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Jean-Noël Orengo (Préfacier, etc.)
EAN : 9791090875784
240 pages
Les Cahiers dessinés (25/01/2019)
5/5   1 notes
Résumé :
L'agnion - L'auberge - Un type angélique - La Révolte des Laids - Au dernier étage - Le métier de Mario - Les vacances c'est aussi l'aventure - Coup d'état - Place du peuple - La guerre vidéologique - Documents

Un dramaturge, désireux de monter une pièce pour dénoncer la corruption du pouvoir, rencontre son double maléfique qui lui offre comme protagonistes un panel de monstres plus vrais que nature, dévorés d’envie et de méchanceté. Une société divis... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
deuxième tome de l'anthologie consacrée aux oeuvres de Guido Buzzelli, formidable auteur injustement méconnu.
Dans une passionnante introduction, Jean-Noël Orengo dresse un portrait très intéressant de Buzzelli, surdoué du dessin qui se rêvait peintre à une époque où la peinture figurative était plus que passée de mode. Elle était méprisée. La bande dessinée permettait à Buzzelli de pouvoir dessiner à son gré. Les nombreuses études et recherches qui sont annexées à ce tome permettent d'ailleurs d'apprécier à sa juste valeur le trait précis du dessinateur. Il ne faut pas pour autant en conclure que le choix de la bande dessinée fut un renoncement et une source de frustration. S'il accepta en effet de nombreux travaux alimentaires (dont de nombreuses bandes dessinées de la collection "histoire de france en bande dessinée", ou un épisode de la série western Tex, fleuron des fumetti de Borrelli), il a surtout réalisé quelques livres exemplaires, à la fois terriblement marqués par l'ambiance oppressante de l'Italie des années de plomb et d'une modernité folle.
Ce second volume propose 2 longs récits politiquement très engagés.
il y a d'abord L'Agnion (nouvelle traduction de l'Agnone), farce tragique qui met en scène un metteur en scène de théatre qui tente de monter une pièce dénonçant la corruption du pouvoir. En quête de vérité, il engage comme acteur principal un marginal qui lui ressemble étrangemment. Ce dernier se révèle être une espèce d'éminence de tout ce que la ville compte de clochards, voleurs, prostituées et freaks. Il impose sa petite cour des miracles comme distribution et fait régner la terreur. Pour ne rien arranger, la police commence à s'intéresser à cette création, qui pourrait déranger les autorités. S'il fallait oser une comparaison, il faudrait convoquer le cinéma d'un Dino Risi, par exemple. le propos est volontairement outrancier, mais cette outrance dissimule une impertinence salutaire. Et, comme souvent, Buzzelli se met en scène, prêtant ses traits au metteur en scène et à son double maléfique.
L'autre pièce de résistance de ce recueil est "la révolte des laids" (nouvelle traduction de la révolte des ratés). Il s'agit cette fois d'une fantaisie mythologique qui imagine un monde où les "beaux", oisifs et inconséquents, vivant dans un luxe perpétuel, grâce qui labeur des "laids", sales et vulgaires, qui triment comme des bêtes pour assurer le confort des "beaux". Les "laids" servent uassi de chair à canon lorsque les "beaux" décident de se faire la guerre, en général pour des raisons stupides. Quelques "laids" sont tolérés chez les "beaux", mais dans des rôles subalternes, comme celui de bouffon, qui permet à Spartak (encore un alter-égo de Buzzelli, même si débarassé de sa barbe) de vivre un peu plus près de la lumière. Il en oublie la mission qui l ui a été confiée: fomenter une révolte des "laids" pour mettre fin au règne des "beaux". Vous aurez compris que cette fantaisie est moins innocente qu'il n'y paraît et la farce assume pleinement sa dimension politque, une fois de plus.
Comme dans "la guerre vidéologique", récit glaçant qui préfigure avec quelques décennies d'avance la guerre par images interposée.
Le reste du recueil se compose de récits plus courts, parfois plus faibles (comme "le métier de Mario", assez peu intéressant), mais qui continuent de méler un sens de l'humour très acide, une volonté de mettre en scène des parias comme révélateurs des travers de la société, à une critique féroce de la société.
Et il y a "le dernier étage", récit étrange et d'une noirceur absolue. Une plongée en 6 pages dans la tragédie la plus sombre, d'autant plus étouffante qu'elle nous laisse l'imagination pour comprendre comment on en est arrivé là. Un peu comme la nouvelle la plus courte d'Hemingway:
«À vendre : souliers de bébé, jamais portés»
Buzzelli est selon moi au auteur majeur. mais pourquoi n'a-t-il jamais eu la reconnaissance qu'il mérite ?
Dans les années 70, le modèle économique de la BD en était encore aux séries, alors que Buzzelli réalisait des récits uniques ou des courts récits. on ne parlait pas encore de one-shots ou deromans graphiques. Son univers cynique et cruel était aussi en décalage avec la bande dessinée de l'époque, le cantonnant à la marge, malgré la soutien de Wolinski, par exemple. Mais comment expliquer que lorque les éditions P.M.J. rééditèrent l'Agnone en 2000, l'échec fut une fois de plus cuisant ? de mémoire, seul 400 exemplaires du tirage de 4000 trouvèrent preneur, condamnant le reste au pilon. Ce fut le deuxième rendez-vous manqué de Buzzelli avec la postérité. J'espère que cette anthologie le fera sortir du cercle des happy few et lui apporte une reconnaissance posthume amplement méritée.
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