puis se fait vomir.Inexorablement.
"Tralalalalala"
"Padapampampa"
Toute puissance infantile.Besoin de tout maitriser.
Souffrances infligées au corps (qui évoquent le pavillon des enfants fous de Valérie Valère), qui vont crescendo au moment de la puberté et de l'émergence de la sexualité. Controle permanent des calories de celle qui a "été bonne à ça tout de suite", de celle qui "a les premiers seins de l'école" et n'est en rien fautive de sa soumission à Oskari et sa bande, de celle dont la honte inavouable devient peu à peu "inachevée,difforme,rachitique,quelque chose d'insaisissable" même.
Absence du père, dont les "yeux tournés vers la fenêtre" fuient lors des rares mises en présence.
Une grand-mère lointaine qui la gave.
Une meilleure amie Irène qui ne trahit pas et controle aussi ses calories.
Des petits amis de passage.
Et surtout une mère.Prèsente.Omniprésente.
Rapport ambivalent à la mère,même rationnement que l'Estonienne qui garde secret son passé,rejet aussi "Pourquoi les Estoniennes sont-elles toutes des putes?Est-ce que c'est dans leurss gènes?" de cette femme angoissée qui cache son ascendance et veut que sa fille soit Finlandaise,point.
Sofi Oskannen alterne les passages qui évoquent le passé de Katariina,qui quitte l'Estonie,devient conductrice de travaux, rencontre le Finlandais, apprend le Finnois,est enceinte, a honte de ses origines et a peur que son propre père condamné (l'Union Soviétique protège ses citoyens), elle ne puisse se marier et les passages de l'amaigrissement inexorable d'Anna.
Sur fond historique véridique (avec remontée comme psychanalytique des déportations antérieures), ce roman parle de la faille creusée par les silences de l'autre vécu comme persécuteur.
C'est la mère tue et rejetée, sa propre partie Estonienne perçue mauvaise, qu'Anna vomit. Un portrait psychologique fort, un état schizoïde fort bien rendu par l'emploi du je et du elle(Anna) et de la double écriture Anna et Katariina.
C'est fort et ..fort vrai, on dirait du vécu!
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