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EAN : 9782714454058
500 pages
Belfond (22/08/2013)
3.96/5   235 notes
Résumé :
Dans la lignée de Murakami, un bijou littéraire original, inspiré des "I-Novels" japonais, porté par une construction virtuose. Entre imaginaire et réalité, une œuvre à la fois profonde et pleine d'humour, intime et universelle, assortie d'une formidable réflexion sur le temps et l'Histoire.

Le sac en plastique avait échoué sur le sable de la baie Désolation, un de ces débris emportés par le tsunami. A l'intérieur, une vieille montre, des lunettes jau... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (70) Voir plus Ajouter une critique
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sur 235 notes
Comme une bouteille à la mer.

Une boite à bento échoue sur les rivages de Colombie Britannique. A l'intérieur un journal intime écrit en japonais qui appartenait à une jeune adolescente japonaise. En vieil obsédé que je suis, je l'imagine déjà dans sa tenue de lycéenne, jupe au-dessus du genou et longues chaussettes blanches.

« Donc, si vous êtes du genre à aimer les trucs bien dégueulasses, je vous le demande, fermez ce livre et passez-le à quelqu'un d'autre, votre femme ou un collègue. Vous vous épargnerez un mauvais moment. »

Autant dire que je referme de suite ce bouquin et que je refile le journal intime de Nao à ma voisine Ruth, d'autant plus que mon niveau de japonais connait ses limites.

Mais avant, je m'assois, la respiration posée. Posture de zazen pour laisser défiler les mots de Nao, laisser s'envoler les images de Ruth. Pour laisser m'imprégner de cette double atmosphère mi-japonaise mi-canadienne, la tristesse des êtres, la quête spirituelle des autres. Pour sentir le parfum irradié du Japon post-Fukushima qui s'entremêle à celui des pins et d'iode de la Colombie Britannique. Tabarnak – fallait bien qu‘il sorte, celui-là !

Et pour ressentir les émotions de ce témoignage.


A l'instar de Ruth, je découvre, au rythme des pages, la vie de Nao, cet être presque impersonnelle ignorée de tous, transparente pour tous, humiliée par tous. Pourtant, elle trouve la force de survivre, grâce à sa grand-mère Joki, une bonzesse centenaire, adepte de textos, son grand-oncle kamikaze dont elle découvrira certains carnets secrets datant de la guerre ou son propre père, tendance hikikomori porté fortement sur le suicide.

Un roman qui s'effeuille comme quand on ouvre un tiroir et qu'on renifle les dentelles d'une jeune femme. Chacune a son propre parfum, son histoire, ses images, et ses fantasmes. Entre la réalité et l'onirisme, les mots se mélangent et s'emmêlent, je pense forcément à Murakami en version féminine, même si je n'aime pas comparer les auteurs entre eux.

« En même temps, toute la terre et le ciel » est une histoire zen. Elle y parle de la société contemporaine et de ses travers, de Fukushima catastrophe tout aussi traumatisante que Nagasaki, de la Colombie Britannique à la limite d'une déforestation intensive, de la seconde guerre mondiale et de ses kamikazes, du onze septembre, du mal-être des hommes et des petites culottes de Nao – bon, je crois que sur ce dernier point, mes fantasmes prennent l'avantage sur ma spiritualité.

Entre les pages de ce carnet intime, confession d'une adolescente et d'un bouddhisme à portée de mon esprit, aux évènements du quotidien se mêlent les préceptes de maître Dogen ; je ne peux que m'assoir en zazen, attendant sans l'attendre le fameux coup de kyosaku.

Et au fil de l'histoire, l'esprit se libère, les idées s'envolent, le corbeau croasse et les mots deviennent fous. Ils s'enchainent et se défilent comme les pensées de mon esprit ne s'accrochant ni à la cime des arbres ni au sommet des montagnes, tels des nuages flottant inlassablement dans l'atmosphère. Ils naviguent au-dessus des flots, ils volent au-dessus des monts, ils s'élèvent, les lettres se mélangent entre elles comme une partouze littéraire avant de s'évaporer dans le silence.

Où vont les mots lorsque je les lâche ? S'envolent-ils dans le ciel au grès des courants d'air. S'enracinent-ils dans la terre pour faire de nouvelles pousses de phrases qu'un esprit passant pourra cueillir à sa bonne volonté ? Se déverseront-ils dans le grand océan azuréen qui sépare la terre mais relie le ciel, ou dans l'urinoir que les carreaux de faïence reflètent de son éclatante blancheur ? Est-ce pour cette raison que je suis avare de mes mots… Mais mon silence, où s'échappe-t-il ?
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Ruth a quitté sa trépidante vie new-yorkaise pour suivre son mari au Canada sur une île de Colombie britannique. Bien sûr elle aime son mari et sa nouvelle vie mais éprouve tout de même une certaine nostalgie et connait une panne d'inspiration dans son travail d'écrivain. Un jour, lors d'une de ses promenades le long de la plage, elle trouve un étrange paquet rejeté par la mer, sans doute un de ses rebuts provenant du Japon comme il y en a souvent depuis le tsunami. Au milieu d'objets hétéroclites, Ruth découvre le journal intime de Nao, une adolescente japonaise qui couche ses réflexions dans un carnet, installée dans un maid café tokyoïte. Très vite, Ruth est emportée par le récit de cette jeune fille hors du commun qui raconte ses jeunes années en Californie, le difficile retour au Japon, le harcèlement dont elle est victime au lycée, la déprime de son père, son grand-oncle kamikaze, son arrière grand-mère nonne bouddhiste, sa vie de l'autre côté de l'océan. Par delà la distance et le temps, un lien très fort se tisse entre l'auteure américaine et l'adolescente japonaise.


Foisonnant et audacieux, le dernier roman de Ruth OZEKI est un saut en chute libre dans la société nipponne, entre traditions ancestrales et modernité. Inclassable, mêlant rêve et réalité avec bonheur, il est complexe sans être compliqué et fait la preuve que l'auto-fiction, si elle est bien maîtrisée, peut être autre chose qu'une étude attentive de son nombril. Ruth OZEKI, portée par sa double culture, américano-japonaise, crée un monde parallèle où tout est possible : croiser un kamikaze de la deuxième guerre mondiale, une nonne centenaire qui pratique le zazen, un homme qui se met à l'origami pour éloigner son désespoir, et -pourquoi pas ?- changer la fin de l'histoire et sauver l'adolescente et sa famille. Il faut lire ce roman, apprendre à connaitre l'attachante Nao et se laisser emporter dans ce voyage onirique. Une lecture surprenante mais magique, à ne pas rater !
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Vous avez envie d'une belle histoire, avec une jolie écriture, beaucoup d'émotions et une pointe de magie ?
Ce livre est peut-être fait pour vous, mais pour cela, il faudra que vous ayez un moral d'acier car l'histoire racontée ici n'est quand même pas bien gaie.
Ruth, une femme écrivain qui vit au Canada, découvre un sac échoué sur la plage, il contient notamment un journal rédigé par une jeune japonaise maltraitée dans son école.
Ruth va tenter de trouver qui est cette jeune fille et elle fera tout pour savoir ce qui lui est arrivé, car elle pense qu'elle a probablement été victime du tsunami.
Les thèmes abordés ne sont pas joyeux : exil, harcèlement et suicide en sont les principaux.
Mais l'écriture est de toute beauté et l'intrigue nous prend aux tripes.
Un roman que j'ai eu du mal à lâcher malgré des thèmes difficiles.
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La rencontre de deux femmes, Ruth et de Nao, a lieu sur une plage canadienne. Ruth trouve le journal intime de Nao parmi les déchets échoués après le tsunami.

Dans ce roman, écrit à la première personne, l'auteur mélange une part de réalité autobiographique et la fiction dans la tradition des I novel japonais. L'histoire de la jeune fille japonaise Nao, personnage de fiction, vient s'insérer dans celle de l'écrivain américano-japonaise Ruth Ozeki, personnage réel.

Ce récit enchevêtré est l'occasion d'une réflexion sur le temps, le suicide et la mort. le journal de Nao, bouteille à la mer, apporte sur les côtes canadiennes un fragment de la culture japonaise ; Ruth ressent le besoin de sauver Nao, symbole de la partie asiatique qui est en elle.

Le passé de Nao et le présent de Ruth sont deux mondes parallèles qui se rejoignent dans l'esprit de Ruth, au point qu'elle se demande si elle peut changer le destin de Nao en réécrivant la fin de son histoire. Ozeki compare cette situation à celle des particules selon la physique quantique, dont l'état n'est pas défini tant qu'il n'est pas observé.

Ruth Ozeki, avec ce roman qui se lit à plusieurs niveaux, livre une réflexion philosophique et métaphysique qui n'est probablement pas étrangère à son ordination récente de nonne bouddhiste. Ses personnages surmontent le harcèlement et la torture physique, ce qui les transcende et donne un sens à leur vie.

Les deux cultures de l'auteur, occidentale et orientale, lui permettent de prendre le recul nécessaire pour comprendre leurs contradictions et les siennes. de cette réflexion naît une philosophie personnelle où le temps retrouvé peut être consacré à la méditation pour appréhender « en même temps, toute la terre et tout le ciel ».

Ce roman, très inventif, peut par moments paraître un peu confus. L'auteur donne l'impression de vouloir aborder trop de sujets, ce qui nuit aux idées qui y sont développées.
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Voici un roman qui m'a particulièrement plu. Premièrement pour l'onirisme qui se dégage du bouquin, mais également pour le style particulier où deux mondes à deux endroits différents se mélangent pour n'en former qu'un à travers le prise confidentiel d'un journal intime d'une jeune fille. Une jeune fille qui, victime de harcèlement, écrit son histoire et celle de sa famille dans son journal. Un journal intime servant de lien métaphysique entre les protagonistes. Jamais Proust n'aura autant retrouvé son temps que dans cet ouvrage poétique où les deux personnages liés par un phénomène quantique se croisent et se décroisent sur une ligne du temps qui se distord à coup sûr.

On y ressent une forte influence du style Murakami et plus particulièrement de Kafka sur le rivage. Il y a cette même poésie, ce lyrisme et une douce mélancolie qui flotte et qui rendent la lecture agréable. Peut-être est-ce dû à l'histoire de Nao, victime de harcèlement qui ajoute cette touche mélancolique ou bien cette envie de sauver et de découvrir le sort réservé à Nao qui font que Ruth brasse toute la terre et tout le ciel ?

L'ambiance et l'effet humidité de la lecture (il y a assez bien de relation avec l'eau dans la narration) ont fait que ce livre m'a emporté comme une vague du naufrage. Aussi, il faut reconnaître que l'on a une impression d'avoir échoué soi-même dans tout cela. Passager du bateau qui sombrera. Autant de sens au livre qui s'échoue sur la plage, que pour Ruth qui reste dans le doute avec cette sensation d'avoir perdu à l'avance dans pas mal de choses. Là, encore le temps se distord. Le livre amène à quelques réflexions et pensées sur nos choix et l'influence de ceux-ci sur notre existence. On sent beaucoup d'interrogation de la part de l'auteure au niveau de l'écologie avec les références sur le tsunami, mais on y sent également un vécu personnel à travers le personnage intéressant de Jiko qui vit dans un temple bouddhiste retiré dans les montagnes, comme le fut Ruth Ozeki. Le réel se mélange à l'irréel et c'est beau.

C'est un livre que je conseille à ceux qui ont lu Kafka sur le rivage et qu'ils l'ont apprécié. Ceux-ci devraient peut-être trouver celui-ci intéressant. C'est un des livres que j'emporterais sur une idée déserte. Autre point intéressant est le grand soin du traducteur à annoter le vocabulaire lexical spécifique du Japon, ainsi que l'appendice qui accompagne la fin du livre. Ce qui donne un aspect éducatif et instructif intéressant supplémentaire.
Lien : https://uneodeurdevieuxlivre..
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critiques presse (1)
LesEchos
18 septembre 2013
Fabuleuse mise en abyme et fable « zen » onirique, « En même temps, toute la terre et tout le ciel » est aussi un brûlot, qui fait un sort à l’esprit guerrier américain et au fascisme rampant qui gangrène encore le Japon d’aujourd’hui.
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (90) Voir plus Ajouter une citation
ma Jiko aime beaucoup les détails, elle adore que je lui parle des petits sons, des odeurs, des couleurs, des lumières, des panneaux publicitaires, des gens, de la mode, des gros titres des journaux, tout ce qui fait de Tokyo cet océan de couleurs. C’est pour ça que j’ai pris l’habitude d’observer et de mémoriser. Je lui raconte absolument tout, les dernières tendances mais aussi les articles que j’ai pu lire sur les lycéennes retrouvées mortes, violées puis étouffées par des sacs plastique dans des love hotels. Vous pouvez lui raconter ce genre de chose, à mamie, ça ne la dérange pas. Je ne dis pas que ça l’amuse. Elle n’a rien d’une hentaï. Mais elle comprend que, parfois, il arrive vraiment des sales trucs, alors elle reste assise là à écouter en hochant la tête et en comptant les perles de son juzu, et elle récite des prières pour ces pauvres lycéennes, pour les pervers, pour tous les êtres qui souffrent dans le monde. Elle est nonne, c’est son boulot. Des fois, je vous jure, j’ai l’impression que si elle est encore en vie, c’est à cause de tous ces gens dont je lui parle et pour lesquels elle doit prier.
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S’il y a une chose qui vous donne un sentiment de solitude encore plus fort qu’un cyberespace vide, c’est d’être une ado assise dans une chambre qui n’est pas vraiment la vôtre car vous êtes obligée de la partager avec vos parents trop fauchés pour louer un appart plus grand, en train d’écouter des adultes discuter en petit comité de vos prétendus problèmes. J’ai augmenté le volume de la musique. J’ai mis des vieilles chansons de Nick Drake que j’adorais. Five Leaves Left. Time Has Told Me. Ces chansons sont d’une tristesse… Lui aussi d’ailleurs, il s’est suicidé.
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Des sons fusionnent, se divisent, s’unissent, se dissolvent. Les mots miroitent, un nuage de fretin file et froisse la surface de l’eau. Insaisissable. Dans notre granddortoir les soldatsetmoi nous ressemblonà des poissons qui sèchentsurunétendoir…

Ce n’est pas normal, les mots sont décalés – les syllabes traînent, refusent de se dissiper, de se rendre au silence -, ils ne sont plus qu’un amas de sons, telles des voitures embouties sur l’autoroute, qui transforme leur sens en cacophonie, et sans même s’en rendre compte, elle se joint au tumulte, sans un mot, sans un bruit, d’un cri qui s’élève de sa gorge et résonne à l’infini. Le temps chancelle, la submerge. Ne pas paniquer. Tâcher de se détendre, de se décrisper, de résister à l’envie de se tendre, de s’enfuir. Mais pour aller où ?
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Je vous ai dit que mon père s’était retiré du monde et qu’il était devenu un hikikomori, mais je dois éclaircir un point : papa m’aimait, et il voulait que je sois en sécurité. Il n’aurait jamais pété les plombs, n’aurait jamais essayé de m’enfoncer la tête dans le four allumé ou je ne sais trop quoi. La plupart des hikikomori passent d’ailleurs leurs journées enfermés à lire des mangas pornos ou à mater des sites fétichistes, enfin, heureusement, papa n’était pas tombé aussi bas. Il faisait de la peine, oui, mais d’une autre manière. Il n’allait quasiment jamais sur internet. A la place, il passait tout son temps à lire de la philosophie occidentale et à fabriquer des insectes en origami.
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Les mots de Nao lui revinrent à l’esprit. Ou étaient-ce ceux de Jiko ? Etudier la Voie, c’est s’étudier soi-même. Non, c’était Haruki qui avait dit ça. En citant le maître Dogen qui parlait du zazen. D’une certaine manière, Ruth comprenait cette phrase. A ses yeux, le zazen se définissait comme une sorte d’observation de soi « moment par moment » censée conduire vers l’éveil. Mais ça voulait dire quoi au juste ?

S’étudier soi-même, c’est s’oublier soi-même. Peut-être qu’en pratiquant le zazen, l’impression que nous avons d’incarner un être solide, singulier, se dissout et qu’on finit par l’oublier. Quel soulagement, de savoir que l’on est libre de déambuler joyeusement dans l’éventail quantique de tous les possibles.

S’oublier soi-même, c’est être éveillé par toutes les existences. Les montagnes et les rivières, l’herbe et les arbres, les corbeaux, les chats, les loups et les méduses.
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